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L’eau comme monnaie d’échange, pour exiger des « faveurs » des déplacés

Bon nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) dans des camps en Irak sont confrontées à des pénuries d’eau, et surtout d’eau propre et potable, une situation dont profitent certains militants sans scrupules, selon plusieurs organisations non-gouvernementales (ONG) locales.

Certaines familles déplacées ont rapporté que des militants se rendaient dans leurs camps en camion pour y livrer de l’eau, en échange d’argent, de biens ou de « faveurs ».

« Ils [les militants] nous demandent parfois de l’argent, en sachant bien que nous n’en avons pas, puis se mettent à fouiller nos tentes pour dans l’espoir d’y trouver quelque chose d’utile, tandis que des hommes armés restent près du camion, leurs fusils braqués sur nous », a raconté Omar Latif, un PDIP de 45 ans, qui vit au camp Rahman, à la lisière de Missan, dans le sud de l’Irak.

« Parfois, ils demandent même à s’amuser avec de "gentilles filles" », a-t-il expliqué, ajoutant que deux hommes de la communauté avaient été tués pour s’être opposés à des militants qui exigeaient des faveurs sexuelles en échange d’eau.
A en croire Fatah Ahmed, porte-parole de l’Iraq Aid Association (IAA), les autorités locales ont été informées de ces incidents, mais n’y ont pas donné suite.

Avertissement

Selon un rapport publié conjointement le 30 juillet par l’association caritative britannique Oxfam et le Comité de coordination des ONG d’Irak, quelque huit millions d’Irakiens ont un besoin urgent d’eau et de systèmes d’assainissement. Toujours d’après le rapport, 70 pour cent des Irakiens ne disposent pas de ressources adéquates en eau – contre 50 pour cent en 2003.

Selon un rapport publié au début du mois par l’Organisation internationale pour les migrations, la principale entité intergouvernementale mondiale axée sur les migrations, au vu de leur ampleur, les déplacements de population en Irak sont « rapidement en passe de se muer en crise régionale et, à terme, internationale ».

Manque d’eau

« La plupart des camps de PDIP sont très éloignés des villes rurales et urbaines, c’est pourquoi les familles ont d’autant plus de difficultés à chercher d’autres sources d’eau », a indiqué M. Ahmed. « Elles sont parfois obligées de parcourir de longues distances dans des zones à risques, et bon nombre d’entre elles auraient été tuées ».

« La situation est critique et dans certaines régions, les travailleurs humanitaires ne sont pas en mesure d’apporter leur aide [à ces populations] depuis plus de deux mois », a déploré Fatah Ahmed.

« Nous avons été informés du fait que, dans certains camps de déplacés près de Baqouba, Najaf et Missan, les familles puisent de l’eau des bouches d’égout à ciel ouvert qui se trouvent aux alentours, la filtrent avec des morceaux de tissus et la boivent sans la faire bouillir au préalable », a-t-il rapporté.

« Il ne fait aucun doute que de nombreuses familles déplacées et locales vivent sans eau propre – en partie du fait de l’insécurité, et en partie à cause du manque d’électricité ou d’infrastructures pour permettre l’approvisionnement en eau. [...] De nombreuses familles en viennent à exploiter illégalement des canalisations, à creuser des puits ou à boire l’eau des rivières », a expliqué à IRIN Claire Hajaj, chargée de communication aux bureaux irakiens du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Maladies

Selon l’IAA, au moins 450 000 PDIP manquent d’eau et de systèmes adéquats d’évacuation des eaux usées, ce qui augmente les risques de déshydratation et de contraction de maladies hydriques.


Photo: UNHCR
Carte de l'Irak et de ses 17 provinces indiquant les principales régions du pays où les personnes déplacées ont trouvé refuge depuis le mois de février 2006. Source: HCR juillet 2007
Pour la South Peace Organisation (SPO), une ONG sise dans le sud de l’Irak, les maladies hydriques et la déshydratation deviennent monnaie courante chez les enfants déplacés.

« Au moins 58 pour cent des enfants déplacés d’Irak souffrent d’une affection ou d’une autre, généralement d’une maladie hydrique, telle que la diarrhée », a expliqué Mayada Obeid, porte-parole de la SPO. « Les médecins ont découvert que le climat chaud et l’eau sale qui leur est donnée en sont la raison principale ».

« Les enfants déplacés sont extrêmement vulnérables à l’eau insalubre, particulièrement lorsqu’ils s’installent dans des zones qui ne sont pas équipées en eau. Les taux de diarrhée sont plus susceptibles d’augmenter dans des zones où les ressources en eau sont surexploitées et où beaucoup de gens survivent sans ressources salubres », a déclaré Mme Hajaj de l’UNICEF.

« Bien que les autorités locales et les ONG fassent de gros efforts pour fournir de l’eau propre aux familles déplacées, l’ampleur de la crise reste trop importante par rapport aux efforts fournis », a-t-elle ajouté.

« Le manque de sécurité près de notre camp empêche les ONG de se rendre jusqu’à nos tentes, et l’eau, qui est livrée une fois par semaine, dure à peine trois jours, surtout que de nouvelles familles arrivent chaque jour ».
Etude de cas

« Nous avons à peine quelques litres d’eau par jour pour boire, laver la vaisselle et le linge et, quand nous pouvons, prendre un bain », a expliqué Um Barak, déplacée à la lisière de la province de Diyala, au nord-est de Bagdad, avec son époux au chômage et ses quatre enfants.

Mme Barak, qui ne bénéficie d’aucune aide humanitaire, a rapporté que l’eau était sale, mais qu’ils n’avaient d’autre choix que de la boire.

Les ONG locales, dont l’IAA, apportent de l’eau aux camps, mais les familles déplacées et les travailleurs humanitaires admettent tous deux que cela ne suffit pas à combler les besoins des déplacés.

« Le manque de sécurité près de notre camp empêche les ONG de se rendre jusqu’à nos tentes, et l’eau, qui est livrée une fois par semaine, dure à peine trois jours, surtout que de nouvelles familles arrivent chaque jour. Je ne peux pas laisser mes enfants mourir de déshydratation », a expliqué Um Barak, en faisant cuire du riz et des fèves dans de l’eau sale.

as/at/cb/nh/ads


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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