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Les Pygmées inquiets des ravages du sida dans leur communauté

[Congo] Pygmies communities in Congo. [Date picture taken: May 2006] André Itoua/IRIN
Representatives of indigenous communities, also known as Pygmies, say they continue to be marginalised despite government efforts to provide public services for all citizens
Souvent victime de discrimination dans un pays où elle est minoritaire, la communauté pygmée du Congo s’inquiète de voir ses membres de plus en plus touchés par le VIH/SIDA tandis que leur accès à l’information, à la prévention et aux soins reste très limité. «Les autorités doivent penser à nous», a plaidé Ernest Mounguengué Moundiongi, un membre de la communauté pygmée venu du département de la Lékoumou dans le sud du pays. «Nous écoutons la radio, nous savons qu’il se fait beaucoup de choses dans la lutte contre le VIH mais pas grand chose à l’endroit de nos communautés alors que les gens sont pour la plupart ignorants.» M. Moundiongi s’exprimait lors d’un séminaire organisé récemment à Brazzaville, la capitale, pour tenter d’élaborer une loi protégeant les droits de cette communauté minoritaire au Congo qui revendique de plus en plus l’appellation de «peuple autochtone». Aucun recensement officiel n’a été mené dans le pays auprès de ces hommes originaires des forêts tropicales d’Afrique centrale, que l’on retrouve aussi au Cameroun, au Gabon, en République centrafricaine et jusque dans la région des Grands Lacs. Au Congo, ils vivent dans les régions forestières du nord et du sud du pays. Longtemps restés à l’écart du reste de la population, les Pygmées, ces chasseurs et cueilleurs généralement caractérisés par leur petite taille, se sont peu à peu ouverts au monde, une ouverture accélérée par la déforestation. Mais souvent considérés comme des «sous-hommes», des être «inférieurs» ou «impurs» par leurs voisins Bantous, majoritaires au Congo, les Pygmées sont peu représentés sur la scène politique nationale et leurs droits continuent à être régulièrement bafoués en matière d’accès à la terre, à l’éducation et aux services de santé, ont dénoncé à plusieurs reprises des organisations de défense des droits de l’homme. Cette discrimination aggrave leur risque d’infection au VIH, a estimé Paul Assane, enseignant à Mbalouma, dans le département de la Sangha dans le nord du pays, qui participait également au séminaire de Brazzaville. «Le fait que la majorité de la population pygmée ait déjà des difficultés à trouver du travail, à se soigner, mais aussi à cohabiter avec les Bantous, ils auront encore plus de mal à se protéger et à apporter une réponse appropriée au VIH/SIDA», a-t-il analysé. Une vulnérabilité reconnue La vulnérabilité des Pygmées face à l’infection au VIH est reconnue par les acteurs de la lutte contre le sida au Congo. «Nous avons constaté au cours des consultations dans les communautés que les filles ont des relations sexuelles très jeunes», a affirmé Firmine Bouity, membre de l’association congolaise des femmes juristes, qui tente de défendre les droits des différentes communautés du Congo. Tout en soulignant le manque de statistiques, Mme Bouity a estimé, d’après ses études de terrain, que «la majorité des filles a son premier rapport sexuel entre neuf et 14 ans. La conséquence, c’est qu’il y a beaucoup ‘d’enfants-mères’. C’est dire que les gens ne savent pas ce qu’est le planning familial et encore moins le VIH.» Même ceux qui sont informés le sont de manière incomplète et ont des difficultés à croire en l’existence de cette maladie que leurs aînés n’ont pas connue, a regretté Richard Bokodi, un évangéliste de Dongou, dans le département de la Likouala, dans le nord du pays. «Je crois qu’il faut du temps pour faire passer le message, est-ce un sort ou est-ce une maladie comme les autres que l’on peut éviter ?», a-t-il analysé. L’ouverture vers le monde de la communauté pygmée a eu pour conséquence un plus grand brassage de leurs membres avec les populations du reste du pays, notamment les Bantous, créant des tensions et la méfiance entre ces groupes qui se rejettent la responsabilité de la propagation du virus. «Nous ne pouvons que les [les Bantous] accuser parce qu’ils sortent avec nos femmes alors qu’ils ne tolèrent pas que nous en fassions autant pour les leurs», a affirmé Fidèle Bemassa Mozocko, agent d’une compagnie forestière basée dans la Sangha, lui-même membre de la communauté pygmée. Une croyance répandue dans plusieurs régions d’Afrique centrale, selon laquelle avoir des relations sexuelles avec des Pygmées peut soigner le VIH/SIDA, a aussi contribué à propager le virus dans leurs rangs, ont noté des défenseurs des droits de l’homme. Le mépris dont sont victimes les Pygmées a aussi eu pour conséquence la multiplication des actes de violence, y compris sexuelle, à leur égard, a révélé un rapport publié en 2004 par l’Observatoire congolais des droits de l’homme, citant en particulier de nombreux cas recensés dans le département du Niari, dans le sud. «Il ne se passe pas une semaine sans qu’une fille pygmée ne soit violée», a affirmé le document. «Ces viols fréquents, se déroulent dans les champs, au village et même dans les cases.» Quelle que soit l’origine de la propagation du virus parmi les Pygmées, elle ne fait en tout cas aucun doute dans les rares centres de santé où peuvent se rendre les membres de la communauté, qui vivent pour la majorité loin des centres urbains. En dehors de Brazzaville qui dispose de trois centres de dépistage du VIH, dont un assure également le traitement des personnes vivant avec le virus, seule la grande ville portuaire de Pointe-Noire dispose d’un centre de dépistage et de traitement. C’est dans ces deux grands centres urbains que se trouve la quarantaine de médecins formée à la prescription d’antirétroviraux (ARV), les seuls médecins dans ce pays de quelque trois millions d’habitants à être en mesure de distribuer ces médicaments contre le sida. Bien que les départements de la Lékoumou et du Niari figurent parmi les plus touchés du pays par l’épidémie avec des taux de séroprévalence autour de neuf pour cent selon les statistiques officielles, aucun centre de dépistage n’y ont encore été ouverts. De timides actions En l’absence de structures capables de dépister le VIH, les suspicions de cas d’infection se fondent donc sur la recrudescence de certaines maladies. «Depuis quelques années, nous enregistrons plusieurs cas de tuberculose doublés de diarrhées chroniques dans mon centre, qui ne peuvent que me faire [suspecter] que c’est le VIH/SIDA», a dit la soeur Josefa Avendano de la Congrégation des soeurs de la charité, infirmière des services ambulatoires à Dongou, dans la Likouala. Lorsqu’elle est confrontée à ces symptômes, la soeur Josefa n’a qu’une seule option : orienter les patients vers l’hôpital d’Impfondo, le chef-lieu du département. Une solution que peu de patients Pygmées, en majorité très pauvres, peuvent se permettre. Conscients des menaces de propagation du VIH qui pèsent sur les communautés Pygmées et suite à des pressions de la communauté internationale, les autorités congolaises ont entrepris récemment de s’attaquer au problème. Le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS) a commencé, avec l’appui d’ONG locales, à organiser des campagnes d’éducation sur le VIH/SIDA auprès des communautés. «Des animateurs pygmées ont déjà été formés sur la communication sociale dans les départements, d’autres le seront bientôt sur les conversations communautaires», a affirmé Alexis Boyoko, assistant à la réponse communautaire auprès du CNLS, tout en reconnaissant que ces efforts étaient encore timides. Pour aider ces communautés à combattre les infections liées au VIH/SIDA, des activistes de la lutte contre le sida au Congo et des droits des Pygmées tentent aussi de convaincre les autorités qu’en l’absence de centres de santé et de pharmacies, une attention plus grande devrait être accordée aux compétences reconnues de ces communautés en matière de pharmacopée traditionnelle. «Les autorités peuvent aider nos guérisseurs à renforcer leurs capacités et à valoriser ce qu’ils savent, nous avons des gens dans les communautés qui ont des connaissances», a plaidé Ange François Leyeba, venu du département central des Plateaux. Selon lui, certains médicaments traditionnels «sont vendus moins chers et sont tout aussi efficaces que les traitements modernes contre la diarrhée ou la gonococcie [une infection sexuellement transmissible]. Peut-être que ces médicaments pourraient aider à combattre [les infections liées] au VIH».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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