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Le rude combat d’un pays fragile contre une épidémie vigoureuse

La baisse du taux de prévalence du VIH en Haïti ces dernières années suscite un certain espoir dans ce pays des Caraïbes le plus touché par l’épidémie, mais la faiblesse institutionnelle, le manque de leadership, la stabilité précaire et la pauvreté endémique laissent craindre que ce répit soit provisoire.

Le taux de prévalence du VIH en Haïti, qui partage l’île d’Hispaniola avec la République dominicaine, était estimé à 5,6 pour cent en 2003. Selon les dernières statistiques du gouvernement, ce taux serait tombé à 2,2 pour cent en 2006 -3,8 pour cent selon les Nations Unies.

Si plusieurs acteurs de la lutte contre le sida restent prudents sur cette baisse, les études n’ayant porté ni sur le même nombre de sites sentinelles, ni sur la même catégorie de population, pour d’autres, elle ne fait aucun doute, même si les raisons ne sont pas clairement identifiées.

« Il faut admettre qu’il y a eu beaucoup de décès, et que cela peut expliquer en partie la diminution, mais il faut aussi accepter l’effort qui a été réalisé pour combattre l’épidémie », a dit le docteur Brunel Delonnay, assistant du directeur exécutif de l’Unité de coordination des programmes IST/VIH/SIDA, tuberculose et paludisme, placée sous la direction du ministère de la Santé publique et de la population.

L’histoire du VIH/SIDA en Haïti remonte aux premières heures de l’apparition de l’épidémie. Le pays a dans un premier temps été accusé d’en être à l’origine : au début des années 80, des experts américains ont attribué la propagation du virus aux « quatre H » (Homosexuels, Hémophiles, Héroïnomanes, Haïtiens), le VIH ayant été découvert chez plusieurs immigrés haïtiens aux Etats-Unis.

« Haïti a dû se battre contre cette idée jusqu’à ce qu’il soit finalement reconnu que l’épidémie venait de l’extérieur et s’était répandu dans le pays », a raconté le docteur Delonnay.

Une étude américaine, publiée en octobre 2007 dans les Annales de l'académie nationale américaine des sciences (PNAS) et affirmant que le VIH serait arrivé aux Etats-Unis à la fin des années 60 en provenance de l’Afrique via Haïti, vient de ramener cette hypothèse sur le devant de la scène.

Dans les années 80, ces affirmations, ajoutées à l’instabilité politique et à l’insécurité qu’a connu Haïti au cours des deux dernières décennies, ont contribué à faire fuir les touristes, unique source de richesse de ce pays de moins de huit millions d’habitants, accentuant la paupérisation des populations et aggravant la propagation de l’épidémie.

Les Nations Unies estiment que 190 000 personnes vivaient avec le virus fin 2005 et que 16 000 personnes ont succombé à l’épidémie au cours de cette même année dans ce pays aujourd’hui classé 154ème sur 177 selon l’Indice de développement humain des Nations Unies.

La communauté internationale au chevet d’Haïti

D’abord abandonnée à son sort, Haïti a fini par attirer l’attention de la communauté internationale, inquiète de la gravité de la situation et de la forte émigration haïtienne : près d’un million d’Haïtiens vivent et travaillent en République dominicaine, et quelque deux millions en Amérique du nord.

Le rétablissement d’une certaine stabilité politique après le départ en exil forcé en 2004 de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et le déploiement de quelque 8 800 membres, militaires et civils, de la force de stabilisation des Nations Unies en Haïti, la MINUSTAH, ont encouragé les bailleurs à investir dans la lutte en Haïti.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a accordé en 2002 et 2006 deux subventions quinquennales pour la lutte contre le VIH. Le Plan d’urgence du président américain George Bush contre le sida, le Pepfar, a également fortement investi en Haïti : sa participation sur l’année 2007 devrait s’élever à 78 millions de dollars, faisant de ces deux organismes les principaux pourvoyeurs de fonds de la lutte contre l’épidémie en Haïti.

Ces financements, auxquels s’ajoutent les contributions d’agences des Nations Unies et d’organisations internationales, ont permis de lancer des programmes de distribution d’antirétroviraux et de renforcer les programmes de prévention de l’épidémie.

Quelque 10 445 patients reçoivent aujourd’hui gratuitement ces médicaments qui prolongent et améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH –moins de 25 pour cent des personnes qui en auraient besoin- pour un objectif affiché de 25 000 personnes.


Photo: Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Les inégalités économiques, la corruption et la croissance démographique incontrôlée représentent toujours des menaces pour la stabilité du pays
Par ailleurs, les multiples campagnes de sensibilisation sur l’épidémie ont abouti à l’augmentation de l’utilisation du préservatif, surtout en milieu urbain, ont reconnu tous les acteurs de la lutte, même si l’utilisation encore trop faible de ce moyen de prévention parmi les jeunes et en zone rurale empêche tout triomphalisme.

Mais la manne financière se déversant soudain dans le pays et la multiplicité des partenaires sont parfois déroutants pour les autorités dans ce pays aux institutions considérablement affaiblies par les années d’instabilité, qui rencontrent les plus grandes difficultés à obtenir des informations et exercer un contrôle sur les programmes en cours.

Environ 65 pour cent du budget de l’Etat haïtien provient des bailleurs de fonds internationaux. Dans le cas de la lutte contre le sida, cette proportion a atteint plus de 80 pour cent en 2003.

« On apprend parfois par hasard ce qui se fait, c’est difficile d’avoir des informations, c’est une frustration d’être obligé d’attendre que les partenaires puissent agir », a reconnu M. Delonnay. « La seule solution c’est d’être proactif, de faire preuve de souplesse, de voir où untel va et s’il fait du bon travail, dans ce cas il faut essayer de contrôler et d’accompagner ».

Selon le Programme commun des Nations Unies sur le sida, Onusida, pour éviter les problèmes de coordination soulevés par la plupart des intervenants dans la lutte en Haïti et pour garantir la pérennisation des efforts, il faudrait en effet « que le gouvernement prenne sa place, qu’il guide et encadre le pays, et trouve les moyens d’offrir des services aux populations ».

Préparer l’avenir

Pour tenter de limiter cette dépendance et d’affirmer leur rôle de régulateur, notamment face une société civile d’autant plus forte que l’Etat est faible, les autorités haïtiennes ont décidé d’élargir les efforts à tous les secteurs d’activité, la lutte étant jusqu’à aujourd’hui placée sous la responsabilité du ministère de la Santé.

Le gouvernement envisage également de créer une ligne budgétaire consacrée à la lutte. Sur pression des associations de personnes vivant avec le VIH, le Plan stratégique 2008-2012, dont le document cadre est prêt, prévoit la création d’un fonds de solidarité.

Il reste encore beaucoup à faire. En dépit de la récente baisse du taux de prévalence du VIH, Haïti reste le pays le plus lourdement touché par l’épidémie dans la zone Caraïbes : avec son voisin, la République dominicaine, le pays y enregistre les trois quarts des cas d’infection au VIH.

Le VIH et la tuberculose demeurent parmi les principales causes de décès chez l’adulte, le taux de co-infection étant de l’ordre de 30 pour cent, un phénomène d’autant plus inquiétant que le pays est confronté à des cas de tuberculose multirésistante.

La situation en zone rurale, où vivent les deux tiers de la population, est également source d’inquiétude pour les autorités et les partenaires : la géographie montagneuse y rend les déplacements difficiles, et la pénurie de personnels de la santé qualifiés, déjà préoccupante en milieu urbain, y est critique. Les fortes migrations internes de populations au moment des troubles politiques ont augmenté le risque de propagation de l’épidémie dans ces zones reculées, sans pour autant que ce mouvement soit suivi d’une amélioration dans l’accès aux soins.

Enfin, la stigmatisation très puissante contre les personnes vivant avec le VIH est un obstacle à la lutte, de même que les croyances populaires profondément ancrées qui continuent à associer l’infection au VIH à un phénomène surnaturel, rendant le travail de prévention encore plus délicat.

D’autre part, sur un plan plus large, le retour d’une stabilité relative ne doit pas faire penser qu’Haïti est sortie d’affaire, préviennent de nombreux observateurs internationaux. Le déploiement des forces de la MINUSTAH a permis un relatif retour au calme, mais les causes profondes des troubles, entre autres les inégalités socio-économiques, la corruption endémique et la croissance démographique incontrôlée, n’ont pas été résolues.

Les violences, notamment sexuelles, contre les femmes, ont atteint des niveaux inquiétants et la criminalité perdure, malgré les opérations policières menées pour « décapiter » les gangs, très implantés dans les bidonvilles de Port-au-Prince, qui contrôlent en partie le trafic de drogue et les enlèvements contre rançon, devenus le cauchemar des Haïtiens un peu plus aisés.

Malgré tout cela, Haïti doit essayer de rétablir la confiance des investisseurs et des touristes pour permettre au pays de sortir de ses profondes difficultés économiques : un Haïtien de plus de 15 ans sur trois est au chômage, selon les autorités, et alors que la République dominicaine a accueilli en moyenne 2,5 millions de touristes ces dernières années, Haïti n’en a enregistré que 50 000 –à 95 pour cent des membres de la diaspora haïtienne.

ail/

Pour en savoir plus sur Haïti


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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