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Plus de 16 500 personnes ont fui le Togo, avant la proclamation officielle des résultats du scrutin

Plus de 16 500 personnes ont fui le Togo pour échapper aux émeutes post-électorales, mais certains diplomates préviennent qu’une nouvelle flambée de violence pourrait avoir lieu si la Cour constitutionnelle confirme mardi après-midi les résultats du scrutin présidentiel très controversé du 24 avril dernier.

Ce petit pays d’Afrique de l’ouest a sombré dans le chaos mardi dernier lorsque la Commission électorale nationale indépendante (CENI) donnait Faure Gnassingbe, fils du défunt président Gnassingbe Eyadema qui a dirigé le Togo pendant 38 ans, vainqueur des élections présidentielles, au vu des résultats provisoires .

Mais le transfert de pouvoir du père au fils a suscité de violentes réactions chez les jeunes militants de l’opposition qui sont descendus dans les rues pour manifester leur colère. L’opposition, quant elle, a déclaré que le scrutin a été entaché de nombreuses irrégularités et de fraude massive et a appelé le pays à résister.

L’intervention des forces de sécurité a mis fin aux manifestations et l’ordre public semble avoir été rétabli.

Alors que les boutiques, les banques et les activités commerciales reprenaient lentement lundi, suite à l’intervention de l’armée, de nombreuses personnes apeurées fuyant la violence des grandes villes sont allées chercher refuge au Bénin et au Ghana voisins ou dans les petits villages de l’intérieur du Togo.

"Nous ne savons pas s’il faut partir ou rester", a indiqué un enseignant du secondaire près de la gare principale des bus de Lomé.

Un jeune voyageur a fait charger un poste de télévision et une chaîne HI-FI sur le porte-bagage d’un minibus à destination de la campagne. "Je transfère mes biens au village pour m’assurer qu'ils seront en sécurité si la situation dégénère. Mais je fais juste un aller retour", a-t-il déclaré à IRIN.

Selon un habitant de Bé, le quartier de Lomé considéré comme le fief de l’opposition, le calme est revenu depuis l’intervention des forces de l’ordre qui ont contraint les résidents à dégager les barricades et d’autres objets abandonnés pendant les combats de rue.

"Les gens sont allés au Ghana ou au Bénin; il n’y a plus personnes dans Bé", a-t-il déclaré. "L’armée a investi le quartier et battu les gens. Tout le monde a peur".

“Des hommes en tenue de camouflage” sèment la terreur

Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 9 000 réfugiés ont été enregistrés au Bénin et près de 7 500 au Ghana. La plupart des nouveaux arrivants viennent de Bé, a indiqué Rafik Saidi, le représentant régional du HCR.

De nombreux réfugiés se sont plaints d’avoir été battus par les forces de l’ordre du Togo et certains présentaient même des blessures par balle.

De sources gouvernementales, les interventions des forces de sécurité on fait 22 morts, alors que le porte-parole des six partis de la coalition a indiqué le week-end dernier que 106 personnes ont été tuées et que des centaines d’autres ont été blessées.

Un homme présent dans les locaux de la Ligue des droits de l’homme du Togo a confié à IRIN que son frère a été abattu dimanche dernier par des hommes en "tenue de camouflage". Sa femme et ses quatre enfants ont été molestés; une de ses filles s’est retrouvé à l’hôpital et son fils de 14 ans a perdu la vue.

"Nous ne savons pas pourquoi. Ils n’ont rien dit. Ils ont fait irruption dans la maison. Le corps de mon frère se trouve actuellement à la morgue", s’est plaint cet habitant du quartier de Baguida à Lomé, qui a requis l’anonymat.

D’après les témoignages recueillis auprès des premiers réfugiés arrivés au Bénin la semaine dernière, ils ont fui le Togo pour échapper aux tirs des forces de sécurité ou parce qu’ils ont été victimes de violences policières, a indiqué à IRIN le porte-parole du HCR présent dans la ville frontalière d’Hilakondji.

"La plupart des réfugiés togolais arrivés ces deux derniers jours ont indiqué qu’ils ont choisi de quitter leur pays par précaution, de peur qu’il ne leur arrive quelque chose", a-t-il ajouté.

Selon les informations fournies lundi par la radio nationale, la Cour Constitutionnelle devrait valider mardi après-midi les résultats provisoires du scrutin présidentiel du 24 avril dernier et confirmer l’investiture mercredi prochain du nouveau Président de la République du Togo, Faure Gnassingbe, le candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT).

Les résultats provisoires accordaient à Gnassingbe, 39 ans, 60 pour cent des suffrages, contre 38 pour cent à Emmanuel Bob-Akitani, 74 ans, le candidat de la coalition des six partis de l’opposition.

Une nouvelle flambée de violence en perspective

"L’annonce officielle des résultats déclenchera une nouvelle flambée de violence", a indiqué un diplomate occidental.

Le représentant du HCR, van Maastrigt, fait la même analyse. "La publication mardi des résultats officiels des élections pourraient bien déclencher de nouveaux affrontements au Togo", a-t-il indiqué.

Une délégation de diplomates ouest-africains s’est rendue le week-end dernier à Lomé pour tenter de trouver une solution politique à la crise, mais aucun progrès significatif n’a été enregistré à l’issue de cette visite.

La Commission économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) était représentée par son secrétaire général, Mohamed Ibn Chambas, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Aichatou Mindaoudou et le ministre nigérian de la Coopération et de l’intégration africaine, Lawan Guba.

"Le Président en exercice de la CEDEAO, le chef d’Etat nigérien, Mamadou Tandja, a dépêché une délégation de haut rang au Togo pour trouver une solution à la crise que traverse ce pays", a indiqué le communiqué de la CEDEAO qui compte 15 Etats membres.

A l’issue de la réunion avec la délégation de la CEDEAO, le porte-parole de la coalition des partis de l’opposition, Agboyibo, a indiqué à la presse qu’il demandait la protection des populations civiles compte tenu de la détérioration de la situation".

Par ailleurs, Agboyibo a exigé qu’on compare les résultats provisoires proclamés par la Commission électorale au nombre de bulletins comptés dans chaque urne.

Pour sa part, Dama Dramani, le porte-parole du RPT, le parti au pouvoir, a déclaré à la délégation : "Nous avons gagné les élections et nous n’avons aucune raison d’entretenir la violence".

Le RPT a également réitéré sa volonté de former un gouvernement d’union nationale, a précisé Dramani.

L’opposition a rejeté cette offre, car elle refuse de reconnaître la victoire de Gnassingbe aux élections présidentielles.

Des troubles ont éclaté au Togo le 5 février dernier, à l’annonce du décès d’Eyadema. Son fils s’est vu confier le pouvoir par l’armée togolaise mais, sous la pression de la communauté internationale et des violentes manifestations de la rue, il a été contraint à la démission et a accepté de convoquer des élections présidentielles 60 jours après la vacance du pouvoir, comme le prévoit la constitution togolaise.

Des scènes de violence sporadiques étaient encore signalées avant la tenue du scrutin du dimanche; mais avant même la proclamation du résultat des élections, le président nigérian Olusegun Obasanjo avait appelé les deux camps à former un gouvernement d’union nationale quel que soit le verdict des urnes.

Pour Gilchrist Olympio, l’opposant politique historique que son dauphin Bob-Akitani a remplacé parce qu’il n’a pas été autorisé à se présenter aux élections, l’opposition n’acceptera pas de jouer un rôle de figurant.

"Pas question d’être un partenaire de second rang", a-t-il confié à IRIN dans un entretien téléphonique depuis le Ghana.

"Nous exigeons un gouvernement de transition qui devra organiser de nouvelles élections, présidentielle et législative, avec tout ce que cela comporte : révision des listes, distribution de nouvelles cartes, utilisation d’une encre indélébile", a-t-il ajouté.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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