1. Accueil
  2. Middle East and North Africa

Les menaces sur les avocats ralentissent les procédures judiciaires

En décidant de quitter plus tôt son étude le 4 avril, Muhammad Shami, un avocat irakien de 44 ans, ne pouvait pas imaginer qu’il échappait ainsi à une tentative d’assassinat.

Peu de temps après être arrivé chez lui, il reçut un appel téléphonique d’un employé de la société voisine de son étude, l’informant que deux de ses collègues avaient été abattus dans leur bureau.

« J’étais désespéré et terrifié parce que je pensais que j’allais être la troisième victime. Nous avions déjà reçu plusieurs menaces de mort au cours des trois derniers mois pour avoir défendu certains dossiers, mais nous ne pensions pas que risquions notre vie en faisant appliquer la loi », a dit maître Shami.

Depuis ce jour, maître Shami n’est plus retourné à son étude.

« A mon grand regret, j’ai dû licencier mes collaborateurs », a-t-il ajouté. « Des employés travaillant dans l’immeuble de mon étude m’appellent souvent pour m’informer que je suis recherché par des hommes masqués qui, en mon absence, ont inscrit sur la porte de l’étude des messages de menaces de mort ».

M. Shami envisage désormais de partir s’installer en Jordanie avec sa famille.

Les menaces à l’encontre des juges et des avocats se sont multipliées au cours des 14 derniers mois en Irak, où on assiste également à une escalade généralisée de la violence sectaire depuis l’attaque d’un lieu saint chiite en février 2006.

Plusieurs centaines de juristes ont quitté le pays en raison des menaces et des persécutions dont ils font l’objet ; ce qui retarde les procédures judiciaires et prive des milliers de personnes de leurs droits légitimes.

Depuis l’invasion de l’Irak par les forces de la coalition dirigées par les Etats-Unis, au moins 210 avocats ont été tués et des dizaines d’autres ont été blessés au cours de tentatives d’assassinat, a indiqué l’Association des avocats irakiens (ILA).

« Beaucoup d’avocats irakiens ont été assassinés pour avoir plaidé dans des affaires d’adultère, de crimes d’honneur, de reconnaissance de droit de propriété, de garde d’enfants et de divorce, puisque les problèmes des communautés religieuses et les subtilités de la loi islamique constituent l’essentiel des dossiers de l’accusation ou de la défense », a expliqué Safa’a Farouk, avocat et porte-parole de l’ILA.

De nombreux avocats « ont reçu des menaces et ont dû abandonner des dossiers et des centaines d’autres ont fui le pays, laissant derrière eux un immense vide dans le système judiciaire irakien », a-t-il ajouté.

Le sectarisme, un objet de pression sur les avocats

Selon maître Farouk, le nombre d’avocats en activité en Irak a baissé d’au moins 40 pour cent en l’espace d’une année. Des centaines de dossiers sont en souffrance, en attendant que des avocats veuillent bien s’en saisir.

En outre, compte tenu des fortes tensions qui existent entre les communautés musulmanes sunnite et chiite, les juges subissent d’énormes pressions pour les obliger à rendre des jugements favorables aux membres de leur communauté religieuse. Dans ces conditions, les avocats sont souvent les perdants.

« C’est une problème très sérieux. Quand vous gagnez un procès, vous devenez la cible de la partie adverse, et quand vous le perdez, c’est votre client qui chercher à vous tuer. Aujourd’hui, les clients s’adressent généralement à des avocats de la même communauté ethnique ou de la même confession qu’eux pour les aider à gagner leurs procès », a dit maître Farouk.

Les avocats « devraient respecter le principe de la neutralité, mais en Irak ce n’est pas le cas. Malheureusement, certains juges et avocats acceptent des pots-de-vin et cette pratique ternit notre image de neutralité », a-t-il ajouté.

Le 18 avril, deux avocats ont été assassinés après avoir gagné un procès opposant une famille qui avait été dépossédée de sa maison et de ses biens par une autre famille. A la sortie du tribunal, les avocats ont été abattus dans la rue par des membres de la partie perdante.

« Le plus choquant dans cette histoire est que personne n’a réagi et que les auteurs de ces meurtres n’ont pas été inquiétés. Ils sont libres et continuent de menacer la famille qui a gagné le procès », a souligné Jua’ad Mustafa, un avocat qui a assisté à la scène.

« Nous sommes désespérés parce que nous ne pouvons pas travailler en toute sécurité. Les études des avocats et les tribunaux sont désormais les cibles des violences sectaires, mais le gouvernement et les forces de sécurité ne font rien pour que la situation change », a ajouté maître Mustafa.

C’est l’Irakien ordinaire qui pâtit le plus de la violence dont sont victimes les représentants de l’appareil judiciaire. Il se retrouve parfois contraint de supplier les avocats pour que ceux-ci acceptent de défendre ses intérêts surtout lorsqu’il s’agit de dossiers sensibles ou impliquant des membres d’une autre communauté religieuse.

« Depuis quatre mois j’essaie de trouver un avocat pour assurer ma défense et celle de ma fille et sanctionner mon mari qui nous torture et nous bat depuis de nombreuses années. Tous ceux que j’ai contactés refusent, arguant que si nous gagnons le procès, mon mari les tuera », a dit Umm Khalil, 41 ans, mère de trois enfants.

En attendant d’en trouver un, « je dois me cacher pour fuir mon mari qui a promis de nous tuer, ma fille et moi, pour l’avoir esté en justice », a-t-elle ajouté.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join