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Les violentes manifestations politiques ont fait au moins quatre cents morts

Quatre cents à cinq cents personnes sont mortes et des milliers d’autres blessées au cours des violentes manifestations politiques qui ont éclaté cette année et pour lesquelles les autorités togolaises portent une lourde responsabilité, ont indiqué lundi les Nations unies.

Dans rapport un longtemps attendu, le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Louise Arbour, explique que le « caractère massif et la gravité des actes et des manifestations de violations des droits de l’homme sont attestées par le nombre élevé des victimes – entre 400 et 500 morts et des milliers de blessés ».

Le nombre de morts variait selon les sources interrogées ; 69 pour le ministère togolais de l’Intérieur ; 100 selon des diplomates occidentaux et plus de 800, à en croire la Ligue togolaise des droits de l’homme.

Les premières émeutes ont éclaté dans ce petit pays d’Afrique de l’ouest en février, à l’annonce du décès du président Gnassingbe Eyadema, qui a régné pendant 38 années, et lorsque sont fils, Faure Gnassingbe, a tenté de s’emparer du pouvoir.

Après les vives condamnations de la communauté internationale, Faure Gnassingbe a accepté de démissionner et d’organiser des élections. Il a été déclaré vainqueur des élections dont l’opposition a contesté les résultats en raison des nombreuses irrégularités qui ont entaché le scrutin. La violence a gagné tout le pays et des milliers de Togolais ont fui pour se réfugier au Bénin, à l’est, et au Ghana, à l’ouest.

« Le pays a connu des cycles de violence pendant le déroulement des différents processus électoraux. Mais l’élection du 24 avril 2005, semble avoir atteint un degré de violence jamais enregistré », a expliqué Mme Arbour dans son rapport de 49 pages, rédigé après la visite au Togo d’un groupe d’enquêteurs de l’ONU à la mi-juin.

« La responsabilité principale de la violence politique et des violations des droits de l’homme incombe à l’ensemble de l’appareil répressif et sécuritaire de l’Etat », a-t-elle déclaré. « Les réactions des forces de sécurité étaient largement excessives par rapport aux manifestations et aux actions des militants de l’opposition ».

La plupart des victimes ont été tuées dans leur maison, peut-on lire dans le rapport.

Ce rapport apporte également les preuves que des unités de commandos de l’armée ont été payées pour « non seulement écraser des manifestants et des militants, mais également pour ramasser et faire systématiquement disparaître des corps pour éviter entre autre un comptage des victimes ».

De nombreux renforts ont été acheminés depuis le nord – le bastion des défenseurs du transfert du pouvoir de père en fils. Certains soldats, habillés en civil, ont été payés pour agir dans l’anonymat et s’attaquer aux manifestants.

De nombreux actes de torture et d’exactions ont été commis pendant les manifestations, a indiqué le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.

Le gouvernement prend acte, mais l’opposition appelle à un changement de régime

Contacté lundi par IRIN, le ministre de la Communications et porte-parole du gouvernement, Kokou Tozoun, n’a fait aucun commentaire sur le rapport de l’ONU.

Mais sur le site web officiel du gouvernement, www.republicoftogo.com, un éditorial non signé critique les conclusions du rapport de l’ONU.

« Le rapport de l’ONU semble bâclé, d’où des conclusions hâtives ; on est en droit de douter du sérieux de l’enquête », peut-on lire dans l’éditorial.

[Togo] Faure Essozima Gnassingbe named as head of state by the armed forces of Togo.
Président Faure Gnassingbe

Quant à l’opposition, elle s’est servie des conclusions de l’ONU pour justifier l’illégitimité du gouvernement actuel.

« 500 morts pour faire accepter l’élection d’une personne ! », a lancé Jean-Pierre Fabre, le secrétaire général de l’Union des Forces du Changement (UFC), le principal parti de l’opposition.

« Un régime qui s’installe en massacrant la population innocente ne peut avoir aucune légitimité et nous ne pouvons pas l’accepter », a-t-il confié à IRIN.

Si le rapport de l’ONU accuse les autorités togolaises d’avoir une lourde responsabilité dans les actes de violation des droits de l’homme, il critique également l’action des militants de l’opposition.

« Leur responsabilité ne peut être écartée », a indiqué Mme Arbour.

Des groupes de l’opposition ont commis de graves actes de violence qui ont fait de nombreuses victimes. Ils ont pillé et détruit des propriétés qui appartenaient à des membres du parti au pouvoir, a indiqué le rapport.

Mme Arbour s’en est prise aussi aux partis de l’opposition.

« Leur absence de stratégie globale et coordonnée, notamment au début de la crise a eu pour conséquence principale le manque d’encadrement de leurs militants », a-t-elle expliqué.

Sortir le pays de l’impasse politique

Mme Arbour a également abordé l’impasse politique dans laquelle se trouve le Togo actuellement. Bien que le nouveau gouvernement nommé en juin soit composé de quelques membres n’appartenant pas au parti au pouvoir, la plupart des dirigeants de l’opposition ont refusé de faire partie de la nouvelle équipe gouvernementale.

Mme Arbour a exhorté les autorités togolaises à rouvrir des négociations avec l’opposition et les groupes de la société civile pour tenter de former un gouvernement d’union nationale.

Map of Togo

Mais lundi, le principal parti de l’opposition déclarait qu’il n’était pas prêt à négocier.

« Nous continuons à dire qu’il doit y avoir de nouvelles élections », a lancé M. Fabre.

Mme Arbour a recommandé aux Nations unies et à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest de dépêcher une nouvelle mission au Togo pour « souligner.... la détermination et l’engagement à trouver une solution de sortie de crise ».

A propos des réformes à mettre en œuvre dans le domaine des droits de l’homme, elle a exhorté M. Gnassingbe à créer une commission d’enquête nationale plus crédible. Cette commission devra accueillir des personnalités d’organisations non gouvernementales engagées dans la défense des droits de l’homme et aucun de ses membres ne devra être inféodé au parti au pouvoir.

L’armée togolaise, longtemps dominée par les Kabyles, le groupe ethnique de la famille au pouvoir, doit aussi être réformée, a expliqué Mme Arbour.

« Cette réforme sous la supervision des Nations unies, devrait viser à transformer l’armée togolaise en une armée apolitique, représentative de la société togolaise dans sa diversité culturelle et ethnique et respectueuse des droits de l’homme », a-t-elle déclaré.

La ligue togolaise des droits de l’homme a accueilli favorablement les conclusions de l’ONU et appelé le gouvernement à mettre un terme à la culture de l’impunité au Togo.

« Il faut que les autorités prennent conscience de l’état catastrophique des droits de l’homme au Togo, et que des choses puissent être mises en branle pour améliorer la situation » a déclaré à ORIN Togo Ata Apedo Amah, le secrétaire général de la ligue.

« On ne peut pas vivre éternellement comme cela dans un état où n’importe qui peut se permettre de faire n’importe quoi, pourvu qu’il est un fusil à la main ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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