Après avoir bravé la chaleur et la pluie qui s’est abattue sur Monrovia mardi lors du scrutin, les quelque 1,3 millions d’électeurs libériens attendent aujourd’hui les premiers résultats qui, espèrent-ils, renforceront le processus de paix et réduiront la pauvreté dans ce pays d’Afrique de l’ouest ravagé par 14 années de guerre civile.
Dans la capitale Monrovia, les boutiques étaient fermées pendant le scrutin ; aucun vendeur ambulant n’y était visible et les rues délabrées étaient presque désertes. Une nation toute entière s’était mobilisée pour élire un nouveau président, 30 sénateurs et 64 représentants à la chambre basse du parlement.
Deux des 22 candidats en lice semblaient avoir la faveur des pronostiques : l’ex-star du football, George Weah et l’ancienne économiste, diplômée de Havard, Ellen Johnson-Sirleaf.
« C’est le jour où les gens exercent leur droit démocratique et pour la première fois, ils peuvent le faire sans crainte », a confié à la presse Weah, 39 ans, avant d’aller voter dans un quartier de Monrovia.
Plus au nord, à Tubmanburg, sa rivale Mme Sirleaf se félicitait du fort taux de participation des électeurs.
« Je suis heureuse pour le peuple libérien. Les gens en ont assez des destructions. Ils expriment leur choix aujourd’hui », a déclaré la grand-mère de 66 ans qui pourrait bien être la première femme présidente élue.
De nombreux observateurs électoraux étrangers ont indiqué qu’ils étaient impressionnés par l’attachement de la population à la démocratie.
« Si les électeurs sont si nombreux, ils exerceront une pression énorme sur le candidat qui sera élu, l’obligeant à vraiment faire quelque chose pour le peuple en évitant de retomber dans les jeux de politiciens », a déclaré à la presse Max van den Berg, chef de la mission des observateurs de l’Union européenne.
Des libériens faisant la queue pendant des heures pour deposer leur bulletin dans l'urne |
Les deux candidats favoris se sont engagés à rétablir l’eau et l’électricité et à améliorer l’éducation et la santé au Liberia. Ils ont également promis d’éradiquer la corruption.
Mais de nombreux détracteurs de M. Weah doutent de sa capacité à réaliser, une fois élu, les exploits qu’il a accomplis sur des terrains de football, car le pays, pensent-ils, a besoin d’un leader plus avisé et plus expérimenté.
A c es accusations, les partisans de M. Weah, répondent que les politiciens intellectuels comme Mme Sirleaf, n’ont rien fait pour améliorer le sort du libérien moyen.
Les élections de mardi sont les premières organisées depuis la fin du conflit sanglant en août 2003 qui a coûté la vie à près de 250 000 personnes et contraint des centaines de milliers de personnes à fuir leur région.
Mo Wilson est de ceux-là. Il a quitté sa maison, dans le comté de Bomi, après l’attaque des forces rebelles et la mort d’amis tués par des éclats d’obus et des balles perdues.
Ces cinq dernières années, il a vécu dans un camp de déplacés à quelque 20 km à l’extérieur de Monrovia. Mardi, protégé par un petit parapluie, il a fait la queue pendant près de huit heures sous une pluie battante pour participer à des élections qui marquent un tournant décisif dans l’histoire de son pays.
« Les élections sont si importantes pour nous que j’espère que lorsque le nouveau président sera installé, je retournerai chez moi", a expliqué M. Wilson, alors qu’un détachement des 15 000 casques bleus présents au Libéria surveillait les alentours du bureau de vote.
Mais la guerre a détruit la plupart des infrastructures du pays et l’organisation d’élections dans un tel contexte relève de l’exploit. Un hélicoptère de l’ONU a été envoyé mardi dans le comté de Lofa, au nord du Liberia, pour secourir des agents électoraux qui n’ont pu se rendre à leur bureau de vote parce que la rivière était sortie de son lit.
Des tentes et lanternes
Des électeurs dans un camp de déplacés internes |
Si les souvenirs de la guerre sont encore très vivaces dans ce pays pauvre dont le sous-sol regorge de richesses, les habitants sont heureux de constater que la peur a disparu.
« Il n’y a plus de harcèlement, ni d’intimidations. Les gens sont venus voter librement », a déclaré Sarah Sawah, 33 ans, après avoir rempli ses obligations civiques à Buchanan, à quelque 120 km à l’est de la capitale. On a vu parfois certains électeurs rentrer chez eux chercher des chaises pour s’asseoir tout en faisant la queue devant le bureau de vote.
Les agents électoraux se sont plaints, toutefois, de la lenteur du déroulement du scrutin dans l’ensemble du pays. Les bureaux de vote étaient censés fermer à 18h, mais ils sont restés ouverts assez tard pour permettre à tout libérien d’accomplir son devoir civique s’il le désire.
« Tous ceux qui feront encore la queue après 18h seront autorisés à voter même si nous devons restés ouverts jusqu’à minuit », avait déclaré à la presse Frances Johnson-Morris, la présidente de la Commission électorale nationale.
Les résultats officiels ne seront pas proclamés avant le 26 octobre, mais ayant débuté dès la fermeture des bureaux de vote, des résultats partiels sont attendus aujourd’hui.
Cette prouesse a été rendue possible grâce aux quelque 8 000 lanternes fonctionnant sous batterie qui ont été distribuées à travers le pays privé d’électricité depuis plus d’une décennie.
[Les vainqueurs potentiels du scrutin présidentiel du 11 octobre]
[De la guerre à la démocratie]
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