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«Moi au moins, je sais»

[Nigeria] Located in the centre of Kaduna city, north of Nigeria, the Family ressource and councelling centre is one of the biggest HIV testing centre in the area. Anne Isabelle Leclercq/IRIN
Naomi s’estime chanceuse. Elle est séropositive, mais à la différence de ceux qui la fuient, elle connaît son statut et peut donc bénéficier d’un soutien et de soins au centre de dépistage et de conseils de Kaduna, dans le nord du Nigeria. Cela n’a pas toujours été aussi évident pour cette veuve de 53 ans, mère de quatre enfants et originaire de l’Etat de Kaduna, dont la santé a commencé à se dégrader il y a trois ans. Lorsqu’une nuit de novembre 2003, gênée par des démangeaisons au niveau du cou, Naomi (un nom d’emprunt) se réveille et découvre une forte éruption cutanée qui se révèlera être un type de zona. Elle ne sait pas qu’il s’agit là d’un signe de l’infection au VIH/SIDA. «Je croyais que je rêvais, mais quand j’ai vu ces [lésions] dans mon cou j’ai compris que c’était réel», raconte-t-elle. «Je me suis frottée tout le corps au savon puis je suis partie travailler». A l’hôpital universitaire Ahmadu Bello (ABU) de Kaduna, l’un des principaux hôpitaux publics de la ville où elle travaille comme aide-soignante depuis plus de trente ans, ses collègues remarquent ces éruptions mais ne font pas de commentaires. «Peu après, j’ai été prise d’une migraine tellement violente que je n’entendais plus rien, on m’a donné de la vitamine C et on m’a renvoyée me reposer chez moi pendant plusieurs jours», explique Naomi, dont une épaule et une partie du cou portent encore aujourd’hui les larges cicatrices des lésions générées par le zona. C’est en retournant à l’hôpital qu’elle apprend qu’elle est séropositive. Mais étant seule après la mort de son mari tué dans un accident de la circulation en 2002, elle n’a pas les moyens de payer ses soins et décide de rentrer dans son village natal près de Zaria dans le nord de l’Etat de Kaduna, à une centaine de kilomètres de la ville de Kaduna. Lorsque, faible et amaigrie, elle revient à l’hôpital de Kaduna après quatre mois passés au lit, elle est dirigée vers le Centre de conseils et de ressources familiales (FRC, en anglais), le plus gros centre de dépistage volontaire de la ville de Kaduna. «J’ai refait un test de dépistage au centre qui a confirmé ma séropositivité, et j’ai commencé à prendre des traitements», telles que des vitamines, pour se renforcer, raconte-t-elle. Dans ce centre, qui grâce à une dizaine d’annexes réparties aux alentours de Kaduna, suit quelque 4 000 patients, le dépistage du VIH, les traitements pour les maladies opportunistes liées au sida et les médicaments d’appoint sont gratuits, contrairement aux hôpitaux publics. La majorité des patients du FRC, qui fonctionne avec le soutien de l’hôpital ABU, du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et de l’organisation nigériane Mother’s Welfare Group, est référée par les hôpitaux de la région qui, n’ayant pas de conseillers, les envoient se faire dépister. Près de 70 pour cent de ces candidats au dépistage du VIH sont des femmes, selon les statistiques du centre, et comme Naomi, ils arrivent souvent tard. «La stigmatisation est tellement forte dans la région que beaucoup de gens ne viennent que quand ils sont vraiment très malades», a expliqué Silas Idevan, comptable du FRC et coordinateur du programme de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant. Pour confirmer ses dires, ce jour-là, dans l’une des salles d’attente du centre, surnommée la «salle des perfusions», une femme d’âge moyen aux joues creusées est allongée sur un canapé les yeux mi-clos, sa perfusion accrochée aux barreaux de la fenêtre au-dessus d’elle et sa fille adolescente à ses côtés. «Comme cette femme, les malades sont parfois tellement faibles qu’ils n’ont même pas la force d’aller à l’hôpital», a expliqué M. Idevan. De toute façon, ont souligné plusieurs conseillers de ce centre, de nombreux malades refusent de se rendre dans les hôpitaux, accusant certains personnels soignants de négliger voire d’ignorer les personnes séropositives ou de ne pas respecter les règles de confidentialité. «Un patient est venu nous raconter qu’un médecin de l’hôpital où il s’était rendu avait révélé à sa famille qu’il était séropositif, alors que lui-même ne le savait pas encore», a dit Joyce Shehu, notamment chargée des groupes de soutien du FRC. Naomi, qui fait aujourd’hui partie de l’un de ces groupes de soutien, confirme que la stigmatisation reste de mise. «Mes collègues à l’hôpital savent que je suis séropositive, parfois certains d’entre eux me rendent service en allant acheter à manger pour moi, mais ils ne prennent jamais ce que je prépare ou ce que j’achète pour eux», dit elle avec un sourire résigné. Naomi est philophose et s’accomode de cette stigmatisation qu’elle ne subit pas seulement sur son lieu de travail mais aussi dans sa vie quotidienne. «Parmi les gens qui me rejettent, certains sont séropositifs mais ils ne le savent pas», dit elle. «Moi au moins, je sais mon statut, donc je suis soignée et soutenue». Depuis mars 2005, grâce à l’intervention du FRC qui a réussit à la faire inscrire sur les listes des bénéficiaires du programme de distribution de médicaments antirétroviraux (ARV) subventionnés par le gouvernement, Naomi reçoit un traitement ARV qui lui coûte 1 000 Nairas par mois (près de huit dollars). Moins de sept pour cent des 4 000 personnes éligibles aux ARV subventionnés en reçoivent, selon les autorités locales. Au FRC, une centaine de patients reçoit des ARV à prix coûtant, ce qui leur coûte près de 6 000 Nairas (environ 45 dollars) par mois. Depuis qu’elle a commencé à prendre ses ARV, Naomi dit avoir retrouvé l’appétit et supporter très bien son traitement. Ses enfants, dont aucun ne s’est fait dépister au VIH, la soutiennent, notamment son fils aîné de 28 ans. «Il prend soin de moi, à chaque fois qu’il a un peu d’argent, il me le donne», dit-elle avec un large sourire. Grâce au loyer versé par le locataire qu’elle a pris dans sa maison, elle peut aussi payer les frais de scolarité de son benjamin, âgé de 18 ans. Mais malgré elle, son visage s’assombrit lorsqu’elle évoque certains de ses proches, en particulier ses soeurs, qui l’ont laissée tomber lorsqu’elle a annoncé sa séropositivité. «Je n’ai pas le pouvoir de contrôler les esprits», dit-elle simplement. «Alors quand c’est trop difficile, je vais prier».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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