L’Afrique du Sud connaît un hiver particulièrement rigoureux, qui a provoqué la mort d’au moins 17 personnes exposées aux intempéries et fait resurgir le problème de la pénurie chronique de logements qui touche le pays.
Les sans-abri d’Afrique du Sud, un pays qui en compte plusieurs millions, ont été très touchés par les températures exceptionnellement basses, constatées dans de nombreuses régions.
« Je me suis vraiment dit que mon bébé pourrait mourir si je ne le mettais pas au chaud », a raconté une Zimbabwéenne de 22 ans, alors qu’elle se trouvait dans un couloir bondé d’une église méthodiste située au centre-ville de Johannesburg. « Je n’ai nulle part d’autre où aller ».
La jeune femme, qui a refusé de donner son nom, portait un vieux pull et avait noué deux foulards autour de son cou. Comme plus de 900 autres personnes, serrées les unes contre les autres, elle avait trouvé refuge dans cette église pleine de courants d’air, tandis que les températures chutaient, forçant les sans-abri de Johannesburg à quitter la rue.
Selon le service météorologique sud-africain, 54 records de température ont été atteints tandis que la neige, la grêle et les fortes averses s’abattaient sur le pays. De nombreuses villes ont enregistré des températures exceptionnellement basses, tandis que d’autres ont atteint des records de précipitations journalières.
Certains commentateurs ont suggéré que le changement climatique pourrait être au moins en partie responsable de ces températures glaciales. Pourtant, un porte-parole du service météorologique a déclaré qu’il n’était pas rare de voir deux ou trois vagues d’intempéries particulièrement violentes s’abattre sur le pays au cours des mois d’hiver.
Pas assez de logements construits
Quelles que soient les causes de ce mauvais temps, les pauvres et les sans-abri d’Afrique du Sud ont été particulièrement touchés. Depuis la fin de l’apartheid, il y a une dizaine d’années, le gouvernement, dominé par le Congrès national africain et dirigé par le président Thabo Mbeki, s’est lancé dans une politique de construction forcenée de logements sociaux. Toutefois, d’après certaines estimations, il manquerait encore 2,5 millions de logements.
Selon le Centre de défense du droit au logement et de lutte contre l’éviction, une organisation non-gouvernementale sise à Genève, 7,5 millions de Sud-Africains ne disposeraient pas d’un logement adéquat ni d’un bail sûr en Afrique du Sud. Au moins un tiers de la population vit dans la pauvreté et si le taux de chômage officiel s’élève à environ 20 pour cent, il serait en fait plus proche des 40 pour cent, selon des estimations non officielles.
Même les personnes dotées d’un logement demeurent vulnérables pendant ce rude hiver. Des millions d’entre elles vivent dans des petites cabanes en bois, construites dans des zones d’habitations informelles. Ces structures mal aérées et mal isolées, offrent une protection bien insuffisante contre le froid. Sur les 17 décès signalés la dernière semaine, un grand nombre ont été causés par des incendies provoqués dans les cabanes par des braseros ou des appareils de chauffage au gaz. D’autres personnes sont mortes asphyxiées, et d’autres encore ont été tuées au cours d’incendies causés dans des cabanes par des connections électriques défectueuses – et souvent illégales.
Les équipes des services communautaires et les organisations caritatives de Johannesbourg et d’autres villes se sont efforcées de prévenir les décès dus au froid hivernal en distribuant des couvertures et en avertissant la population des dangers des appareils de chauffage défectueux ou laissés sans surveillance.
Des refuges bondés
Mais pour ceux qui n’ont pas de logement – et notamment les millions de réfugiés qui ont afflué en Afrique du Sud en provenance des quatre coins du continent – les églises, les mosquées et les foyers sont souvent les seuls abris disponibles pendant l’hiver.
« Ici, nous ne pratiquons pas de discrimination. On reçoit des gens originaires du Zimbabwe, de Mozambique, du Kenya, du Burundi, du Swaziland, de l’autre bout de l’Afrique et bien sûr d’Afrique du Sud aussi », a expliqué Paul Verryn, l’évêque de l’église méthodiste du centre-ville de Johannesbourg. « L’hiver commence très mal, mais nous faisons de notre mieux pour nourrir les gens qui viennent ici et leur donner du matériel de couchage dans la mesures de nos moyens ».
Innocent, un Sud-Africain de 21 ans, qui court les petits boulots dans le quartier des affaires du centre-ville de Johannesbourg, se tenait blotti avec des dizaines d’autres sans-abri sur un escalier, à l’intérieur de l’église. « Parfois, je reste chez un ami, parfois je vais chez mes parents, mais ils habitent loin d’ici, alors il m’arrive de n’avoir nulle part où aller », a-t-il expliqué. « A l’église, on me donne de la soupe et je suis à l’abri du froid ».
Parmi les réfugiés réunis dans l’église, certains étaient docteurs, comptables, enseignants ou hommes d’affaires.
« L’Afrique du Sud doit être hospitalière et généreuse avec ces gens », a poursuivi M. Verryn. « Au lieu de les considérer comme des réfugiés, nous devrions les voir comme des gens à aider et qui pourraient, à leur tour, aider notre pays car nous souffrons d’une grave pénurie de compétences ».
Les foyers affichaient complet tandis que les températures chutaient à l’autre bout du pays, dans la ville côtière du Cap.
« Nous avons 14 refuges et abritons quelque 1 500 personnes par nuit mais nous prévoyons d’en construire davantage », a déclaré Hassan Khan, le directeur des refuges Haven Night, une organisation caritative. « Nous avons besoin de beaucoup plus de couvertures et de nourriture. […] Nous sommes soumis à une pression énorme pour nous occuper des nombreuses personnes qui sont dans le besoin, surtout pendant les mois d’hiver, lorsqu’il n’est plus possible pour elles de passer la nuit dehors ».
M. Khan a expliqué que son équipe travaillait en étroite collaboration avec les autorités municipales et provinciales, en vue de trouver une solution à long terme au problème quasi-démesuré dont souffre l’Afrique du Sud en matière de logements.
« Je dirais que le problème est de plus en plus grave », s’est inquiété M. Khan. « En fait, quand les gens donnent un peu d’argent aux enfants des rues, ils aggravent la situation parce qu’ils leur permettent de continuer à vivre dans ces conditions, mais ce n’est pas une solution. Nous devons sortir ces gens de la rue pour de bon ».
Nombreux sont ceux qui fondent tous leurs espoirs d’un renouveau en matière de logements sur le développement massif d’infrastructures et la création d’emplois qui devraient accompagner l’organisation en Afrique du Sud de la Coupe du monde de football, en 2010.
« Le gouvernement a fourni deux millions de logements en une dizaine d’années, mais le grand défi consistera à faire en sorte que l’ensemble du pays travaille de concert pour régler ce problème », a estimé M. Khan. « Nous espérons que l’année 2010 marquera une véritable avancée dans la résolution du problème des sans-abri […] Nous devons adresser ce message au monde entier ».
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