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Changement de stratégie dans la lutte contre la mortalité infantile

Chaque année, des centaines d’enfants meurent dans la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest, alors que des millions d’autres souffrent d’incapacité mentale irréversible et de rachitisme chronique.

Au Sahel, vaste bande de terre aride s’étendant des dunes oranges de la Mauritanie, à l’ouest, aux rudes déserts sablonneux du Tchad, à l’est, les agences humanitaires ont, pendant des décennies, évalué la situation alimentaire des populations en termes de production céréalière régionale en sorgo et mil. C’est à partir de ce critère que ces agences déterminaient leur plan d’action chaque année.

A partir de ce critère et en tenant compte d’une production céréalière en hausse de plus de 19 pour cent pour la campagne agricole 2006-2007 dans les principaux pays sahéliens (Tchad, Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Sénégal), cette année devrait être calme pour les agences humanitaires.

Au Niger, toutefois, le Comité permanent inter-états de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) a prévenu que dans 459 villages nigériens, près de 376 000 personnes « sont en situation d’extrême vulnérabilité ».

Au Burkina Faso, des migrants de la faim provenant de l’est et du nord du pays auraient commencé à affluer vers les sites d’exploitation des mines d’or. Près de 300 000 personnes vulnérables ont ainsi été identifiées au cours d’une enquête dans 500 villages. De nombreuses poches de problèmes semblables ont également été enregistrées au Tchad, au Mali et en Mauritanie.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le taux de mortalité enfantine et infantile dans les pays d’Afrique de l’Ouest est deux fois plus important que la moyenne mondiale, et bien plus élevé que celui des pays d’Afrique australe et de l’Est. Cinquante trois pour cent des deux millions d’enfants qui meurent chaque année dans les pays du Sahel succombent à des maladies liées à la malnutrition.

La pauvreté à l’origine des problèmes de malnutrition

Christine Van Nieuwenhuyse, directrice adjointe du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Afrique de l’Ouest, a expliqué que lorsqu’il s’agit de déterminer les populations qui ont besoin d’une aide alimentaire, les moyens financiers des bénéficiaires de l’aide sont considérés comme des critères plus importants que la production agricole.

« Que la production agricole soit bonne ou mauvaise, l’accès des populations à la nourriture demeure un problème. Certaines zones sont très isolées et les populations vivent dans une extrême pauvreté. Elles ne peuvent donc pas se procurer de la nourriture même si celle-ci est disponible », a-t-elle indiqué.

Pour le PAM, fournir de la nourriture dans un tel contexte et tout aussi difficile qu’acheminer des vivres dans les pays.

Lorsque la nourriture est disponible, mais que les populations n’ont pas les moyens de se la procurer, le PAM utilise des programmes tels que Nourriture-contre-travail, dans le cadre de projets communautaires, et la création de banques céréalières permettant au villageois d’emprunter des céréales plutôt que de s’endetter auprès des commerçants locaux.

Et ces programmes se poursuivent même lorsque la production agricole est bonne et que les régions sont relativement riches.

« Même quand la production céréalière est bonne, cela ne veut pas dire que les populations ont accès à d’autres types de produits alimentaires renfermant des protéines, des vitamines et des minéraux », a dit le PAM. « Des régions dans certains pays présentent des taux très élevé de malnutrition, malgré une bonne sécurité alimentaire, parce que les populations ont de mauvaises habitudes alimentaires dues au fait qu’elles ne consomment que les aliments qu’elles cultivent ».

Une nouvelle réflexion

Bien que la pauvreté soit au cœur des problèmes de la région et que le développement constitue une priorité, les politiques de réduction de la pauvreté ne sont pas nécessairement perçues comme un moyen d’infléchir à court terme le taux de mortalité particulièrement élevé.

Selon Nick Ireland, représentant d’Oxfam GB pour l’Afrique de l’Ouest, la brève campagne médiatique sur la mortalité enfantine au Niger en 2005 a constitué un « tournant » dans la manière dont les agences humanitaires entendent aborder les problèmes de la région.

« Avant 2005 et au début de cette année-là, la malnutrition et la faim étaient simplement associés aux problèmes de pénurie alimentaire et de mauvaise production agricole. Depuis, la réflexion a fait son chemin », a-t-il déclaré.

Des milliers d’enfants sont morts au Niger en 2005 –les images de nombreux enfants agonisants ont été retransmises sur les télévisions du monde-, mais près de 230 000 autres ont pu bénéficier des programmes nutritionnels mis en place par plus d’une trentaine d’associations internationales humanitaires venues apporter leur assistance au Niger grâce à des fonds d’urgence exceptionnels et aux financements de donateurs privés, en particulier.

L’aide d’urgence s’est poursuivie en 2006 et l’UNICEF a annoncé ce mois-ci que le taux de malnutrition sévère au Niger est passé de 15,3 pour cent en novembre 2005 à 10,3 pour cent en novembre 2006.

Néanmoins, un cinquième des 2,3 millions d’enfants que compte le pays meurt chaque année, et 60 pour cent de ces décès sont dus à des maladies liées à la malnutrition, selon l’UNICEF.

Pour les agences humanitaires, la baisse de la plupart des problèmes de malnutrition sévère au Niger s’explique en partie par l’attitude positive et proactive du gouvernement et par l’ouverture de 800 à 1 000 centres nutritionnels thérapeutiques dans tout le pays.

Pour les humanitaires, le Niger est également un « laboratoire pour la lutte contre la malnutrition », car les nouvelles techniques expérimentées ont permis de réduire la mortalité enfantine, grâce notamment à des soins pédiatrique plus performants, un meilleur suivi obstétrical, à l’administration de vitamine A et de compléments minéraux (zinc), mais également à la construction d’une usine d’aliments à forte valeur nutritive pour les enfants malnutris.

Si les acteurs humanitaires ont réussi à démontrer qu’il est possible de soulager les populations vulnérables, en attendant la mise en place de programmes de développement, « le travail est loin d’être achevé », a prévenu Pierre Adou, Directeur Coordonnateur du bureau de l’ONG Helen Keller International au Niger. Selon M. Adou, plus de 50 pour cent des enfants nigériens sont encore confrontés à des niveaux graves, mais pas mortels, de malnutrition.

« Les acteurs humanitaires travaillent d’arrache-pied pour revenir à la situation d’avant 2005, avant la crise », a-t-il dit. « Actuellement, des programmes de développement doivent prendre le relais, sinon nous n’arriverons jamais à résoudre les problèmes du Niger ».

Les bailleurs de fonds tardent à réagir

Le problème de la malnutrition au Niger ne fait toujours pas l’objet de la même attention en termes de financement des bailleurs de fonds et de disponibilité des ressources des agences humanitaires, même si les autorités nationales prennent de plus en plus conscience que la malnutrition et les moyens de subsistance sont des indicateurs plus importants que la production agricole.

En avril, l’Organisation non gouvernementale (ONG) anglaise Save the Children a accusé l’agence britannique de développement international (DfID) et la Commission européenne de « ne rien faire pour les millions d’enfants malnutris ».

« La malnutrition est la première cause de mortalité chez les enfants mais le gouvernement britannique consacre moins de un pence (0,02 cent américain) par jour pour chaque enfant affamé dans le monde », a affirmé l’ONG.

D’après les calculs de Save the Children, la Commission européenne consacre un peu plus de 0,03 cent par enfant malnutri.

L’aide de la Commission européenne inclut les subventions allouées à un ensemble de partenaires, y compris à son agence humanitaire ECHO, un important bailleur de fonds pour la lutte contre la malnutrition aiguë et un contributeur à la recherche d’une solution à long terme dans le Sahel.

« Mon sentiment est qu’il y a beaucoup plus d’argent consacré à la fourniture de l’aide alimentaire qu’à la résolution des problèmes de malnutrition chronique », a souligné Anna Taylor, responsable de la branche réduction de la faim de Save the Children.

Selon M. Ireland du bureau régional d’Oxfam à Dakar, les problèmes du Sahel sont souvent hors du champ de compétence institutionnelle des agences.

« Ce n’est pas tout à fait d’un programme humanitaire ou de développement dont on a besoin ; c’est plutôt d’un projet qui se situerait entre ces deux programmes et qui s’inscrirait dans le cadre du mandat de certaines agences », a-t-il souligné.

D’après les observations faites à IRIN par le représentant d’un important bailleur de fonds qui a requis l’anonymat, ce problème de compétence institutionnelle concerne également la manière dont les bailleurs financent les projets et plus particulièrement leur capacité et leur volonté à aborder les problèmes de la malnutrition, première cause de mortalité infantile dans la région.

« Ils ont tendance à se concentrer sur les problèmes de réduction de la pauvreté, pensant que cela entraînera naturellement une baisse du taux de malnutrition », a dit le représentant.

En outre, a-t-il ajouté, il n’est pas dit que les populations changeront leur régime alimentaire si elles sont plus riches, et la réduction de la pauvreté, même si elle est possible, prendra des années voire des décennies.

« La nutrition est perçue à la fois comme relevant des secteurs de la santé et de la sécurité alimentaire, et bien souvent, elle est au cœur de cette double problématique. En conséquence, peut-on obtenir les mêmes résultats avec des programmes de santé qui ne tiennent pas compte de la malnutrition et des projets de sécurité alimentaire qui font de même ? », a-t-il demandé.

La malnutrition « n’est pas un phénomène spécifique au mandat d’un secteur particulier, puisqu’elle peut être à la fois la conséquence de problèmes de santé et de sécurité alimentaire », a dit ce représentant.

Cet article est le premier d’une série d’articles qu’IRIN produira sur la problématique de la faim et de la malnutrition dans le Sahel.

Dans un prochain article, IRIN exposera les succès et les échecs des programmes mis en œuvre pour réduire à court terme le taux élevé de la mortalité infantile dans la région, malgré toutes les difficultés rencontrés.

Au Niger, IRIN examinera attentivement la manière dont le pays a réussi à réduire de manière significative la malnutrition sévère et les effets à long terme de cette politique.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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