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Le président lance un appel au calme, mais les manifestations contre l'ONU se poursuivent

De nombreuses barricades continuent de paralyser Abidjan, capitale économique de le Côte d’Ivoire, et pour la quatrième journée consécutive, beaucoup habitants n’ont pu se rendre jeudi à leur travail malgré les appels du président Gbagbo demandant la levée des barrages et la fin des manifestations de rue.

A l’issue d’une rencontre de quelques heures entre les deux chefs de file ivoiriens - le président Gbagbo et le nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny - et le chef d’Etat du Nigeria et président en exercice de l’Union africaine, Olusegun Obasanjo, arrivé plus tôt mercredi en Côte d’Ivoire, un communiqué conjoint a été publié en fin journée appelant les manifestants à mettre fin à leurs actions.


« Le président Obasanjo, le président de la république de Côte d’Ivoire et le Premier ministre demandent à la population de se retirer de la rue et de rentrer chez elle », indique le communiqué final lu mercredi soir sur les ondes de la radio nationale.

« Le président de la république et le Premier ministre invite la population sur l’ensemble du territoire nationale à reprendre le travail des demain, 19 janvier 2006 ».

Jeudi matin, 2 000 manifestants poursuivaient encore leurs actions devant le siège de l’ONU à Abidjan et des centaines d’autres étaient massés devant l’ambassade de France où le personnel est bloqué depuis plusieurs jours.

« La situation n’a pas évolué, malgré le communiqué de la présidence publié hier », a confié à IRIN Gilles Combarieu, le porte-parole militaire de l’ONU.

« Les forces de sécurité ne sont toujours pas intervenues et ne font rien pour empêcher ses jeunes d’attaquer nos bureaux », a-t-il ajouté.

Mais jeudi soir, Charles Blé Goudé, le chef de file des Jeunes Patriotes, un mouvement de jeunes militants pro-Gbagbo, emboîtait le pas au président et lançait un appel aux manifestants les invitant à mettre fin aux actions contre l’ONU, à lever les barricades et à rentrer chez eux.

De violentes manifestations demandant le départ des 10 000 casques bleus de l’ONU et des troupes françaises de maintien de la paix avaient éclaté lundi dans le sud de la Côte d’Ivoire, un pays coupé en deux après l’échec de la tentative de coup d’état de la rébellion, en septembre 2002, le sud étant contrôlé par les forces gouvernementales, et le nord, occupé par les forces rebelles.

Selon des sources militaires françaises, des casques bleus assiégés ont dû abandonner deux autres bases militaires de l’ONU dans la région ouest.

Ce sont en tout 800 à 900 casques bleus qui se sont retirés des bases militaires de Blolequin, Duékoué, Guiglo et Toulepleu pour occuper de nouvelles positions près de la zone tampon placées sous contrôle des troupes onusiennes et françaises et délimitant la ligne de front entre les forces rebelles et gouvernementales.

Selon M. Combarieu, les camps des casques bleus à San Pedro, une ville portuaire du sud-ouest, et à Daloa, une localité située à 250 km au nord-ouest d’Abidjan, ont été encerclés par des jeunes manifestants.

« On ne peut plus parler de manifestation pacifique, c’est du terrorisme », s’est-il plaint.

Les barricades érigées sur les artères principales des quartiers nord d’Abidjan et autour de la zone du port étaient toujours en place jeudi matin, et de nombreux habitants ont indiqué qu’ils ne reprendraient le travail qu’après l’arrêt des manifestations. Et ceux qui ont tenté de se rendre au travail ont dû revenir chez eux car la situation n’avait pas changé.

Des témoins ont confié à IRIN qu’ils ont vu des éléments des forces de sécurité apporter de la nourriture et de l’eau à certains manifestants et des jeunes gens transporter des jerricanes d’essence.

L’attaque des camps des casques bleus et l’incendie des bureaux de certaines agences des Nations unies mercredi ont fait cinq morts et des dizaines de blessés dans la région du Grand Ouest.

Plusieurs centaines de casques bleus ont dû battre en retraite et abandonner leurs camps de Guiglo et de Duékoué, des localités situées à quelque 350 km d’Abidjan.

« Les forces des Nations Unies s'efforcent de faire preuve de la plus grande retenue face à ces attaques », a expliqué Stéphane Dujarric, le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU.

Les manifestations ont commencé dimanche dernier, peu après que le Groupe de travail international (GTI), chargé du suivi du plan de paix de l’ONU et présidé par Pierre Schori – le représentant spécial des Nations unies en Côte d’Ivoire –, a indiqué qu’il n’y avait aucune raison de proroger le mandat des députés de l’Assemblée nationale puisqu’il avait expiré le 16 décembre dernier.

Croyant que l’avis du GTI constituait un ordre de dissolution de l’Assemblée nationale ivoirienne, les Jeunes Patriotes ont accusé les Nations unies d’ingérence dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire.

Le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de M. Gbagbo, avait alors annoncé qu’il se désengageait du processus de paix et retirait ses sept ministres du gouvernement de transition dirigé par M. Banny.

Mais d’après le communiqué conjoint publié par M. Gbagbo, M. Banny et M. Obasanjo « le GTI n’a pas le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale et n’a pas dissous cette chambre ».

Le président Obasanjo a pesé de tout son poids pour imposer le récent plan de paix qui prévoit le désarmement des factions rivales et la tenue des élections présidentielles en octobre 2006.

Les incidents du week-end dernier, que le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, considère comme une campagne de « violence orchestrée », menace le récent plan de paix, la résolution 1633 des Nations unies adoptée en octobre dernier par le Conseil de sécurité.

Mercredi dernier, bravant l’interdiction de manifester décrétée par les autorités, des groupes de Jeunes Patriotes en colère se sont emparé de la télévision nationale et ont diffusé des messages appelant la population à descendre massivement dans les rues pour demander le départ de l’ONU.

Pour Sidiki Konaté, le porte-parole du mouvement des Forces rebelles, le pays est au bord de la guerre et le retrait des casques bleus de Guiglo et de Duékoué signifie que les populations locales ne bénéficient d’aucune protection.

« Il n’y a pas que les casques bleus de l’ONU. Il y a aussi les vies des millions d’Ivoiriens que l’ONU est supposé protégée », a-t-il confié à IRIN

A Guiglo, les manifestants ont pillé la base militaire de l’ONU et les bureaux de l’agence humanitaire Save The Children, emportant tout ce qu’ils leur tombait sous la main.

Selon certains habitants de Daloa, une localité à 25 km de Guiglo, des Jeunes Patriotes ont pris d’assaut la radio locale et exigé qu’elle fasse passer sur les ondes des messages appelant à manifester contre l’ONU. Mais face au refus des techniciens, la radio a été mise a sac.

Dans le centre ville d’Abidjan, des groupes de Jeunes sont massés depuis le début de la semaine devant le siège des Nations unies et l’Ambassade de France.

Par ailleurs, les casques bleus ont dû faire usage de grenades lacrymogènes et tirer des coups de sommation pour disperser la foule des manifestants qui tentaient de prendre d’assaut les murs de l’hôtel abritant certains bureaux des Nations unies.

Mercredi, Charles Blé Goudé, qui s’exprimait sur la radio nationale avait déclaré : « Nous campons avec nos amis devant l’ambassade de France depuis trois jours … parce que la France se cache derrière l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire. »

« La France a fourni des armes et organiser cette guerre civile qui endeuille notre pays », a-t-il ajouté.

Son mouvement a été très impliqué dans les violentes manifestations anti-français de novembre 2004 qui ont entraîné l’évacuation de milliers de ressortissants français installés dans le pays.

A Paris, le chef d’état-major général des armées, le général Henri Bentegeat, a déclaré sur les ondes de la radio française Europe 1 que le moment était venu ’il était temps de faire pression sur l’Union africaine pour qu’elle impose à la Côte d’Ivoire les sanctions de l’ONU longtemps différées.

« Le Conseil de Sécurité a prévenu depuis longtemps qu'il faudrait des sanctions, encore faudrait-il l'accord de l'Union africaine, mais je pense que le moment est venu », a déclaré le général Bentegeat.

Le Conseil de sécurité des Nations unies, qui avait voté il y a un an des sanctions individuelles visant des personnes qui entravaient le processus de paix, se réunit jeudi – pour la deuxième fois cette semaine – pour débattre de la situation en Côte d’Ivoire. Ces sanctions prévoyaient notamment une interdiction de voyager et le gel des avoirs.

Cette semaine, M. Annan a fait part de ses « vives préoccupations » quant à la situation en Côte d'Ivoire. Il a par ailleurs condamné les « violentes manifestations orchestrées et dirigées contre les Nations unies et la population, ainsi que le manque de réaction de certaines autorités nationales en réponse aux récents événements ».



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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