Chaar, 25 ans, est coincé à Beyrouth, comme une cinquantaine d’autres Libériens. Beaucoup d’entre eux s’étaient réfugiés au Liban après avoir fui la guerre civile au Liberia il y a plus de 12 ans. Ils ont vu des milliers d’étrangers être évacués, mais ils se sentent oubliés car le Liberia n’a pas d’ambassade au Liban pour les prendre en charge.
Vendredi soir, Chaar et sa famille attendaient dans les rues de Beyrouth de pouvoir entrer s’installer dans un nouvel appartement, dans un autre quartier de la ville.
IRIN a parlé avec Chaar et retranscrit ses paroles. Voici un résumé de la conversation téléphonique.
29 juillet 2006 – [Le propriétaire] est arrivé tard la nuit dernière, vers deux heures du matin et il nous a donné une chambre où nous avons pu dormir. Ce n’est rien de permanent, que temporaire. Il ne fait que nous donner un coup de main pour l’instant. Il m’a demandé de payer si j’ai l’intention de rester pour très très longtemps. Nous l’avons remercié car nous serons là juste en attendant.
Toute la famille est ici. Il y a une salle de bain, une petite cuisine et l’eau courante, mais elle est insuffisante. Il n’y a quasiment jamais d’électricité. Dans la cuisine, nous avons une gazinière et quelques casseroles, c’est tout. Le voisinage est étrange. Nous ne connaissons absolument personne ici. Pour l’instant, nous ne pouvons que croiser les doigts.
Ce matin nous avons mangé un peu de pain. Nous avons eu des sandwiches. Les personnes âgées qui n’ont plus de médicament sont juste assises et elles tiennent bon. Le bébé n’a plus de nourriture, donc nous lui donnons de l’eau et du pain à manger pour l’instant. Il est encore malade. Quand vient la nuit, il a de fortes fièvres. Et comme la nuit dernière, nous avons attendu jusqu’à 2h30 du matin avant que le propriétaire arrive, [le bébé] est resté dans le froid, donc ce matin il avait attrapé la grippe. Il toussait.
Normalement à Beyrouth le vendredi soir, on peut voir les gens dans les voitures, qui sortent et qui s’amusent. Ils restent debout toute la nuit jusqu’à cinq heures du matin. Mais la nuit dernière, dès huit heures il n’y avait presque plus personne, plus de voiture. Le pays est à genoux, les gens ont peur de sortir de chez eux tard le soir. En tendant l’oreille, on entend les bombardements. Surtout le soir, on entend les avions de guerre qui survolent Beyrouth. A chaque fois qu’on entend ce bruit, c’est terrifiant parce qu’on ne sait jamais quelle sera la prochaine cible.
Beaucoup de gens font leurs bagages pour quitter le pays et aller en Syrie. On peut voir les voitures sur la route et les familles qui partent vers la Syrie. Mais les Européens, eux, sont évacués. Il y en a encore qui partent.
Les gens comme nous sont coincés. Tous les Africains que je connais ont [trouvé] une façon de partir du Liban, ou du moins la plupart. Maintenant, il n’y a probablement plus que les Libériens qui sont coincés ici.
Nous essayons de trouver des solutions à l’extérieur [du pays], de nous faire envoyer de l’argent, peut-être avec Western Union si c’est possible. On essaie de rentrer en contact avec eux. [Mais] je n’ai plus de crédit sur mon téléphone cellulaire pour faire un appel international.
Le Consul général du Liberia à Chypre m’a appelé et il essaie toujours de nous aider. Il m’a dit de tenir bon, que de son côté il faisait encore de son mieux. Il m’a demandé comment j’allais, comment la famille allait aussi. Donc nous continuons à prier et nous attendons de voir comment les choses vont tourner.
Depuis ce matin, j’essaie de sortir. Nous avons besoin d’essence pour la voiture, mais je n’arrive pas à en trouver en ce moment. J’ai marché pendant presque trois heures, mais sans trouver d’essence, car rien ne rentre à Beyrouth.
J’ai essayé d’aller à une ou deux ambassades, celles où je pouvais me rendre à pied. J’ai marché pendant trois heures et je suis arrivé à l’ambassade canadienne. Il m’ont demandé : « Êtes-vous citoyen canadien? »
Je leur ai répondu : « Non, je suis Libérien et j’ai besoin d’aide ».
« Vous n’avez pas d’ambassade? Votre pays ne peut rien faire pour vous? »
Je leur ai répondu: « Mon pays sort à peine de la guerre et nous n’avons nul part où aller. Le moins que vous puissiez faire pour m’aider, si vous ne pouvez pas m’évacuer, serait de me donner un peu de nourriture ».
Ils ont répondu : « Désolée, nous ne pouvons pas vous aider ».
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