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Les crimes d'honneur sont encore tolérés

La législation jordanienne continue d’être indulgente à l’égard des criminels qui tuent des femmes membres de leur cercle familial au nom du principe de protection de l’honneur de la famille.

L’année dernière, 15 à 20 femmes sont mortes après avoir été poignardées, battues ou étranglées par des membres de leur famille, parfois elles-mêmes des femmes.

Les défenseurs des droits de l’homme soulignent qu’ils doivent faire face à de nombreux obstacles culturels et politiques dans leur lutte contre l’éradication de ces pratiques tolérées malgré tout par la société.

Alors que les responsables politiques laissent les femmes accéder à des postes politiques, ils sont incapables – et parfois peu désireux – de combattre cette pratique.

« Il n’y a pas de volonté politique pour combattre ces prétendus crimes d’honneur. Ce phénomène est incontrôlable en raison de sa persistance dans la mentalité tribale de la société jordanienne », a déploré Reem Abu Hassan, une activiste des droits humains en Jordanie.

Depuis le début de l’année 2007, quatre femmes ont été tuées par leurs frères, pères ou cousins qui considéraient qu’elles avaient commis des actes déshonorants pour leur famille.

« Nous devons changer la mentalité des gens de ce pays. Tuer quelqu’un si facilement est devenu une pratique admise par la société », a déploré Mme Reem.

Selon elle, les auteurs de ces crimes sont traités avec beaucoup de sympathie par les communautés locales qui les considèrent plutôt comme des victimes d’actes honteux commis par des femmes appartenant à leur cercle familial. Il peut s’agir de relations adultérines, entretenues avec un homme, ou d’un simple flirt d’adolescente.

Une culture dominée par les hommes

« Notre culture est socialement dominée par les hommes. La place des femmes est moins importante que celle des hommes qui ont réussi à faire accepter ces meurtres aux membres de leur famille et à certaines femmes », a-t-elle ajouté.

Dans certains cas, ce sont les mères et les sœurs qui encouragent un meurtre ou qui tuent leur victime de leurs propres mains.

L’année dernière, une jeune fille a été tuée par sa mère et sa sœur parce qu’elles avaient découvert qu’elle était amoureuse d’un de leurs voisins.

Il y a quelques années, Mohammad Rai – habitant de Salt, une localité située à 30 kilomètres à l’ouest d’Amman, la capitale – a tué sa cousine pour laver l’honneur de sa famille. Il avait alors 17 ans et avait reconnu avoir commis ce meurtre sous la pression des aînés de la famille. Aujourd’hui, il avoue ne rien regretter.

« Je recommencerais si c’était nécessaire. Ma famille aurait été stigmatisée si je ne l’avais pas tuée et nous aurions traîné cette honte toute notre vie », a confié Rai, qui travaille actuellement comme chauffeur de bus.

Après six mois de prison, il a été libéré parce que le père de la victime a retiré sa plainte. Le seul crime commis par la cousine de Rai a été de confier à son père, très conservateur, qu’elle était amoureuse d’un jeune homme d’une autre famille qui voulait la demander en mariage.

« Nous sommes prisonniers de nos coutumes, mais nous n’y pouvons rien », a lancé M. Rai, sur un ton menaçant.

Des vierges assassinées

Les autorités de l’institut national médico-légal de Jordanie ont cité plusieurs cas d’assassinats de jeunes filles accusées d’avoir eu des relations sexuelles avec un homme, alors que l’autopsie a révélé qu’elles étaient vierges.

Pour la famille ou le tribunal, le fait que la jeune fille assassinée soit vierge ou pas ne revêt aucune forme d’importance.

« On constate souvent après les meurtres que les victimes étaient vierges. Lorsque le tribunal rend son verdict, la peine infligée au coupable est dérisoire par rapport au crime », a souligné Rana Husseini, une journaliste impliquée dans la lutte pour l’éradication de cette coutume.

Le tout dernier crime d’honneur a eu lieu le 1 mars. Une femme de 43 ans a été battue puis étranglée par son oncle. Pour se justifier, le meurtrier a expliqué qu’il avait vu un inconnu sortir de la maison de la femme.

Selon le rapport d’autopsie fourni par l’institut national médico-légal, la victime était vierge.

Pour les défenseurs des droits humains, la législation actuelle permet aux assassins de s’en tirer à bon compte s’ils parviennent à prouver qu’il s’agit d’un crime d’honneur.

En Jordanie, les meurtres prémédités sont passibles de la peine capitale, mais le code pénal exempte de cette peine les hommes ayant assassiné une femme ayant commis un adultère. Ces hommes sont plutôt condamnés à de faibles peines d’emprisonnement.

Les associations de défense des droits de l’homme continuent de militer en faveur de sanctions plus sévères à l’encontre des auteurs de crimes d’honneur.

La Reine Rania, épouse du Roi Abdallah, est une fervente militante des droits des femmes et se bat pour la modification de la législation sur le crime d’honneur. La commission royale pour la défense des droits humains, mise sur pied par le Roi Abdallah, a déjà proposé un projet de loi visant à sanctionner plus sévèrement les auteurs de ces crimes.

Toutefois, le Parlement jordanien a rejeté ce projet de loi, estimant que cela pourrait encourager l’adultère et créer de nouveaux problèmes sociaux.

Selon les députés qui soutenaient ce projet de loi, ce dernier a été rejeté par le Parlement parce que la plupart de ses membres appartiennent à des tribus et qu’ils ne peuvent pas prendre le risque de se mettre à dos leurs électeurs.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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