Jan Egeland, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les conflits, se déplace dans le Sahel cette semaine pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la région du monde qui, selon les Nations Unies, subit les conséquences les plus lourdes du changement climatique. Chaque jour, M. Egeland livre à IRIN ses pensées et ses expériences dans un journal dont voici le troisième volet, rédigé cette fois depuis Tombouctou dans le nord du Mali.
« Il y a tellement de sceptiques du climat dans le monde, et moi-même j’en faisais plus ou moins partie, dans le sens où je n’en voyais pas déjà la preuve lorsque j’ai commencé ce voyage. Mais je pense qu’après ce que j’ai vu aujourd’hui, je suis sans aucun doute en train de changer d’avis ».
« La journée a été longue : elle a commencé avec la sonnerie du téléphone, à 5 h 15 du matin dans mon hôtel, à Tombouctou, dans le nord du Mali, et déjà, il faisait bien plus de 30 degrés dehors ».
« Une fois de plus, nous avons grimpé dans un convoi bien trop long, mais cette fois, pour la bonne cause : tous les parlementaires locaux, les autorités locales et les représentants des communautés nomades ont voulu se joindre à nous sur notre route vers les communautés qui vivent au cœur de la région du lac Faguibine, un des principaux symboles du changement climatique au Sahel ».
Le lac Faguibine
« On a dû s’arrêter peut-être 10 fois en chemin vers le lac. Le fleuve Niger lui-même est moins profond [qu’il ne l’était auparavant] et n’alimente donc plus les anciens cours d’eau navigables ; c’est pourquoi une bonne partie de la région antique de Tombouctou est aujourd’hui complètement asséchée, jusqu’à l’immense lac Faguibine compris ».
« Nous avons vu des travailleurs qui s’efforçaient de creuser un nouveau canal, là où passaient auparavant les eaux du fleuve Niger, aujourd’hui évaporées en raison d’un ensemble de facteurs : changement climatique, détérioration de l’environnement et désertification ».
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« Lorsque nous sommes arrivés au lac Faguibine, il y avait une grande réunion, qui rassemblait tous les chefs communautaires. L’un d’entre eux m’a lancé un vibrant appel, dont je me souviendrai toujours. Il m’a dit : “Je suis orphelin de ce lac mort parce que j’ai vécu et me suis épanoui sur ses rives lorsque c’était encore un endroit merveilleux pour les pêcheurs, les agriculteurs et les éleveurs”. Il s’est avéré que cette personne était l’un des premiers Touaregs de la région ».
« Ce qui s’est passé ici revient en fait, en termes d’échelle, à voir le Lake District, en Angleterre, s’assécher au bout de quelques siècles ; à ceci près qu’au Mali, des centaines de milliers de personnes dépendent des lacs pour vivre ».
Retourner la situation
« Mais que faudrait-il pour retourner la situation ? Pas grand-chose ! Avec juste quelques machines, ils creusent déjà chaque année des kilomètres de nouveau canal, et plusieurs villages ont de nouveau de l’eau, au moins deux ou trois mois par an. Le Programme alimentaire mondial a contribué au prolongement du canal, grâce à ses programmes travail contre nourriture, par le biais desquels des hommes, qui seraient autrement au chômage, peuvent travailler à la construction du canal et planter des arbres en échange de rations alimentaires ».
« Le gouvernement allemand soutient ce projet, mais peu d’autres bailleurs de fonds internationaux le font. Or, sans nouvelles ressources, le projet de restauration du lac Faguibine ne pourra se poursuivre au-delà de quelques mois. Aujourd’hui, le message s’adresse en fait [aux leaders du] sommet de Copenhague, qui se tiendra à la fin de l’année ».
« Lorsque tous les leaders du monde seront là, nous devrons [leur] demander s’il convient réellement de laisser des projets vitaux comme celui-ci, qui sont directement liés au changement climatique, manquer de financement. Ce serait vraiment un échec moral si les projets qui existent déjà dans le domaine de l’aide aux populations touchées par le changement climatique n’étaient pas financés par les pays industrialisés qui sont responsables de ce phénomène ! ».
« En tout, nous avons roulé de six heures du matin à six heures du soir, avec plus d’une dizaine de réunions et d’arrêts. Ce soir, nous reprenons l’avion pour retourner à Bamako, avant de nous rendre au Niger, demain matin, où nous rencontrerons le Président. Enfin, nous irons voir un autre lac desséché : le lac Tchad ».
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