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Silence, quelqu’un pourrait écouter...

Le projet de loi sur l’interception des communications, qui n’attend plus que la signature du président zimbabwéen Robert Mugabe pour entrer en vigueur, va encore accentuer la pression des autorités sur le contrôle de l’information, un secteur déjà fortement réglementé par des lois répressives, ont affirmé des groupes de la société civile.

Si la loi est approuvée par le Président, elle autorisera le gouvernement à ordonner des écoutes téléphoniques, à intercepter des courriers électroniques et à contrôler tous les autres programmes informatiques considérés comme étant une menace pour la sécurité nationale.

L’organisation non gouvernementale des Avocats zimbabwéens pour les droits de l’homme ont décrit le projet qui vient de passer récemment au Parlement comme étant « une ébauche bâclée, autodestructrice et irrespectueuse des libertés et des droits fondamentaux de la population ».

Les rapports de médias indépendants ont soutenu que le gouvernement avait importé des équipements de surveillance et était en train de les installer.

Nelson Chamisa, parlementaire du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), principal parti d’opposition, a affirmé lors d’une discussion au Parlement qu’un intercepteur de communications téléphoniques avait déjà été installé en dehors de Harare, la capitale.

« Même avant que le projet ne devienne une loi, il y avait des preuves qui attestaient que le peu d’espace de liberté d’expression qui restait était déjà affecté », a affirmé à IRIN Foster Dongozi, secrétaire général de l’Union zimbabwéenne des journalistes (ZUJ) et journaliste pour une publication indépendante.

« Après l’adoption par le Parlement du projet de loi, la crainte a saisi les sources d’informations et les journalistes, au point qu’ils sont devenus réticents à délivrer l’information, ce qui réduit la capacité des médias à obtenir la vérité », a déploré M. Dongozi, citant un cas dans lequel un représentant d’une organisation avait refusé de lui parler parce qu’il avait peur que le gouvernement ait déjà commencé à surveiller les personnes.

Dans l’intérêt de la sécurité nationale

Le quotidien gouvernemental The Herald a rapporté les propos du ministre des Transports et des télécommunications, Christopher Mushohwe, qui a affirmé au début du mois au Parlement que la loi était cruciale parce que les avancées technologiques en matière de diffusion de l’information constituaient une menace pour la sécurité nationale.

Il a affirmé que le projet avait tenu compte à la fois des droits individuels inscrits dans la Constitution et de la sécurité nationale. M. Mushohwe a précisé que cette législation n’était pas spécifique au Zimbabwe et que d’autres pays tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore l’Afrique du Sud avaient mis en place des lois similaires.

« Ce sont là des pays qui sont considérés comme des fers de lance de la démocratie », a dit M. Moshohwe.

Si la nouvelle proposition de loi est acceptée, les opérateurs de télécommunications seront obligés d’installer le matériel ainsi que le logiciel permettant l’interception des communications.

''L’atmosphère est trop lourde pour les journalistes, nous regardons toujours par dessus notre épaule parce que nous sentons que nous sommes suivis et surveillés. Désormais, c’est pire, car nous sommes aussi écoutés, c’est vraiment effrayant.''
Durant les six dernières années, le gouvernement a employé deux autres lois – la loi sur la sécurité nationale (POSA) et la loi sur l’accès aux medias (AIPPA) – afin de restreindre la liberté d’expression.

La POSA a été mise en place afin d’interdire ou de suspendre des rassemblements considérés trop critiques envers le gouvernement. L’AIPPA, qui régule les opérations des médias via une commission, a été utilisée pour réduire au silence plusieurs journaux indépendants.

De lourdes sanctions peuvent être infligées à des journalistes ou des maisons d’édition qui impriment et diffusent toute information que la commission considère comme fausse. 

Une marge de manoeuvre réduite

M. Dongozi a indiqué que la ZUJ était « consternée par l’impact de ce projet concernant les médias », ajoutant que le gouvernement avait choisi de s’intéresser aux espaces de communication professionnelle et privée après s’être rendu compte que de plus en plus de gens se tournaient vers l’internet pour y échanger des informations.

« Le téléphone et l'internet sont maintenant les sources principales de travail pour la plupart des journalistes qui ont été recensés par l’AIPPA, et il est regrettable que le gouvernement essaie de porter le coup de grâce à la liberté des médias à travers une autre loi ‘Big Brother’ », a dit Dongozi.

Selon un journaliste freelance, « l’atmosphère est trop lourde pour les journalistes, nous regardons toujours par dessus notre épaule parce que nous sentons que nous sommes suivis et surveillés. Désormais, c’est pire, car nous sommes aussi écoutés, c’est vraiment effrayant ».

En avril 2006, la section zimbabwéenne de l’Institut des médias de l’Afrique australe (MISA) a déposé une proposition de loi au Parlement demandant expressément le rejet du projet de loi sur l’interception des communications.

« Les Zimbabwéens ont été les témoins de la promulgation d’un certain nombre de lois répressives qui ont contribué à la réduction de l’espace démocratique et de la marge de manoeuvre des défenseurs et activistes des droits de l’homme », a écrit cet organisme de défense des médias.

« L’introduction du projet de loi s’ajoute aux nombreuses autres lois qui s’attaquent à la promotion des droits de l’homme au Zimbabwe, en particulier à la liberté d’expression et au droit de recevoir et de partager des informations entre différents groupes », a-t-il ajouté.

Les représentants juridiques du MISA-Zimbabwe ont argumenté que le projet était anticonstitutionnel, affirmant qu’il violait l'article 20 de la Constitution qui assure la liberté d’expression « tandis que l’interception suggère l’ingérence, l’obstruction, l’interruption du flux de l’information ainsi que sa saisie ».

Expression politique

Le MDC a précisé que bien que n’ayant rien à cacher, il suspectait la loi d’avoir pour but de harceler ses membres sous prétexte de préserver la sécurité nationale.

« Ce projet est un nouvel outil dans la boîte du diable. Une hache n’est pas mauvaise si elle est utilisée afin d’abattre un arbre, mais elle le devient si quelqu’un l’utilise pour tuer son enfant », a dit M. Chamisa, porte parole de la branche du MDC dirigée par l’opposant Morgan Tsvangirai. « De même, la loi ne serait pas mauvaise si elle n’était pas clairement prévue pour museler l’opposition, plus particulièrement en vue des élections présidentielles et parlementaires de l’année prochaine ».

Sans un média indépendant, a-t-il dit à IRIN, l’opposition aura beaucoup de mal à toucher l’électorat lors des élections de l’année prochaine.

La Confédération syndicale du Zimbabwe (ZCTU), un organisme dont les membres ont été arrêtés alors qu’ils manifestaient contre le coût de la vie et la montée du chômage, maintient que le pays n’est sous le coup d’aucune menace qui puisse justifier une telle loi.

« La communication est une question des droits de l’homme, et nous nous inquiétons du fait que ce projet soit défendu alors qu’aucun signe ne montre que le pays est sous la menace du terrorisme international ou d’une guerre interne », a dit à IRIN Wellington Chibebe, secrétaire général de la ZCTU.

Les syndicats ont aussi exprimé leurs craintes, au cas où la loi serait promulguée, de voir ce texte restreindre encore davantage leurs efforts pour surveiller et rendre compte des problèmes liés au travail.

ff/jk/he/sm/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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