L’enquête prévue sur les meurtres présumés de civils qu’auraient commis les forces de sécurité guinéennes semble mal partie, les avocats ayant suspendu leur participation, et les associations de défense des droits humains envisagent d’employer d’autres moyens pour obtenir justice au nom des victimes.
Les citoyens et observateurs internationaux craignent que le prochain anniversaire de la répression militaire meurtrière de janvier ne déclenche de nouvelles manifestations et de nouvelles flambées de violence si les doléances du peuple guinéen restent lettre morte.
Au moins 137 civils auraient été tués par l’armée et les forces de police au cours des soulèvements populaires sans précédent de janvier et février derniers, selon les défenseurs du droit international. Selon une association guinéenne de défense des droits humains, au moins 230 civils auraient été tués.
Une commission, chargée d’enquêter sur les violences commises, a été créée en mai par vote unanime de l’Assemblée, mais ses membres n’ont pas encore prêté serment pour pouvoir ouvrir l’enquête. « Nous avons peu d’espoir de voir le travail de cette commission aboutir à un résultat positif », a déclaré à IRIN Thierno Maadjou Sow, président de l’Organisation guinéenne des droits de l’Homme (OGDH), le 22 novembre.
« Certains des individus impliqués sont proches du pouvoir, alors il est difficile pour [notre] système judiciaire de fonctionner correctement », a-t-il ajouté.
L’OGDH doit rencontrer d’autres associations de défense des droits humains et organisations non-gouvernementales (ONG) « pour mettre en place une structure alternative de lutte contre l’impunité », a indiqué M. Sow. « Si nous ne parvenons pas à obtenir réparation ici, nous verrons ce que nous pouvons faire avec nos partenaires internationaux pour traduire en justice [les responsables] », a-t-il expliqué.
La commission d’enquête devait enquêter sur les décès de ce début d’année, et sur d’autres affrontements semblables, survenus en juin 2006. Lansana Kouyaté, le Premier ministre, vient de nommer les membres de la commission, en octobre, et rien n’a été fait depuis lors, selon plusieurs sources qui suivent le déroulement de la procédure.
Le 11 octobre, M. Kouyaté a déclaré, devant l’Assemblée nationale, que la commission d’enquête était « en phase de préparation ». IRIN n’a pas pu joindre les responsables du gouvernement pour obtenir leurs commentaires sur le statut actuel du comité.
Les avocats en grève
Aujourd’hui, les avocats qui devaient faire partie de la commission ont suspendu leur participation pour protester contre ce qu’ils qualifient de « schéma de violences » policières et militaires contre les représentants de la justice. Six des 19 membres nommés sont avocats.
« En Guinée, l’armée et la police sont au-dessus des lois », a expliqué à IRIN Boubakar Sow, président de l’Association du barreau guinéen.
« Les avocats et les juges sont complètement méprisés […] Nous devons mettre un terme à cette culture ».
Tous les avocats sont en grève depuis le début du mois d’octobre, depuis que l’un d’entre eux a été brutalisé et arrêté par la police alors qu’il tentait de rencontrer un client placé en détention.
« Nous sommes constamment menacés et maltraités [par les membres des forces de sécurité] », a déclaré M. Sow, de l’Association du barreau. « Si nous ne pouvons pas traduire en justice ces individus-là, alors il est certain que la commission d’enquête ne réussira pas à traduire en justice les individus encore plus haut placés, responsables des meurtres de civils ».
Selon Mamadou Dian Diallo, dont le frère de 16 ans a été tué au cours de la manifestation de janvier, « les choses vont encore mal tourner si nous ne parvenons pas à obtenir ce pour quoi nous nous sommes battus ».
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