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Les imams prient pour éloigner le spectre de l'insécurité

Les six imams assis par terre, en cercle, dans le salon, récitent le Coran et bénissent la maison des Baldez afin que la mésaventure qui est arrivée à l’une des quatre filles de la famille ne se reproduise plus jamais.

Aminata, une jeune Guinéenne de vingt ans, s’est fait attaquer lundi dernier alors qu’elle venait de quitter son domicile. Le jour n’était pas encore levé et l’étudiante se rendait à pied jusqu’à la rue principale, où elle prend généralement un taxi qui la conduit à la faculté de médecine.

Un homme vêtu d’un boubou, l’habit traditionnel ouest-africain, lui a asséné un coup derrière la tête avant de lui voler son sac et son téléphone portable. Puis, il s’est enfui laissant la jeune fille allongée par terre, dans la poussière, le visage ensanglanté.

« Il est arrivé par derrière, c’est au moment où il m’a frappée que je l’ai vu », a confié la jeune fille mince.

En raison de la violence du coup, Aminata souffre d’une fracture au crâne et de contusions au cou, ont déclaré les médecins. Après une semaine d’hospitalisation, Aminata est de retour chez elle, soigne les plaies qu’elle a au visage, ses deux yeux tuméfiés et porte une minerve crasseuse.

« Voilà tout ce que nous faisons à l’heure actuelle », a affirmé Mouloukou Souleymane Yantane, l’un des six imams vêtus de blanc qui est venu bénir la maison de la famille Baldez.
« C’est notre travail de bénir les maisons et les familles, ainsi Allah les protège. Mais comme la situation s’est empirée dans le pays, nous recevons de plus en plus de demandes », a-t-il expliqué une fois la cérémonie terminée.

Des quartiers trop dangereux pour les Nations Unies

L’insécurité connaît une forte progression sur la presqu’île de Conakry, la capitale de la Guinée, qui tombe en ruines alors que depuis les quarante dernières années, on assiste au déclin inexorable de l’économie du pays.

La banlieue est de Conakry est la région qui enregistre le plus fort taux de criminalité de la capitale. Les rues clairement délimitées et les larges avenues bordées d’arbres de l’ancien plan de ville ont laissé place à des cabanes au toit de tôle qui s’étendent sur des kilomètres et dont la plupart ne dispose ni d’eau ni d’électricité.

Le corps d’un jeune homme décapité, de toute évidence victime d’un acte criminel, a été découvert jeudi dernier, dans le quartier de Simabaya, dans l’est de Conakry. Sa tête a été retrouvée à quelques mètres du corps.

Les Nations Unies interdisent à leurs employés de se rendre dans les quartiers de Nogo Tadi, Kobay, Sonfea et Enconsent – une interdiction qui, en règle générale, s’applique uniquement à des régions de pays en guerre. Cependant, des milliers de Guinéens n’ont pas d’autre choix et continuent d’habiter dans ces quartiers, où la vie est devenue dangereuse.

Des coups de fusils viennent régulièrement troubler le silence de la nuit, dans les banlieues de la capitale. Les armes prolifèrent en Guinée, notamment à cause des conflits qui ont ravagé au cours des dernières années des pays voisins comme le Liberia, la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire. Selon des groupes internationaux de défense des droits de l’homme, la Guinée est devenue un point de transit pour le trafic d’armes transfrontalier.

Compte tenu des innombrables coupures d’électricité que connaît Conakry, il est dangereux de marcher dans les rues de la capitale, à la nuit tombée. Les femmes courent particulièrement des risques et celles qui ont été victimes de viol se rendent dans les hôpitaux de la ville, mais uniquement lorsqu’elles souffrent de blessures corporelles, ont signalé les habitants.

« Il y a toujours un risque, mais nous n’avons pas le choix », a souligné Aminata. « Nous devons commencer à travailler avant le lever du jour et nous ne rentrons jamais à la maison avant 20 heures », a-t-elle précisé.

Installée sur un canapé, entourée de ses amis et de sa famille, Aminata parvient à esquisser un timide sourire lorsqu’elle décrit son attaque. Mais ses mains ne cessent de trembler alors qu’elle tripote nerveusement son nouveau téléphone portable. Un de ses amis se charge de lui prendre les cours à l’université en attendant qu’elle se remette de ses blessures et qu’elle se sente prête à sortir de nouveau de la maison.

Vivre isolée, dans l’obscurité et le danger

« Ici, nous vivons isolés, dans l’obscurité et le danger », s’est indignée Sameer, la mère d’Aminata.

« Il faut que nous trouvions une maison dans un autre quartier, nous ne pouvons pas continuer à vivre ainsi, c’est pour le bien des enfants », a-t-elle ajouté.

L’inertie dont fait preuve la police est loin de rassurer la famille d’Aminata. Au poste de police le plus proche, situé à un kilomètre de la maison de la jeune fille, les trois agents, membres de l’équipe de jour, n’ont pas connaissance des attaques perpétrées dans leur quartier.

« Notre travail se limite à de simples opérations de surveillance », a expliqué l’un des agents, qui s’est présenté sous le nom de Diallo. Les trois agents ont indiqué qu’ils n’avaient ni arme, ni voiture, ni moto. L’équipe de nuit est, quant à elle, armée.

Lorsqu’on lui demande si elle est allée porter plainte à la police, Aminata sourit.

« En fait, un policier était présent lorsque j’ai repris connaissance. Il m’a tendu mon sac vide », a-t-elle fait savoir.

« Je ne suis certainement pas la première personne à s’être fait attaquer, mais la police ne fait rien. En Guinée, les voleurs restent toujours impunis », a-t-elle regretté.

Les groupes de défense des droits de l’homme ont souligné que l’impunité qui régnait en Guinée constituait un sérieux problème. En l’absence de forces publiques dans certains quartiers de la ville, de jeunes hommes – parfois les frères ou les pères des victimes – ont formé de petites milices qui mènent des rondes dans les rues à la nuit tombée, assurant ainsi la sécurité des habitants en échange d’une contribution financière.

La famille d’Aminata a indiqué que son quartier dispose d’une milice, mais qu’elle ne faisait pas confiance à certains de ces jeunes gardiens désoeuvrés qui représentent plutôt une menace. Et comme beaucoup d’autres familles, les Baldez cherchent la protection d’Allah et font appel aux imams.
« Nous prions le Créateur pour qu’ils protègent les femmes », a conclu Yantane, l’un des imams.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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