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L'attaque de la rébellion diversement appréciée dans la capitale

Alors que le Tchad se prépare à aller aux élections, les habitants de N’Djaména, la capitale, qui veulent en finir avec la politique de division ethnique et de corruption, souhaitent ardemment que le scrutin présidentiel du 3 mai se déroule dans un climat apaisé et montrent des signes évidents d’impatience face au Président sortant Idriss Deby.

La vie a repris son cours à N’Djaména, après les récentes attaques de troupes rebelles qui ont contraint les habitants de la capitale à rester cloîtrés chez eux la semaine dernière.

Mais tous les Tchadiens ne parlent pas d'une même voix lorsqu'il s'agit de soutenir la rébellion et pour quelques-uns d'entre eux, la guerre n’est pas finie.

« Il est vrai que le calme est revenu mais le mécontentement est encore plus grand », a déclaré Dénénodji Louise, 35 ans, agent de salubrité, occupée à balayer la devanture du palais présidentiel où ont eu lieu les combats les plus acharnés.

« Des soldats patrouillent dans les quartiers périphériques de N’Djaména et prétendent chercher des armes abandonnées par les rebelles, mais ils bousculent des gens qui viennent de vivre des affrontements ».

Depuis l’indépendance accordée par la France en 1960, le Tchad a connu une succession de gouvernements répressifs, des guerres fratricides au sein et entre les différents groupes ethniques du pays qui compte 10 millions d’habitants, et des tentatives d’invasion à partir de la Libye et du Soudan.

Mais la guerre ne semble pas exaspérer tous les Tchadiens.

« Nous attendions et souhaitions la guerre », a déclaré Mbaikounda Daniel, cadre dans une entreprise de forage. « Non pas que je souhaite que les gens meurent mais pour que les tchadiens respirent un peu de cette dictature qui ne dit pas son nom ».

Beaucoup de Tchadiens veulent voir Déby quitter le pouvoir et l’accusent de corruption et de détournement de deniers publics.

Depuis 2003, l’exploitation du pétrole de la région de Doba a permis au Tchad d’engranger des revenus substantiels, mais dans ce pays où 75 pour cent de la population est analphabète, selon les statistiques de l’ONU, les citoyens ne semblent pas bénéficier de la manne pétrolière.

Et comme pour leur donner raison, le Président Déby a annoncé cette semaine que l’armée avait fait l’acquisition de trois hélicoptères Mi-17 d’un montant de 5 millions de dollars américains chacun.

« L'argent utilisé pour acheter des armes aurait pu servir à payer les fonctionnaires, faire autre chose de plus bénéfique pour la population », a renchéri Dénénodji Louise.

Selon l’indice de perception de l’ONG Transparency International, publié l’année dernière, le Tchad est le pays le plus corrompu de la planète. Les Tchadiens pensent, par ailleurs, que le Président Déby utilise la manne pétrolière pour consolider son pouvoir à un moment où de nombreux soldats désertent l’armée pour rejoindre la rébellion.

« Aujourd’hui, le régime a instauré le clanisme comme mode de gestion », a déploré Sirandi Tokssala, fonctionnaire de l’Etat.

« Il suffit d’avoir un parent bien placé au sein de l’administration pour accéder à un concours ou un métier. Certains citoyens ne sont ni inquiétés ni punis quand ils font du mal à leurs concitoyens. Ce sont des choses qui ne participent pas à la construction de l’Etat. S’il faut changer de régime, il faut que ces pratiques changent, sinon on ne s’en sortira pas », a-t-il ajouté.

Mais bien des Tchadiens se demandent si les rebelles feront mieux que le gouvernement actuel, s’ils parviennent à renverser M. Déby.

Selon Mbodou Mahamat, un vendeur ambulant de 22 ans, les combats de jeudi dernier étaient « terribles ». Et comme beaucoup de gens, il a applaudi l’arrivée des rebelles ce jour-là.

« Je ne comprends pas Déby. Tout le monde est en colère et lui raconte que le peuple est derrière lui ».

Si de nombreux habitants de N’Djaména ont des amis et des parents qui ont rejoint la rébellion, certains, comme Zenaba Abakar, vendeuse de fruits, estiment que la guerre n’est pas une solution.

« La guerre n’est pas bien, depuis vingt ans, on voit que ceux qui sont partis en rébellion pour, disent-ils sauver le peuple, reviennent et font pire. Ce qu’il faut, c’est l’entente entre les tchadiens », a-t-elle déclaré.

Quant à Sylvain, élève au lycée technique commercial de N’Djaména, la solution passe par le dialogue.

« Je suis par principe opposé à la violence même entre de simples élèves mais je me rends compte que les politiciens font tout pour nous mener à cette situation », s’est-il plaint.

Mbaiougam Jonas, un fonctionnaire de l’administration tchadienne, ne se fait pas d’illusions sur les résultats des élections présidentielles du 3 mai.

« Déby ne partira pas, il ne reportera pas la date des élections. Il a dit qu’en organisant les élections le 3 mai il apportera une réponse de paix à ceux qui veulent la guerre. Mais c’est faux ! Il parle de paix pour désigner une élection qui sera boycottée par la majorité de la population. Ce n’est pas sérieux !»

« Le problème du Tchad est plus profond et on doit le résoudre avec sérieux », a renchéri Sirandi Tokssala, un fonctionnaire et collègue de Mbaiougam Jonas.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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