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"Couvre-feu informel" sur la capitale

Un couvre-feu informel a été imposé aux habitants d’Harare, la capitale du Zimbabwe, pour éviter tout mouvement de protestation contre le gouvernement, ont indiqué des observateurs et associations de défense des droits de l’homme.

« La situation est tendue. Si vous n’avez pas rejoint votre domicile avant 21 heures ou 22 heures, vous risquez d’être passé à tabac », a averti John Makumbe, un observateur politique vivant à Harare. « Même dans la journée, lorsqu’une patrouille de police repère près d’un bâtiment administratif un groupe de trois personnes ou plus, elle lui ordonne de se disperser ».

Depuis quelques semaines la tension sociale ne cesse de monter au Zimbabwe. Organisations non gouvernementales, (ONG), associations paroissiales, travailleurs et étudiants organisent des mouvements de grève sporadiques dans le pays. Tous protestent contre l’inflation galopante qui a atteint un taux de près de 1 600 pour cent, la pénurie de nourriture et de devises étrangères et les bas salaires qui n’ont pas suivi l’augmentation du coût de la vie.

En grève depuis plus d’un mois, médecins et infirmières exigent des salaires décents et de meilleures conditions de travail. « Il y a beaucoup de mécontents et ce ressentiment est lié à la crise économique », a expliqué M. Makumbe. « Les médecins et les infirmières poursuivent leur mouvement de grève, mais les enseignants mécontents ont repris les cours ».

Selon le forum des associations zimbabwéennes de défense des droits de l’homme, plusieurs enseignants ont été pris à partie par la police anti-émeute dans le centre-ville et la banlieue d’Harare.

Le président de l’association des résidents de Harare, Mike Davies, a dénoncé ce « couvre-feu informel ».

« Il n’y a eu aucune annonce officielle du prétendu couvre-feu, et selon les témoignages qui ont été recueillis, beaucoup de personnes ont été expulsées des bars et ont été contraintes de rentrer chez elles. Nous voulons savoir quelle est la loi qui autorise ce genre de comportement, et combien de temps cela va durer, car nous croyons aux principes du droit d’association et de la liberté de mouvement ».

La semaine dernière, la police a annoncé que les manifestations et réunions publiques susceptibles d’engendrer « des violences politiques » étaient interdites pendant trois mois, a indiqué Wayne Bvudzijena, le porte-parole de la police.

Cette interdiction fait suite aux affrontements qui ont opposé la semaine dernière la police aux militants du parti Movement for Democratic Change (MDC) - Mouvement pour le changement démocratique. Ces militants s’étaient réunis à Highfileds, une banlieue d’Harare, pour participer au lancement de la campagne présidentielle de leur parti. La police n’avait pas autorisé ce rassemblement, prétextant qu’elle ne disposait pas d’assez d’agents pour garantir la sécurité des participants.

Conformément à la loi relative à l’ordre public et à la sécurité, toute réunion publique doit être notifiée à la police et à en croire les représentants des ONG et d’IRIN, des patrouilles de police sillonnaient la banlieue de la capitale la semaine dernière.

Pour M. Bvudzijena, il n’y a pas de couvre-feu à Harare. « Tout le monde est libre d’aller, à toute heure, où bon lui semble. Nous avons simplement interdit les manifestations et les rassemblements publics pour éviter les actes de violence. Si nous décrétons un couvre-feu, nous ferons une annonce officielle ».

Robert Dabengwa est propriétaire d’une boîte de nuit dans une des banlieues d’Harare. A l’en croire, des agents de police et des militaires ont évincé les clients de son établissement et « toutes les personnes qui traînaient en ville ont été battues ou contraintes de rentrer chez elles ... Et avec l’inflation qui prévaut, je ne peux pas me permettre de perdre tant de clients ».

Highfields, théâtre des récentes bagarres de rue entre la police et les militants du MDC, a été la banlieue la plus durement touchée par la répression policière. Musa Size, un résidant de cette banlieue, a affirmé avoir été battu par la police vendredi dernier alors qu’il rentrait chez lui après 20 heures.

« Nous étions six ... alors que nous rentrions à pied à Highfields, des militaires et agents de police nous ont arrêtés. Ils nous ont accusés d’organiser secrètement des réunions du MDC afin de renverser le gouvernement en place. Bien sûr, nous avons nié ces allégations, mais ils se sont mis à nous battre et nous ont ordonné de nous rouler par terre. Ensuite, ils nous ont demandé de ramper ». Musa Size s’en est sorti avec des blessures aux genoux et aux bras.

A Kuwadzana, autre banlieue d’Harare, une vendeuse de fruits et légumes a confié à IRIN qu’elle a échappé à une bastonnade lorsqu’une patrouille d’agents de police armés a notifié la semaine dernière aux vendeurs ambulants de ne pas traîner dans les rues au-delà de 19 heures. Les agents de police ont confisqué les marchandises des vendeurs et se sont mis à battre un de ses collègues qui avait involontairement violé le « couvre-feu ».

« La vente de fruits et légumes est le seul moyen pour moi de gagner ma vie », a déclaré Mme Sarudzai. « Les habitants de banlieues qui ne possèdent pas de réfrigérateurs font partie de mes clients réguliers. En outre c’est le soir que je fais les meilleures affaires ».

D’autres habitants de Kuwadzana ont aussi fait quelques entorses à la loi. « La semaine dernière je suis allé dans un bar pour boire une bière, histoire de tuer le temps parce qu’il pleuvait abondamment, mais une patrouille de police a ordonné à tout le monde de rentrer à la maison sous la pluie », a affirmé Tobias Chindengu. « Désormais, la plupart des habitants savent qu’il y a un couvre-feu et nous nous empressons de rentrer chez nous après le travail pour éviter les brutalités policières ».

Le gouvernement américain et l’institut des droits de l’homme de l’International Bar Association (IBA) - l’association internationale des avocats, basée au Royaume-Uni -, ont condamné l’interdiction frappant les rassemblements et manifestations politiques. Ils ont par ailleurs appelé le gouvernement zimbabwéen à respecter le principe de « l’Etat de droit » et à autoriser le peuple à exercer ses droits politiques.

« Le gouvernement du Zimbabwe vient une fois de plus de violer les principes des droits de l’homme et de l’Etat de droit en empêchant les citoyens de ce pays d’exercer leur droit fondamental à liberté de réunion », a affirmé Mark Ellis, directeur exécutif d’IBA.

Washington a également critiqué violemment « l’interdiction » des réunions du MDC et fait remarquer que « les crises politique et économique du Zimbabwe ne peuvent être résolues que par le dialogue avec l’opposition politique, la société civile du Zimbabwe et le peuple zimbabwéen qui a clairement manifesté son désir de changement démocratique ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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