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Famine et malnutrition après les mauvaises récoltes

Le gros bandage blanc enroulé autour de sa tête ne semble pas déranger le petit Amissou, qui boit son lait protéiné à petites gorgées tandis que sa petite soeur chante sous le lit.

Il y a quelques jours encore, ce petit garçon de trois ans, victime de la famine qui sévit au Niger, n’avait pas la force de boire. En fait, il pouvait à peine respirer.

Amissou pèse aujourd’hui tout juste 5,8 kg. Atteint de malnutrition sévère, il a frôlé la mort.

A présent, il se rétablit petit à petit au service des soins intensifs du centre de nutrition thérapeutique pour enfants mal nourris que Médecins sans frontières (MSF) a mis en place à Maradi, une ville située 600 km à l’est de Niamey, la capitale nigérienne.

« Ca fait plaisir quand tu vois un enfant qui entre et qui est vraiment rachitique et en moins d’une semaine il a récupéré un kilo. Tu sens vraiment que tu as servi a quelque chose », s’est réjouie Chantal Umotoni, médecin rwandais qui traite le petit Amissou.

Depuis six semaines, le docteur Umutoni travaille d’arrache-pied au service des soins intensifs, qui compte 64 lits. Elle fait tout son possible pour maintenir en vie Amissou et d’autres petits Nigériens comme lui. Dévouée, elle prend son travail très à cœur.

« Parfois ce sont des mamans désespérées avec leurs enfants très malades, très rachitiques. Tu sens qu’elles te font entièrement confiance et tu te sens le devoir de traiter au maximum l’enfant », a-t-elle expliqué.

Les centres de nutrition thérapeutique pour enfants mal nourris sont de plus en plus nombreux au Niger, un pays semi-aride, classé deuxième nation la plus pauvre du monde par les Nations unies.

La vie a toujours été dure pour les paysans nigériens qui pratiquent une agriculture de subsistance. Ils sont bien souvent confrontés à des pénuries alimentaires de plusieurs mois pendant la période de soudure, qui précède les récoltes de céréales annuelles.

Mais l’année 2004 a été particulièrement désastreuse pour les populations rurales, qui ont été doublement frappées par une saison des pluies trop brève et une invasion de criquets pèlerins impressionnante, d’une ampleur inégalée depuis 20 ans.

Les champs de sorgho et de mil ont été dévastés et les pâturages clairsemés qui servaient à nourrir les troupeaux des bergers nomades ont disparu, contribuant à déclencher une crise alimentaire grave.

Des milliers de victimes

Selon les estimations des Nations unies, 3,6 millions de personnes – près d’un tiers de la population totale du Niger (13 millions) – souffriront de la faim avant les prochaines récoltes, prévues pour octobre.

D’après l’organisation, 2,5 millions de personnes sont extrêmement vulnérables et doivent impérativement recevoir une aide alimentaire. Parmi elles, 800 000 enfants souffrent déjà de malnutrition.

Jusqu’à présent, on ne sait pas combien d’enfants sont morts de faim au Niger, un pays où, en temps normal, trois enfants sur 10 meurent avant l’âge de cinq ans, de pauvreté ou des suites de maladies.

Toutefois, Jan Egeland, le coordinateur des secours d’urgence des Nations unies, a déclaré à la presse la semaine dernière, à Genève, que plusieurs milliers d’enfants étaient sans doute morts de faim cette année.

Les organisations humanitaires internationales aident en priorité les jeunes enfants mal nourris et leurs mères.

« Mon mari est vieux, il ne peut plus travailler, donc c’est moi seule qui me décarcasse », a expliqué Haoua Ma'azoo, une veille femme, mère de cinq enfants, qui porte, sur ses cheveux blancs, un foulard chatoyant jaune et rouge.

« Mais les criquets pèlerins ont mangé toutes nos récoltes », a-t-elle déclaré à IRIN alors qu’elle se trouvait au chevet de sa fille Diatou, une patiente du centre de nutrition thérapeutique de MSF.

Mme Ma'azoo a décidé d’emmener Diatou au centre quand celle-ci a commencé à perdre du poids, des suites d’une diarrhée accompagnée de vomissements. Aujourd’hui prise en charge par l’unité des soins intensifs du centre MSF, la petite fille sourit de nouveau. Malgré tout, ses cheveux, clairsemés et décolorés aux pointes, trahissent son état : Diatou souffre de malnutrition.

Un parcours difficile pour se rendre au centre de traitement

La plupart des enfants ne restent que quelques jours au centre. Pourtant, celui-ci ne désemplit pas : chaque jour, des mères et des grand-mères accompagnées d’enfants en bas âge, qu’elles portent sur leur dos, se rendent au centre pour y trouver nourriture et traitement. Beaucoup d’entre elles font jusqu’à dix heures de marche à travers la brousse pour rejoindre le centre.

Sous la tente des admissions, une infirmière nigérienne reçoit quelque 300 personnes par jour. Elle est chargée de déterminer le degré de malnutrition de chaque enfant, en comparant sa taille à son poids.

Chaque jour, entre 40 et 80 enfants sont admis au centre et se voient délivrer un bracelet rouge. Tous présentent des cas de malnutrition sévère.

Ceux qui présentent des symptômes moins graves sont renvoyés chez eux avec 25 kg de farine enrichie et cinq kilos d’huile végétale.

Ces patients ambulatoires se voient délivrer des bracelets oranges s’ils présentent des symptômes de malnutrition modérée susceptible de s’aggraver, ou des bracelets jaunes, si leur état est moins sévère.

Certaines organisations humanitaires travaillent au Niger depuis des années. C’est le cas de MSF.

D’autres ont commencé à opérer dans le pays en juillet, financées par les pays occidentaux. Les images d’enfants affamés retransmises à la télévision ont en effet fini par convaincre ces derniers qu’il leur était impératif de mettre en place une opération de grande envergure pour porter secours au peuple nigérien, gravement touché par la famine.

A l’instar de MSF, plusieurs autres organisations humanitaires opèrent près de Maradi. Parmi elles : Oxfam, Save the Children, l’Agence des musulmans d’Afrique et le Programme alimentaire mondial (PAM).

Le PAM, qui vient de solliciter de nouveau les bailleurs à hauteur de 12 millions de dollars américains, prévoit de distribuer de la nourriture gratuite à 1,2 millions de personnes de part et d’autre du Niger, avant les prochaines récoltes, dans deux mois.

Hausse spectaculaire du prix des vivres

La plupart des victimes de la famine n’ont plus d’argent et beaucoup d’entre elles ont vendu leurs outils agricoles, leur bétail voire leurs bijoux pour pouvoir s’acheter de la nourriture au marché, malgré la hausse constante des prix.

A Maradi, le sac de 100 kg de millet, qui se vend, à cette période, au prix de 16 000 francs CFA (29 dollars américains), coûte aujourd’hui 28 000 francs CFA (51 dollars).

Les prix des vivres dans les marchés locaux dissuadent les organisations humanitaires elles-mêmes.

Au Burkina Faso, un pays voisin, l’exportation de denrées alimentaires a été interdite afin de préserver les réserves nationales. Et au Nigeria, au sud du Niger, les vivres affichent des prix exorbitants. Beaucoup d’organisations se sont donc résignées à importer d’Europe les marchandises de première nécessité, une méthode pour le moins onéreuse.

L’Agence des musulmans d’Afrique, financée par le Koweït, vient tout juste de commencer à opérer à Maradi. Depuis l’ouverture de son centre de nutrition thérapeutique, le 12 juillet, l’organisation a traité 203 enfants atteints de malnutrition modérée, les cas les plus sévères étant envoyés directement à MSF.

Le centre est situé dans une grande cour de sable où plus d’une centaine de femmes sont assises près de leurs enfants à l’ombre des arbres, tandis que sèche au soleil, sur des nattes, de la farine de sorgho et de riz.

Le centre fournit aux enfants cinq repas par jour, principalement composés de bouillie et de pâte d’arachide. Leurs mères reçoivent trois repas.

« Dans l’urgence, nous avons surtout besoin de produits alimentaires, d’outils de travail pour l’équipe médicale et de médicaments », a expliqué Abdellak Azeroual, le représentant local de l’Agence des musulmans d’Afrique.

Des médicaments, mais pas de nourriture

Chaque jour apporte son lot de drames et de petits miracles. En tous lieux.

Hassan Akil est infirmier de garde au service pédiatrique de l’hôpital régional de Maradi. Il y a une heure, une petite fille est arrivée dans son service. Elle était prise de convulsions.

Sa mère n’avait pas de quoi payer la consultation (700 CFA, soit 1,30 dollars américains), mais le personnel médical a eu pitié de cette enfant de 10 mois, qui pesait tout juste 3,7 kg, et l’a admise malgré tout.

Hassan plisse la peau de la petite fille, déshydratée, qui respire à présent à l’aide d’un tube à oxygène et survit sous perfusion.

La mère, Maimouna Alassane, a expliqué au personnel médical que la petite avait maigri et avait eu des épisodes de vomissements et de diarrhée, car il n’y avait pas assez de nourriture pour toute la famille.

Elle avait emmené sa fille au centre de nutrition de MSF, mais le personnel médical avait refusé d’admettre la petite, affirmant que son cas n’était pas assez grave.

Comble de l’ironie, l’hôpital dispose des médicaments nécessaires pour traiter la petite fille, qui vient d’y être admise pour la seconde fois, mais il n’a pas les moyens de la nourrir.

« On a les moyens en médicaments, mais on n’a pas vraiment les moyens nécessaires pour récupérer la malnutrition », a expliqué M. Akil, l’infirmier.

« Cette année, c’est spécial », a-t-il poursuivi. « Il y a plus de malnutrition que les autres années car les récoltes n’ont pas été bonnes ».

Pour l’instant, cependant, le temps semble clément : la saison des pluies a bien commencé en juin dernier, et déjà, des pousses vertes apparaissent ça et là dans les champs de mil et de sorgho.

« S’il y a une bonne récolte, il y aura suffisamment d’aliments pour que les mamans mangent et ça va les amener à avoir du lait. Elles auront ainsi de quoi nourrir leurs enfants », a-t-il déclaré.

Mais si les récoltes sont une fois de plus mauvaises, a-t-il prévenu, le malheur continuera de s’abattre sur le peuple nigérien.

« Si les récoltes sont mauvaises, c’est pas forcément la mort mais ça peut conduire à la malnutrition », a-t-il précisé.

Au Niger, les bailleurs commencent enfin à verser des fonds pour sauver les populations vulnérables de la famine. Mais ces fonds restent insuffisants. Par ailleurs, la crise alimentaire touche d’autres pays du Sahel moins médiatisés, tels que le Mali ou la Mauritanie, qui ont eux aussi besoin de l’aide internationale.

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a récemment doublé son appel initial. La somme demandée, aujourd’hui de 31,1 millions de dollars américains, sera revue à la hausse une nouvelle fois, dans un futur proche.

Selon un représentant des Nations unies qui travaille à l’élaboration de programmes de lutte contre la famine au Niger, l’appel lancé par les Nations unies ne suffira pas à nourrir plus de 300 000 enfants mal nourris de moins de cinq ans.

En d’autres termes, un demi million d’entre eux seront laissés pour compte.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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