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Nouvel espoir de paix avec la nomination d'un nouveau Premier ministre

La désignation par les médiateurs africains de Charles Konan Banny, gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, au poste de Premier ministre de transition de la Côte d’Ivoire a été bien accueillie lundi par toutes les parties en conflit et augure d’une nouvelle ère de paix dans ce pays coupé en deux par la guerre.

Selon les termes de la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies, le nouveau Premier ministre ivoirien disposera de moins de 11 mois pour désarmer les factions armées de ce pays d’Afrique de l’ouest déchiré par trois années de guerre civile, et pour organiser des élections.

Mais cette désignation par trois éminents chefs d’Etat africains intervient avec plusieurs semaines de retard. En effet, les différents protagonistes de la crise ivoirienne n’avaient pu se mettre d’accord le mois dernier sur le nom d’un candidat Premier ministre, acceptable par tous, capable de remplir le vide politique actuel et d’assumer le rôle de chef d’un gouvernement de transition et de l’armée.

« Le Premier ministre pour la période de transition qui doit prendre fin en octobre 2006 est M. Charles Konan Banny », a indiqué le ministre nigérian des Affaires étrangères, Oluyemi Adeniji, en lisant le bref communiqué signé par les présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria, Thabo Mbeki d’Afrique du sud et Mamadou Tandja du Niger.

Agé de 63 ans, M. Banny vit à Dakar, au Sénégal, pays qui abrite le siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO). Il devra s’imposer aussi aux rebelles, qui occupent le nord du pays depuis septembre 2002, qu’au président Laurent Gbagbo, qui contrôle le sud.

M. Obasanjo, qui est aussi président en exercice de l’Union africaine (UA), se tenait aux côtés du président Gbagbo lors de la lecture du communiqué portant nomination du Premier ministre de la transition. Les chefs d’Etat nigérian et sud africain s’étaient rendus à plusieurs reprises en Côte d’Ivoire et, pour la première fois depuis des mois, ils sont parvenus à imposer le plan de paix élaboré par l’ONU.

Selon les termes de la résolution 1633, le Premier ministre aura la lourde responsabilité de procéder au désarmement des forces rebelles et des milices, de résoudre le délicat problème de la nationalité et d’organiser des élections avant l’échéance du 26 octobre 2006.

Les élections étaient censées avoir lieu le 30 octobre dernier. Mais, en raison du retard dans les préparatifs et du refus des rebelles ou des miliciens pro-Gbagbo de désarmer, l’ONU avait jugé qu’il était impossible d’organiser le scrutin à l’échéance prévue.

Pour éviter une crise constitutionnelle, le Conseil de sécurité avait recommandé que le mandat de M. Gbagbo à la tête de l’Etat ivoirien soit prolongé d’un an maximum et qu’un nouveau Premier ministre, « acceptable par tous », soit nommé à la tête d’un gouvernement de transition.

Une nomination bien accueillie

La nomination de M. Banny, considéré généralement comme une personnalité très indépendante, a bien été accueillie par l’ensemble de la classe politique et par les forces rebelles qui avaient auparavant annoncé qu’elles n’accepteraient aucun candidat autre que leur leader, Guillaume Soro.

« Nous n’avons rien contre cette nomination », a confié à IRIN le porte-parole des Forces nouvelles, Sidiki Konaté. « Les présidents [Mbeki, Obasanjo et Tandja] devront s’assurer que le Premier ministre travaille dans le cadre de la mission qui lui est confiée avec les pleins pouvoirs ».

Country Map - Cote d'lvoire
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La Côte d'Ivoire est divisée en entre une région nord, occupée par les forces rebelles et une région sud contrôlée par le gouvernement

A la question de savoir si les rebelles pensent que M. Banny est capable de réunifier le pays et d’organiser les élections, M. Konaté a répondu : « Il est Ivoirien. S’il a la volonté et qu’il est bien entouré, il n’y a pas de raison de douter de ses capacités ».

M. Banny remplacera Seydou Diarra. Ce dernier, apprécié des loyalistes et de l’opposition armée et civile, n’a pu obtenir de Gbagbo tous les pouvoirs que lui conféraient les accords de Linas-Marcoussis de janvier 2003. Bien au contraire, le président à continuer à gérer la plupart des dossiers de l’Etat.

Comme le stipule la résolution 1633, adoptée en octobre, le Premier ministre du gouvernement de transition aura « les pleins pouvoir sur le cabinet ». Le Communauté internationale s’est par ailleurs engagée à renforcer son pouvoir en désignant un groupe de travail spécial chargé de surveiller et de rapporter tout entrave à la progression du processus de sortie de crise.

« Le groupe de travail international créé par la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies veillera à l’application de cette décision et en référera aux trois présidents [Mbeki, Obasanjo et Tandja] », indique la déclaration.

M. Banny: une personnalité indépendante

M. Banny occupe les fonctions de gouverneur de la BCEAO depuis 1990 et, en tant qu’éminent citoyen de la Côte d’Ivoire, il avait été pressenti pour le poste de Premier ministre. Son nom figurait sur la première liste des 16 candidats et il avait le soutien de M. Gbagbo.

Selon certains leaders de l’opposition, un de ses principaux atouts est sa grande expérience d’économiste et le fait qu’il s’est tenu à l’écart des turpitudes quotidiennes de la politique ivoirienne.

« M. Banny est le candidat qui a fait une certaine unanimité autour de son nom parce qu’il n’est pas trop marqué politiquement. Il a une grande expérience en économie et nous avons besoin de quelqu’un comme lui », a déclaré à IRIN Anaky Kobenan, le leader du Mouvement des forces de l’avenir, un petit parti de l’opposition.

M. Banny est originaire de Yamoussoukro, la capitale administrative de la Côte d’Ivoire et bastion de l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI). Lorsque son frère a révélé que M. Banny avait l’intention de se présenter aux élections présidentielles en candidat indépendant, certains membres du PDCI avaient considéré cette initiative comme une tentative d’affaiblir le parti et son président, l’ancien chef d’Etat Henri Konan Bédié.

Le secrétaire générale du PDCI, Alphonse Djédjé Mady, a néanmoins indiqué que le parti avait favorablement accueilli la nomination de M. Banny.

« C’est celui qui a été choisi. Tout le monde doit l’aider à réussir sa mission. Personne ne devra faire obstacle à son action, parce qu’il travaille pour le bien de la Côte d'Ivoire », a-t-il ajouté.

[Cote d'Ivoire] Ivorian Prime Minister Seydou Diarra on his way to meet IMF officials in Washington in September 2004.
Le Premier ministre sortant Seydou Diarra

Quant au Rassemblement des républicains (RDR), le principal parti de l’opposition, il a déclaré qu’il espérait que cette nomination permettrait la tenue des élections.

« Nous espérons que toutes les difficultés rencontrées avec les précédents accords de paix vont être résolues, afin que le pays puisse aller rapidement vers les élections libres, justes et transparentes », a indiqué le porte-parole du RDR, Cissé Bacongo.

Une diplomatie mesurée

Il y a dix jours, lors d’une précédente visite en Côte d’Ivoire, M. Obasanjo - président en exercice de l’Ua -, Mbeki – médiateur mandaté par l’Ua - et Tandja - président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) – n’avaient pu obtenir un consensus autour du nom d’un nouveau Premier ministre.

Mais cette fois-ci, la diplomatie très mesurée de M. Obasanjo a permis de résoudre le problème.

« Nous n'avons rien eu à dire, tout le monde a fermé sa gueule», a déclaré M. Kobenan, à l’issue de la rencontre avec les médiateurs. « La classe politique n’ayant pas été capable de se mettre d’accord, les médiateurs ont choisi ».

Certains diplomates espèrent que la stature internationale de M. Banny et les bonnes relations qu’il entretient avec M. Gbagbo et les leaders de l’opposition ivoirienne l’aideront dans sa mission.

Catholique, marié et père de quatre enfants, M. Banny est titulaire d’un diplôme d’Etudes Supérieures en Sciences Economiques et Commerciales obtenu à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Paris (ESSEC). Il a passé une bonne partie de sa carrière professionnelle en Afrique de l’ouest où il a travaillé notamment en Côte d’Ivoire à l’ancienne organisme de commercialisation du cacao, la Caistab, avant de démarrer sa carrière à la BCEAO en 1976.

Au siège de la BCEAO, à Dakar, la capitale sénégalaise, on indique que le remplaçant de M. Banny sera choisi parmi les vices-gouverneurs de la banque, mais aucune précision n’a été donnée sur la future réorganisation de l’institution.

Une bonne nouvelle pour les élèves ?

Les agences humanitaires espèrent aussi que le nouveau Premier ministre aidera à débloquer la situation de centaines de milliers d’élèves vivant dans le nord et qui n’ont pu passer leurs examens de fin d’année depuis que le pays a été divisé en deux en septembre 2002.

[Cote d'Ivoire] Children at a UN/NGO sponsored school hold up tablets to their teacher while learning math.
Les écoles ouvertes en zones rebelles fonctionnent grâce à l'aide des organisations non gouvernementales

Et si rien n’est fait pour leur permettre de passer les examens, ils ne pourront pas progresser dans le système scolaire ou passer du cycle d’enseignement primaire ou secondaire. Les enfants doivent passer l’examen d’entrée en sixième avant les 15 ans révolus. Au-delà de cet âge, ils sont considérés comme trop vieux et exclus des systèmes scolaires.

Dès le début de la guerre, les subventions du gouvernement central aux services publics présents dans les zones rebelles ont été coupées. Depuis, les services les plus élémentaires que sont les écoles et les soins de santé ont été assurés par des organisations non gouvernementales.

La crise ivoirienne a fait quelque 500 000 déplacés, selon l’ONU, et les statistiques du Fonds monétaire international indiquent que le chômage et la pauvreté sont en hausse, ainsi que la malnutrition infantile, particulièrement dans les régions du nord les plus les plus pauvres.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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