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MSF constate une explosion des cas d’IST et VIH dans l’ouest

La détresse économique, la séparation des familles et l’afflux de soldats dans l’ouest ivoirien se sont accompagnés d’une flambée des infections sexuellement transmissibles (IST) et de l’épidémie de VIH/SIDA, selon une étude réalisée par la branche néerlandaise de Médecins sans frontières (MSF-H) en avril. L’étude que PlusNews a pu se procurer mardi insiste sur le manque d’informations des populations vulnérables et l’absence de services de santé, notamment pour le dépistage et le traitement des IST et du VIH/SIDA dans une région particulièrement meurtrie par la guerre civile déclenchée en septembre 2002 par une rébellion armée. “Les équipes de MSF de l’ouest du pays sont confrontées à un nombre alarmant d’IST qui touchent des segments de plus en plus jeunes de la population”, affirme l’étude. “Ce taux élevé d’IST, déjà dramatique en soi, indique clairement que le sida se propage.” Une contamination par IST augmente la vulnérabilité au VIH. Or le taux de prévalence du VIH/SIDA en Côte d’Ivoire est un des plus élevés d’Afrique de l’Ouest. Les autorités l’estiment officiellement à sept pour cent, mais une nouvelle étude actuellement en cours dans le nord devrait révéler des chiffres plus alarmants. “Au cours des sept heures de route qui séparent Abidjan (la capitale économique) de Danané, on ne voit aucune affiche mettant la population en garde contre les dangers du VIH/SIDA”, dit l’étude. “Pourtant, aux points de contrôle, les soldats réclament souvent des préservatifs et beaucoup admettent qu’ils manquent d’informations sur la prévention ou la transmission des IST.” A l’image du pays, l’ouest de la Côte d’Ivoire est coupé en deux et les activités de MSF se partagent entre Danané, tenu par les rebelles des Forces nouvelles (FN), et Bin Houyé, contrôlé par les forces gouvernementales. Au milieu, écartelant le pays d’ouest en est, une bande de plusieurs dizaines de kilomètres de large, dite ‘zone de confiance’, est surveillée par les 10 000 casques bleus de l’Onuci et de la force française Licorne. “Depuis la division du pays et le cessez-le-feu de 2003 (qui a institué la ‘zone de confiance’), on assiste à un déploiement accru des forces armées à travers la Côte d’Ivoire. Ces soldats sont clairement préoccupés par la situation sanitaire en général et les IST en particulier”, dit MSF. Dans cette région explosive, située à la frontière du Liberia et de la Guinée, seule une poignée d’organisations non-gouvernementales est présente mais, contrairement à MSF, elles ne sont pas installées dans la région. Il en va de même pour le Programme alimentaire mondial, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR). “C’est la situation que vit toute la Côte d’Ivoire aujourd’hui”, a dit le docteur Ambroise Ekissi Able, du ministère de la lutte contre le Sida. “C’est notamment le cas dans les zones tampons ou près des anciennes zones assiégées.” Mis à part les deux dispensaires permanents soutenus par le ministère de la Santé et les cabinets de médecins traditionnels, il n’existe pas de services sanitaires pour les 350 000 habitants de Danané autres que ceux offerts par les équipes de MSF à l’hôpital de référence ou dans les cliniques mobiles hebdomadaires qui se déplacent dans la région.
[Cote d'Ivoire] Many public buildings have been abandoned in the north since war broke out in 2002.
La quasi-totalité des établissements publics ont été abandonné ou détruit au cours de la guerre civile
Une femme de 18 ans ayant parcouru 11 kilomètres à pied pour atteindre une clinique mobile de MSF a été ainsi transférée d’urgence à l’hôpital de Danané, à plus d’une heure de voiture de là, qui l’a de justesse sauvée d’une grossesse aggravée par une IST. “En raison de l’instabilité, il est difficile de faire venir du personnel et du matériel dans tout le district de Danané”, signale MSF. “Le mauvais fonctionnement des structures sanitaires associé à la pauvreté et à l’insécurité en général ne fait qu’alimenter la progression des IST.” Après septembre 2002, la quasi-totalité du personnel gouvernemental a fui les zones nord aux mains des FN pour s’installer dans le sud. Les hôpitaux et les dispensaires ont été abandonnés, pillés ou détruits et l’approvisionnement en matériel médical et en médicaments a cessé. Combien de patients, d’enfants échappent aux structures de santé ? Compte tenu du manque d’infrastructures disponibles pour les patients, MSF considère “qu’une part considérable de la communauté touchée par les IST n’est pas examinée, dépistée ou traitée” – et ce bien que les cliniques mobiles de MSF qui se déplacent dans les villages soignent chaque mois 1 600 personnes souffrant d’IST. L’organisation médicale d’urgence souligne que 32 pour cent des femmes enceintes qui se présentent aux consultations prénatales de l’hôpital de Danané souffrent d’IST, en général de syphilis, de gonorrhée ou d’herpès. En 2004, 179 enfants de moins de 14 ans ont été traités pour des IST par les équipes de MSF dans l’ouest ivoirien. Parmi eux, une fillette se plaignant de douleurs à la tête et au ventre a raconté au personnel soignant qu’elle avait régulièrement des rapports sexuels avec un soldat. En échange, le militaire lui donne de l’argent, des vêtements et une protection pour elle-même et ses trois frères et soeur. La jeune fille était enceinte et atteinte d’IST. Les IST et les grossesses précoces inquiètent particulièrement MSF qui signale que 13 pour cent des femmes qui ont accouché en juillet 2004 avaient moins de 16 ans. Ces jeunes filles représentent 14 pour cent des cas de chirurgie obstréticale d’urgence. “Vu l’effondrement des services sanitaires et le niveau démesuré des besoins, ces jeunes femmes ont peu d’endroits où aller pour obtenir un traitement contre les IST et encore moins pour bénéficier d’informations ou de prévention”, explique MSF. “Cela entraîne inévitablement une augmentation des cas de VIH/SIDA parmi les jeunes.”
[Cote d'Ivoire] Anti AIDS campaign in Bouake, the rebel-held main city in the centre of Cote d'Ivoire, 2004.
Nombreuses sont les jeunes filles à se prostituer pour obtenir des militaires argent et protection
En l’absence de structures capables de dépister et de prendre en charge les personnes infectées par le VIH, il est impossible de connaître la proportion de séropositifs parmi les habitants de l’ouest ivoirien. Mais le personnel de MSF craint une prévalence élevée au VIH “étant donné que les consultations d’IST représentent plus de 20 pour cent des consultations pour adultes et que la totalité des cas d’IST est loin d’être soignée”. Seul le sang utilisé dans les transfusions est dépisté au VIH par le laboratoire de l’hôpital de Danané, qui utilise des tests de dépistage rapide appelés TDR. Ces TDR sont extrêmement sensibles et donc considérés comme peu fiables pour un diagnostic concluant. Ils révèlent néanmoins que 17 pour cent du sang utilisé pour les transfusions est positif au VIH. Selon l’étude, la plupart des cas de VIH rencontrés par MSF reposent sur des présomptions cliniques : infections résistantes aux traitements, complications liées à la tuberculose, pneumonies ou dénutrition chronique. Empêcher des morts inutiles Outre le manque d’accès au dépistage pour ces populations vulnérables, MSF fustige l’absence de services de soutien pour préparer les patients à d’éventuels mauvais résultats. “Il est clair que davantage d’acteurs sont nécessaires pour renforcer la prise de conscience et encourager des mesures préventives”, dit l’étude. “A côté des besoins d’information, de prévention et de traitement des IST, il existe un besoin croissant de prévention en ce qui concerne la contamination du VIH de la mère à l’enfant, le traitement des maladies opportunistes et l’utilisation de médicaments efficaces pour le traitement du sida”, explique MSF. Pour l’organisation humanitaire, le manque de services maternels prive les femmes de l’accès à l’information et aux soins prénataux. En raison de l’insécurité, beaucoup de sages-femmes ont peur d’exercer dans les régions ouest et nord de la Côte d’Ivoire et les rares qui acceptent peuvent traiter jusqu’à 200 femmes par semaine, ce qui ne suffit pas à assurer la base minimum de trois visites par grossesse, destinée à éviter les complications plus graves. “Il y a un manque inquiétant de services maternels dans l’ouest ivoirien”, commente MSF. Selon les sages-femmes de l’hôpital de Danané, certaines jeunes femmes contaminées ignorent qu’elles sont malades ou que leurs douleurs persistantes proviennent d’une infection qui peut causer des avortements spontanés, la stérilité ou des risques accrus de transmission du sida. Cela explique pourquoi les IST ne sont soignées seulement qu’à un stade avancé de l’infection. MSF affirme que le peu de structures sanitaires, la violence domestique ou la responsabilité de soldats dans les violences sexuelles qu’elles subissent tiennent les femmes éloignées des équipes médicales. “La honte de la victime ou la stigmatisation au sein de la famille ou de la communauté peuvent constituer un obstacle”, dit l’organisation humanitaire. “La Côte d’Ivoire peut encore agir pour endiguer l’épidémie et assister les personnes contaminées”, a-t-elle poursuivi. “Cet engagement nécessite la visite des villages de façon à atteindre les personnes les plus exposées aux risques.” Le personnel de MSF, conclue l’étude, “sait que la prévention et le traitement précoce des IST et du VIH/SIDA sont indispensables si on veut empêcher une hausse du nombre de morts inutiles”.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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