1. Accueil
  2. West Africa
  3. Senegal

L'Union africaine privilégie un mécanisme africain en réponse à la demande d'extradition de Hissène Habré

L’Union africaine (UA) a décidé de créer un groupe de juristes africains chargé d’analyser et de lui proposer des solutions juridiques au cas de l’ex-président tchadien, Hissène Habré, accusé de crimes politiques et de tortures.

Soucieuses de voir M. Habré comparaître devant une cour de justice, certaines associations de défense des droits de l’homme pensent que son extradition vers la Belgique, demandée par les autorités belges en septembre 2005, reste la meilleure solution.

M. Habré vit au Sénégal depuis 15 ans et est accusé d’être responsable de milliers de crimes politiques et de tortures commis sous sa présidence, de 1982 à 1990.

En novembre dernier, la chambre d’accusation du Sénégal s’était déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’extradition de M. Habré adressée par un tribunal belge. Le chef d’Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, avait alors décidé de ne pas livrer l’ex-président tchadien, indiquant qu’il s’en remettrait à la décision de l’UA.

Au sommet de Khartoum, capitale du Soudan, l’UA a voté une résolution appelant à la création d’un groupe d’ « éminents juristes africains » qui sera chargé de lui proposer des solutions pour juger Hissène Habré. Ces solutions devront être présentées à l’UA, à l’occasion du prochain sommet de l’organisation qui se tiendra en juillet 2006 à Banjul, la capitale de la Gambie.

Insistant sur le fait qu’aucun crime ne devrait rester impuni, les 53 membres de l’UA ont souligné dans la résolution finale leur « rejet total de l’impunité » et « leur engagement à la combattre ». L’organisation a par ailleurs exhorté le groupe d’experts à "privilégier un mécanisme africain ».

Le principe de traduire un ancien chef d’Etat africain devant une juridiction européenne est considéré par une majorité d’Africains comme une démarche néo-coloniale, en particulier au Sénégal où M. Habré a vécu pendant de nombreuses années. Mais certains ne partagent pas cet avis.

« L’extradition de M. Habré vers la Belgique est la solution la plus réaliste pour garantir un procès juste et rapide », a expliqué Reed Brody, l’avocat de Human Rights Watch (HRW). Selon lui, l’affaire Habré « ne doit pas traîner ou devenir un enjeu politique ».

Alors que les avocats de M. Habré considèrent que l’extradition de leur client vers la Belgique n’est plus d’actualité depuis la décision prise l’année dernière par la Chambre d’accusation, le HRW a réaffirmé ce week-end que le mandat d’arrêt international et la demande d’extradition délivrés étaient toujours valables et que les chefs d’Etat africains n’avaient pas exclu de livrer M. Habré à la justice belge.

Selon M. Brody de l’organisation HRW, la comparution de M. Habré devant un tribunal africain – ce que souhaitent de nombreux Africains - poserait un problème majeur. « La création d’un tribunal africain ad’hoc pour juger M. Habré supposerait une réelle volonté politique, des années de procédure et coûterait au moins 100 millions de dollars ».

Mais à en croire l’avocat de M. Habré, Doudou Ndoye, la décision de l’UA s’apparente à un rejet la demande d’extradition de son client vers la Belgique. « La décision pour l’Union africaine consiste à refuser l’extradition de Hissène Habré sur la Belgique. C’est une décision correcte », a-t-il confié à IRIN.

Maître Doudou Ndoye n’a cependant pas voulu commenter l’éventualité de la comparution de son client devant une juridiction africaine, mais s’est contenté de dire : « Pour la Belgique, c’est clos ».

Selon les victimes du régime de M. Habré, la décision de l’UA ne fait que prolonger leur calvaire.

« Ca fait quinze ans qu’on attend », a déploré Ibrahim Hachim Abdallah, le président de l’Association des victimes des répressions et crimes politiques, qui a été emprisonné pendant deux ans sous l’administration d’Habré. « On souffre même aujourd’hui…On est fatigué ».

Et pour les associations des victimes, le combat est loin d’être terminé.

En 2000, un groupe de Tchadiens avaient déjà traduit M. Habré devant la justice sénégalaise. Le tribunal avait alors accusé l’ex-président de torture et de crime contre l’humanité avant de le placer en détention. En mars 2001, la Cour de cassation avait cassé cette décision de justice au motif que M. Habré ne pouvait pas être jugé pour des crimes qu’il aurait pu commis dans un autre pays.

Des ressortissants tchadiens vivant en Belgique avaient intenté un procès contre M. Habré, en vertu du principe de la loi belge de « compétence universelle » qui permet de poursuivre en Belgique les crimes contre l’humanité commis à l’extérieur du pays.

Abdourahmane Gueye, dont l’ami et partenaire commercial Demba Gaye est mort en 1987 pendant leur détention dans les prisons tchadiennes, a indiqué à IRIN qu’il était déçu que les chefs d’Etat africains aient reporté à nouveau leur décision sur l’affaire Habré.

« Combien de milliers de gens souffrent encore aujourd’hui ? Ce n’est pas normal qu’on fasse traîner les choses comme ça ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join