Si Guillaume Soro et Denis Glofiei Maho, respectivement chefs des rebelles et des milices pro-Gbago, sont adversaires dans le conflit qui secoue la Côte d’Ivoire, ils sont au moins d’accord sur une chose : tous deux sont persuadés que le moment venu, tous les combattants sous leur ordre rendront les armes.
« Il n’y aura aucun problème » a déclaré Soro, le chef du mouvement rebelle des Forces nouvelles qui, depuis trois ans, contrôlent la moitié nord du pays.
« Personne ne refusera de rendre les armes. Je contrôle entièrement la zone », a-t-il ajouté, devant les gardes du corps armés de pistolets et de fusils en faction devant la porte donnant accès à son bureau, situé dans une ancienne école de Bouaké, le fief des rebelles.
A quelque 300 km de là, de l’autre coté de la zone de confiance qui sépare le sud et le nord du pays et où patrouillent quelque 10 000 casques bleus et soldats français de l’opération Licorne, Maho assure que les jeunes qu’il a rassemblés et armés rendront leurs Kalachnikovs lorsqu’il le leur ordonnera.
« Nous sommes prêts à désarmer, avant les rebelles, même. Lorsqu’on nous invitera à le faire, nous désarmerons », a déclaré Maho du haut de son trône de chef traditionnel, devant des combattants armés de fusils semi-automatiques.
Le nord et le sud de la Côte d’Ivoire, respectivement contrôlé par les rebelles et le gouvernement, sont inondés d’armes qui confèrent un revenu, un statut, et le respect à ceux qui les possèdent – souvent de jeunes hommes au chômage, qui n’ont aucune formation militaire.
Selon un rapport de l’ONU, les violations des droits de l’homme, notamment les exécutions sommaires, les actes de torture et de viol, sont de plus en plus fréquentes aussi bien au nord qu’au sud.
Des programmes de désarmement ont été acceptés dans le cadre des différents accords de paix conclus pour mettre fin à la crise ivoirienne, à commencer par celui de Linas-Marcoussis, signé en janvier 2003 sous l’égide de la France. Mais aucun de ces programmes n’a été mis en œuvre.
Et les représentants de l’ONU, qui coordonnent le processus de désarmement, sont de plus en plus inquiets quant à la volonté réelle des combattants de désarmer.
« Lorsque nous demandons à ces jeunes hommes de rendre les armes, nous leur demandons d’abandonner une vie qu’ils mènent depuis trois ans. Tous n’accepterons pas de désarmer », a confié un représentant de l’ONU, sous couvert de l’anonymat.
Bouaké est la vitrine de la zone d’influence des Forces nouvelles. Soro et ses adjoints ne cessent de souligner la différence existant entre leurs combattants en uniforme et les autres rebelles d’Afrique de l’ouest, comme ceux du Liberia voisin, où, il y a deux ans encore, des adolescents drogués, chaussés de sandales et coiffés de perruques de femme, terrorisaient les populations.
« Les gens le remarquent lorsqu’ils viennent à Bouaké. Ils disent que nous ne sommes pas comme des rebelles. Ils nous trouvent aimables et sympathiques », a affirmé Sidiki Konaté, le porte-parole des rebelles.
Mais à Korhogo, une ville poussiéreuse située à quelque 250 km de la base de Soro, les luttes intestines entre les chefs rebelles ont déclenché l’année dernière une fusillade qui aurait fait une centaine de morts, selon Amnesty international.
Et dans la ville de Bouna, au nord-est du pays, les combattants rebelles qui se déplacent dans des voitures réquisitionnées décorées de peaux d’animaux et de talismans terrorisent les habitants qui avouent vivre dans la peur des persécutions.
Dans la région contrôlée par le gouvernement, la situation n’est pas meilleure.
Les résidents de Guiglo avouent être fatigués de nourrir ces jeunes affamés qui constituent la milice des Forces de résistance pour le grand ouest, les combattants de Maho.
Maho reconnaît que ses 10 700 hommes n’ont qu’environ 2000 armes à feu à se partager. Mais il affirme avoir d’autres armes plus efficaces à sa disposition.
« Nous ne nous battons pas uniquement avec des armes », a expliqué Maho. « Nous pouvons bloquer la voie à quelqu’un avec de la pluie. Nous pouvons faire toute sorte de choses – la magie existe et elle est particulièrement puissante ici, dans la forêt ».
Faulbert Pan refuse de se rendre à Abidjan en raison des nombreux racketteurs qui se trouvent sur la route |
« Je n’irai pas à Abidjan », affirme Faulbert Pan, qui vend des remèdes chinois au marché de la ville rebelle de Man, dans l’ouest du pays. « Il y a trop de racketteurs sur la route ».
« Du coté des rebelles, tu peux négocier, ce qui n’est pas le cas avec les soldats des forces gouvernementales. Ils te font payer pour tes sacs, parce que tu n’as pas les bons papiers, ou pour n’importe quoi », a-t-il ajouté. « Alors quand tu arrives destination, il ne te reste plus d’argent ».
La résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a permis au président Laurent Gbagbo de prolonger son mandat de 12 mois supplémentaires, afin de désarmer les combattants et d’organiser les élections présidentielles qui auraient dû avoir lieu le 30 octobre.
Selon les représentants de l’ONU, les mécanismes permettant l’exécution de ce programme sont en place. Il ne reste donc plus aux leaders qu’à trouver la volonté politique pour en assurer le bon déroulement.
Mais certains diplomates maintiennent qu’il faudra bien plus que des élections pour obliger les combattants des deux camps à désarmer.
« Si nous arrivons aux élections, tous ceux qui se sont habitués à cette situation de guerre et d’impunité vont se retrouver perdants, ce qui ne va pas leur plaire », a déclaré un diplomate. « Alors nous allons assister à une explosion d’attaques armées et d’actes de banditisme ».
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions