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Le phénomène du ‘Fémicide’ en augmentation dans les zones de conflit

Trois Palestiniennes ont été tuées par balle au nord de la Bande de Gaza, le mois dernier et selon des témoignages, ces drames seraient liés à l’« honneur ».

Les corps des trois femmes – Ibtisam Mohammad Musallam Abu Qeinas, 31 ans, Samira Tahani Debeiky, 45 ans et Amani Khamis Hosari, 40 ans - ont été découverts au bout de 24 heures, à Beit Lahiya et à Gaza City, et ont plongé les habitants de ces quartiers dans la consternation.

« Les gens disent qu’il s’agit de crimes d’honneur, que ces femmes étaient de mœurs légères. Elles n’avaient aucun lien de parenté, mais toutes ont été tuées de la même manière. C’est vraiment choquant », a déclaré Mona Shawa, directrice du département en charge des femmes, au Centre palestinien de défense des droits de l’homme, à Gaza.

Ces crimes d’honneur consistent à assassiner des femmes qui auraient déshonoré leur famille, en ayant eu par exemple des relations sexuelles avant le mariage, ou en ayant été victimes de viol ou d’inceste.

En 2006, 17 Palestiniennes ont ainsi été tuées (12 dans la Bande de Gaza et cinq en Cisjordanie).

« L’atmosphère générale à Gaza favorise de tels agissements : la loi n’est pas respectée, les criminels ne sont pas punis et tout le monde possède une arme », a ajouté Mme Shawa.
Pour Soraida Abed Hussein, chercheur auprès du Centre de conseil et d’aide juridique pour les femmes (WCLAC) basé à Ramallah, ces crimes d’honneur sont des ‘fémicides’.

La société palestinienne est en proie à de profondes mutations du fait de la violence quotidienne liée au conflit israélo-palestinien, et ce sont les femmes qui en sont les victimes, a-t-elle affirmé.

« Lorsque vous vivez sous occupation étrangère, vous n’êtes pas fiers, vous avez l’impression d’être moins intelligent, moins puissant, d’être moins que rien », a-t-elle poursuivi.

Changement radical de la société

« Cette situation touche à l’orgueil masculin et ce sont les femmes qui en paient le prix. Les hommes intègrent ces valeurs de violence. Ils reproduisent les rôles de l’occupant et de la victime. Cette attitude devient une partie intégrante de la culture et traduit en quelque sorte la manière dont vous percevez les autres et celle dont vous êtes perçu par les autres. Nous nous trouvons actuellement à un stade où cela est en train de transformer radicalement notre société et ses structures ».

Le nombre de cas de « fémicide » a augmenté depuis la première Intifada (révolte des Palestiniens contre l’occupation israélienne) et on ne connaît pas le nombre exact de meurtres commis car ils n’ont pas été signalés, a déploré Mme Hussein.

« Nous ne pouvons pas compter sur la police. Lorsque vous consultez le registre des décès du tribunal, vous remarquez parfois que la cause du décès de certaines femmes porte la mention ‘Qada wa Qader’ [littéralement, ‘ coup du sort’], c’est-à-dire ‘mort naturelle’. Et pourtant, ces femmes sont toutes jeunes », a-t-elle précisé.

Dans un rapport publié en novembre dernier, l’organisation internationale de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, a critiqué les autorités palestiniennes parce qu’elles ne protégeaient pas suffisamment les femmes et a estimé que le conflit avec Israël et la crise économique découlant d’une année de boycott économique de l’Autorité Palestinienne ne constituaient pas une excuse valable.

Selon l’Article 340 du droit pénal jordanien, en vigueur en Cisjordanie, un homme qui tue ou attaque sa femme ou une parente prise en flagrant délit d’adultère est exempt de toute poursuite. A Gaza, le code pénal égyptien qui prévaut dans cette zone, prévoit également des réductions de peine pour les hommes.
« Cette loi ne s’applique pas si c’est la femme qui surprend l’homme commettant un adultère, car c’est la femme elle-même qui représente l’honneur de la famille. Ses moindres faits et gestes sont scrupuleusement observés et suivis, afin de contrôler sa sexualité », a précisé Mme Hussein.

En Palestine, il est très difficile de mener une campagne autour du ‘fémicide’, a expliqué Mme Hussein, car de telles critiques de la société apportent de l’eau au moulin de ceux qui considèrent la culture arabe comme primitive et violente.

« Nous ouvrons une brèche à ceux qui condamnent notre société et nous sommes également condamnés par les membres de notre société qui pensent que de telles choses ne devraient pas être rendues publiques », a-t-elle souligné.

« Dans le même temps, nous sommes en pleine occupation, alors, devons-nous nous battre contre nos occupants ou contre nos maris ? Même si nous voulons mener des campagnes de sensibilisation, nous sommes tellement occupés à nous battre contre les nouvelles crises qui affectent notre quotidien, que nous avons finalement du mal à nous organiser ».

Toutes ces pressions poussent la société palestinienne à se replier sur ses traditions, aux dépens du bien-être individuel, a expliqué Mme Hussein.

« Au cours de nos ateliers, nous demandons aux femmes ce qu’elles veulent, et elles ont du mal à répondre. Aujourd’hui, dans notre société, tout le monde s’épie et parle de ceux qui ne respectent pas le code établi. Nous nous mettons mutuellement sous pression. Les désirs des femmes ne sont plus très cohérents et elles ne disent plus ce qu’elles veulent ou pensent vraiment », a-t-elle poursuivi.

Le docteur Miriam Salih, la ministre de la Femme, au sein du gouvernement du Hamas, a déclaré que les Palestiniennes elles-mêmes pouvaient décider de modifier la loi sur les crimes d’honneur.

« Notre principale priorité est de faire face à l’occupation. Une fois que nous aurons un état indépendant, nous soumettrons cette loi au peuple pour qu’il décide », a ajouté Mme Salih.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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