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Gnassingbe prête serment, mais les choix l'opposition sont désormais limités

Alors que Faure Gnassingbe prête serment mercredi et succède ainsi à son père en tant que nouveau Président élu du Togo, une opposition désemparée réfléchit à la nouvelle stratégie à adopter. Pour la plupart des observateurs, l’opposition devra finalement se résoudre à trouver un compromis et à accepter d’intégrer un gouvernement d’union nationale.

Des violentes émeutes avaient éclaté dans la capitale Lomé et dans d’autres villes du Togo à l’annonce de la victoire de Gnassingbe la semaine dernière. L’intervention de l’armée, dominée par des militaires du même groupe ethnique que son père, a permis d’éliminer rapidement toute forme de résistance, évitant ainsi que le soulèvement populaire ne gagne tout le pays.

Gnassingbe avait tendu la main à l’opposition, l’invitant même à se joindre à lui pour constituer un gouvernement de réconciliation nationale; mais les leaders de l’opposition ont refusé d’engager des négociations avec un nouveau président qui se serait fait élire en truquant les élections.

"La réaction de l’opposition était prévisible, mais la vraie question est de savoir si elle peut tenir cette position durablement", a indiqué Alex Vines, responsable du programme Afrique du groupe anglais, Chatham House. "Ils n’ont pas trop le choix maintenant, étant donné qu’en Afrique de l’ouest les gens optent toujours pour une solution de compromis".

Avant l’annonce des résultats provisoires la semaine dernière, le chef d’Etat nigérian et très influent président en exercice de l’Union Africaine (UA), Olusegun Obasanjo, avait suggéré aux deux camps de constituer un gouvernement d’union nationale, quelque soit le verdict des urnes.

Une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) s’était rendue à Lomé pour tenter de trouver un compromis dans ce sens, le week-end dernier, après les violents affrontements qui ont eu lieu entre les jeunes activistes de l’opposition et les forces de sécurité à l’annonce des résultats provisoires de l’élection. Cette tentative de médiation a été infructueuse.

L’opposition - qui a connu sa traversée du désert pendant les quatre décennies de règne du père de Gnassingbe, Gnassingbe Eyadema – peut camper sur ses positions; mais pour certains diplomates, elle n’a pas de stratégie à long terme.

Il y aura probablement une période de calme après les récents troubles politiques qui ont fait près de 100 morts dans le pays, selon des sources diplomatiques. A un moment où à un autre, l’opposition devra, à contre cœur, accepter de négocier avec le nouveau président en choisissant probablement comme intermédiaires des représentants de la communauté internationale.

[Togo] This Togolese opposition supporter fled his home town of Aneho after being attacked by memebers of the ruling RPT party with machetes. Thousands of Togolese refugees have fled to Benin and Ghana after violence erupted following a disputed 24 April
Cet homme a été attaqué à la machette par des partisans du parti au pouvoir
Quatre décennies de méfiance

"Il y a une telle méfiance entre les deux camps, en fait 38 années de méfiance, qu’il faudra un médiateur international", a indiqué un diplomate occidental en poste à Lomé.

Et si l’on tient compte des commentaires de l’opposition, ce médiateur ne sera probablement pas la CEDEAO.

"La CEDEAO s’est comportée comme un éléphant dans un magasin de porcelaine", a déclaré ce week-end à IRIN Jean-Pierre Fabre, porte-parole de l’Union des forces de changement.

La CEDEAO avait joué un rôle important après que l'armée ait confié le pouvoir à Gnassingbe, quelques instants après le décès de son père en février. Cette organisation de 15 Etats membres avait contraint Gnassingbe à quitter le pouvoir et à organiser de nouvelles élections dans les 60 jours.

Mais pour certains observateurs, en demandant aux autorités togolaises d’appliquer à la lettre le texte de la Constitution, la CEDEAO a autorisé la tenue d’une élection à laquelle le leader historique de l’opposition ne pouvait pas se présenter et où l’ancien fichier électoral contesté allait être utilisé pour produire les cartes d’électeur.

L’opposition ayant été très critique à l’égard de la CEDEAO, certains diplomates pendant que l’Union Africaine, l’Union européenne ou même les Nations unies pourraient être amenés à jouer un rôle de médiation dans la crise togolaise.

L’Union européenne (UE) a déjà servi de médiateur entre les différentes factions togolaises, en contribuant en avril 2004 à l’élaboration de 22 engagements pour promouvoir la démocratie et les libertés civiles dans ce petit pays d’Afrique de l’ouest.

Elle dispose aussi de certains leviers financiers qu’elle peut utiliser pour exercer une pression sur les autorités togolaises. En 1993, l’EU avait suspendu son aide à cette ancienne colonie française pour des raisons de "déficits démocratiques" et certains observateurs pensent que Gnassingbe devra faire la preuve qu’il a rompu avec le passé, avant la reprise de l’aide financière européenne.

Pour l’opposition, la seule alternative à la négociation politique est la poursuite de la résistance, mais de nombreux jeunes activistes se sont déjà réfugiés à l’étranger ou ont rejoint leur famille dans les campagnes. En outre, toute tentative de résistance de la part de ceux qui ont choisi de rester au Togo sera réprimée sévèrement par les forces de l’ordre.

Tout risque de soulèvement général est écarté à présent

Certains diplomates et habitants ont craint une nouvelle flambée de violence cette semaine, après l’annonce des résultats définitifs de l’élection où lors de la prestation de serment de Gnassingbe en tant que Président, mercredi. Mais la présence de troupes supplémentaires dans les rues de la capitale a servi à dissuader toute manifestation.

"Je pense que le risque de soulèvement général est écarté pour le moment car les militaires ont intimidé la population. Ils sont passés dans les quartiers et ont battu les habitants. La population est encore très en colère, mais il n’y a pas d’issue maintenant", a indiqué un diplomate occidental.

Certains jeunes activistes de l’opposition considèrent qu’ils risquent leur vie en s’exposant dans les combats de rue pendant que des leaders plus âgés, notamment Emmanuel Bob-Akitani, 74 ans, se terrent dans des endroits tenus secrets.

"Moi, je ne veux plus me mêler de cette histoire. Je vais commencer à réfléchir sur ma propre vie," a déclaré Messan, avant de disparaître précipitamment dans un ruelle poussiéreuse.

D’autres ont été déçus du manque de clairvoyance de l’opposition.

"J’ai tellement cru en leur changement , mais là, je ne sais plus. Je me sens totalement perdu", a lancé Ayayi, un jeune activiste, assis sur sa mobylette.

Late Lawson, un jeune mécanicien de 25 ans qui vit désormais dans un camp de réfugiés au Bénin, a indiqué qu’il a quitté le Togo parce que le combat était inégal. "Si on avait des armes, le combat aurait été plus loyal", a-t-il déclaré. "Mais nous n’avions pas d’armes".

Tous les activistes ne sont pas découragés; certains envisageant même de lancer une nouvelle vague de protestations contre Gnassingbe et son parti le Rassemblement du peuple togolais (RPT).

[Togo] Togolese refugees wait with the belongings they managed to carry at the Hilakondji border station in Benin to be taken to camps. They have fled their homeland after violence erupted following a disputed 24 April presidential poll.
Quelques-uns parmi les milliers de réfugiés togolais attendent près du poste frontière de Hilakondji, au Bénin
"Je suis sûr que nous engagerons une épreuve de force avec le RPT, j’en suis convaincu", a déclaré Blaise, 22 ans, étudiant à la faculté de droit.

Les travailleurs humanitaires, pour leur part, s’inquiètent des conséquences de cette crise généralisée sur ce pays de cinq millions d’habitants qui se trouve au cœur d’une région déjà marquée par de nombreux conflits.

Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 20 000 togolais avaient fui vers le Bénin et le Ghana voisins en l’espace d’une semaine; et de nombreux autres réfugiés attendent de traverser les frontières de ces pays.

“Cette crise politique peut dégénérer en crise humanitaire et le pire des scénarios serait de se retrouver dans une situation identique à celle de la Côte d’Ivoire,” a indiqué Elizabeth Byrs du Bureau des Nations unies pour la coordination des Affaires humanitaires (OCHA).

“Une crise généralisée au Togo pourrait déstabiliser encore plus les fragiles conditions économiques et sociales de pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui ont déjà été très touchés par la crise ivoirienne".


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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