A une exception près, tous les journaux indépendants ont arrêté de publier, et les radios indépendantes ont supprimé la diffusion de leurs bulletins d’information, suite à l’emprisonnement, depuis la fin du mois de juin, de quatre de leurs collègues accusés, entre autres, de diffamation à l’encontre de M. Derby et d’incitation à la haine.
Les journalistes arrêtés sont passibles de peines d’emprisonnement pouvant aller de trois mois à trois ans.
M. Deby a pris le pouvoir en 1990 à la suite d’un coup d’Etat et conforté son poste de président de la République en remportant les élections de 1996 et de 2001.
Au mois de juin, il a déclenché une vague de critique dans le pays et à l’étranger en se prononçant pour une réforme de la constitution l’autorisant à briguer un troisième mandat en 2006.
Un des journalistes arrêtés avait écrit un article critiquant les changements constitutionnels introduits par M. Deby. Auparavant, la constitution interdisait aux présidents de briguer plus de deux mandats consécutifs.
Pour beaucoup de journalistes, le gouvernement de M. Deby est devenu très répressif à l’égard des médias indépendants, qui ont largement critiqué l’ambition de M. Deby de se présenter pour un troisième mandat.
Certains journalistes ont aussi été inquiétés par les autorités pour avoir publié des articles sur une rébellion dans l’est du pays, une région connue pour son instabilité.
M. Deby, qui a accédé au pouvoir grâce au soutien de Khartoum, a, pendant longtemps, usé de diplomatie dans la région Est du Tchad, à la frontière avec le Soudan. Au cours des 15 dernières années, cette région a abrité des mouvements rebelles sporadiques.
Selon Nadjikimo Benoudjita, le président de l’Association des éditeurs des journaux indépendants du Tchad (AEPT), les journalistes sont en train de payer le prix des critiques formulées à l’encontre de M. Deby. Il espère que la grève qu’ils mènent actuellement permettra de mobiliser l’opinion internationale et mettra fin à la répression des autorités gouvernementales.
“Nous voulons que la pression de l’opinion internationale ébranle ce gouvernement », a-t-il expliqué.
Sous le couvert de l’anonymat, un journaliste tchadien a affirmé à IRIN que la presse est le seul rempart contre la tyrannie au Tchad, aujourd’hui.
« Le gouvernement veut anéantir la presse. Sans la presse ce serait la dictature », a-t-il dit.
M. Benoudjita a souligné que les journalistes avaient essayé de soumettre leurs doléances aux autorités, « mais sans succès ».
Le Progrès, le seul quotidien indépendant du Tchad n’arrêtera pas ses publications, mais le quotidien ne paraîtra pas vendredi, a affirmé Abderamane Barka, le directeur de publication du journal. Cependant, a t-il ajouté, le journal publiera des articles et des communiqués appuyant la cause des journalistes.
Des journalistes tchadiens et d’autres observateurs locaux ont fait remarquer à IRIN que le Progrès est très proche du gouvernement.
Les huit journaux en grève sont des hebdomadaires ou des bi-hebdomadaires.
Léonard Vincent, responsable du Bureau Afrique à Reporters sans Frontières, a affirmé que l’emprisonnement des journalistes tchadiens par le gouvernement est décevant et dangereux.
« Le régime en place essaye de contenir une situation fragile en utilisant la répression, mais bien sûr, une telle politique sera totalement inefficace », a t-il dit lundi à IRIN.
Amnesty International et le Comité de Protection des Journalistes basé à New York ont également condamné les actions du gouvernement tchadien.
Enclavé et aride, le Tchad était classé en 2004 au 167ième rang parmi les 177 pays les plus pauvres du monde, selon l’indice de développement des Nations Unies. Le pays a officiellement rejoint le cercle des producteurs de pétrole africains en 2003. Il s’est doté d’un programme qui est appuyé par la Banque mondiale et dont l’objectif est de s’assurer que le tchadien moyen puisse bénéficier des retombées de la manne pétrolière.
Mais la déception est générale au Tchad. M Benoudjita de l’AEPT a affirmé à IRIN que jusqu’à présent, la manne pétrolière n’a pas eu l’impact économique escompté.
« Nous vivons dans une misère noire, alors que depuis deux ans, le pétrole coule à flot ».
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