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Je suis né en Côte en d'Ivoire, où voulez-vous que j'aille

En contrebas des rues de Cocody, un quartier huppé d’Abidjan, s’étale Gobele, un grand bidonville où vivent quelques 5 000 ressortissants étrangers. La plupart d’entre eux n’ont jamais vécu dans leur 'pays d’origine' et très peu envisagent d’y retourner, quels que soient les problèmes qu’ils rencontrent en Côte d’Ivoire.

Après l’éclatement de la guerre civile qui a coupé en deux la Côte d’Ivoire en septembre 2002, les forces de sécurité ont détruit de nombreux bidonvilles d’Abidjan où vit la majorité des ressortissants d’autres pays d’Afrique de l’ouest. Pour les autorités, ces endroits étaient de véritables bases de soutien aux rebelles.

“Il est vrai que nous avons évité le pire en septembre 2002, mais nous sommes étrangers et il y a encore des descentes de polices ici”, raconte Marshood Aramu Balgum, un ressortissant nigérian né à Abidjan et habitant de Gobele.

La plupart des habitants de ces maisons délabrées faites de tôles ondulées et de bois recyclé sont des ressortissants burkinabé.

Selon Douamba Boukary, un Burkinabé vivant dans un des bidonvilles situés en bordure de la lagune, la police et la gendarmerie ont fait plusieurs descentes à Gobele pour extorquer de l’argent aux habitants, voler et piller leurs biens.

“Lorsqu’ils débarquent, ils envahissent tout le bidonville” ! explique Boukary”. Ils fouillent les maisons à la recherche d’armes, mais ils ne trouvent rien. Mais lorsqu’ils trouvent de l’argent ou un téléphone cellulaire, ils n’hésitent pas à se servir. Et s’ils n’ont pas emporté la télévision, c’est parce qu’ils n’ont pas pu la mettre dans leur poche”, ironise t-il.

A Gobele, les populations ont l’électricité depuis près de 15 ans. Mais les installations sanitaires sont inexistantes et les toilettes publiques surplombent les pentes raides du bidonville.

Au cours de la descente de police qui a eu lieu il y a quelques mois, un jeune ressortissant burkinabé avait refusé de remettre l’argent qu’il avait péniblement gagné, mais son insolence lui a coûté la vie.

“Il tenait un kiosque – un de ces petits bars à café ambulants", se souvient Balgum. "Lorsque la police lui a demandé de l’argent et qu’il a refusé de leur en donner, elle s’est mise à le battre jusqu’à ce qu’il succombe”, a t-il ajouté.

"Les Ivoiriens ne sont pas de mauvaises gens"

Mais en dépit de ces incidents, très peu de personnes à Gobele pensent du mal des voisins ivoiriens – pas même des voisins riches qui sont au-dessus d’eux sur la colline où se trouve la résidence officielle du président Laurent Gbagbo.

[Cote d'Ivoire] Street scene in Gobele, a shantytown in Abidjan which is mainly inhabited by migrants from Burkina Faso and other West African countries.
Bidonville de Gobele
“Les Ivoiriens ne sont pas de mauvaises gens. Je le sais, je suis né ici", raconte Boukary. "Il y a ces bandes de jeunes qui parlent de la ‘Côte d’Ivoire aux ivoiriens’, mais ce n’était pas comme ça auparavant. Les politiciens sont responsables de la situation”, a-t-il ajouté.

Les jeunes patriotes, des miliciens pro-Gbagbo, ont très souvent été accusés d’être les responsables des attaques dirigées contre les communautés étrangères résidant à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire.

En mars 2004, les jeunes patriotes ont pris part aux côtés des forces de sécurité à la répression de la marche de protestation de l’opposition.

Plusieurs nuits durant, certains ressortissants étrangers et des personnes suspectées d’être des partisans des mouvements d’opposition ont été terrorisés par les miliciens pro-Gbagbo. Des douzaines de personnes ont été abattues devant leur domicile ou enlevées et n’ont plus jamais été revues. Selon les enquêteurs de la mission de l’ONU sur les violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, au moins 120 personnes ont été tuées pendant la répression de la marche.

“Avant, seule l’armée régulière possédait des armes, mais plus maintenant. Désormais, la milice est présente partout”, explique Boukary.

“Nous avons peur. Aujourd’hui, vous ne savez pas si votre voisin porte une arme sur lui”, a-t-il ajouté.

Mais à en croire Boukary, il n’a nullement l’intention de rejoindre les 365 000 ressortissants Burkinabé qui ont fui la Côte d'Ivoire pour rejoindre le Burkina Faso.

“Chaque pays a ses problèmes”, a-t-il ironisé. “Lorsque la guerre a éclaté, j’ai vu des gens partir. Mais la paix sera rétablie dans ce pays”.

“De toute façon, je suis né ici. Je ne rentre au Burkina que pendant les congés. Comment espérez-vous que je puisse aller vivre là-bas" ?

Vingt cinq pour cent des 16 millions d’habitants que compte la Côte d'Ivoire sont des ressortissants d’autres pays de l’Afrique de l’ouest venus chercher fortune dans un pays qui, il n’y a pas longtemps encore, était le plus prospère de la région.

Mais il n’y a plus aujourd’hui ces grandes zones forestières qu’on pouvait transformer en plantations de cacao et de café. Le travail dans les grandes villes est devenu rare. La présence des immigrants est donc de plus en plus mal ressentie par une grande partie de la population locale.

La guerre civile n’a fait qu’envenimer la situation. De nombreux immigrants sont des musulmans originaires du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée et appartiennent au même groupe ethnique que les chefs rebelles du nord de la Côte d'Ivoire.

La violence contre les immigrants et les descentes impromptues de la police sont des actes isolés pour la population de Gobele. Mais dans la vie de tous les jours, le plus dur est de trouver un travail.

Pas de perspective d'emploi

Justin Kossi est né au Bénin. Il est arrivé en Côte d’Ivoire en 1987 et, à l’instar de milliers d’autres, il est venu chercher du travail. Mais depuis que la guerre a éclaté en septembre 2002, la situation est devenue catastrophique.

[Cote d'Ivoire] Justin Kossi, a Beninese migrant to Cote d'Ivoire who lives in Gobele shantytown in Abidjan. He once worked as a cook for a French teacher, but has been unemployed since his boss left the country.
Pas de perspective d'emploi pour Justin Koffi
“Pas plus tard que ce matin je suis présenté pour un emploi de serveur dans une cantine d’un grand supermarché de la Riviera Golf", explique Kossi. "On m'a demandé si j’étais ivoirien ; et lorsque que j’ai répondu non, vous savez ce qu’on m’a répondu ? - 'C’est dommage !'"

Autour de Koffi, ses compatriotes béninois hochent de la tête comme pour confirmer ses propos. Selon eux, il n’est déjà pas évident pour les nationaux de trouver du travail dans un contexte économique rendu très difficile par la guerre, et pour les étrangers, ça l’est encore moins.

“J’avais un très bon emploi. Je travaillais comme cuisinier chez un enseignant français”, explique Koffi. “Mais lorsque la guerre a éclaté, il est rentré en France. Depuis, je suis sans emploi”.

Mais quelle que soit la tournure que prendront les événements, peu de personnes à Gobele envisagent de rentrer dans leur "pays d’origine".

“Moi, je suis nigérian”, indique Balgum. “Mais je n’ai jamais mis les pieds au Nigeria” !

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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