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Assurer un divorce paisible au Soudan

[Chad] A maze of pipes moves crude oil around at Kome oilfield, southern Chad. The project is being touted as a test case to prove that petro-dollars can benefit the poor. Esso Photo
Un labyrinthe de tuyaux sert à acheminer le pétrole depuis le sud du Tchad vers le site d'exportation au Cameroun
Le référendum organisé en janvier par le Sud-Soudan devrait probablement entraîner la naissance d’un nouveau pays – une première en Afrique depuis que l’Érythrée a obtenu son indépendance de l’Ethiopie en 1993 – mais beaucoup reste encore à faire pour assurer que le Soudan connaisse une séparation plus paisible que celle qu’ont connue ses voisins de la Corne de l’Afrique.

« C’est comme un divorce », a dit à IRIN l’aumônier Kara Yokoju, professeur à l’université de Juba et spécialiste en relations internationales, dans la capitale du Sud-Soudan.

« Une fois le divorce prononcé, il faudra peut-être vendre la maison pour que chaque partie ait quelque chose. On ne peut pas partager la maison et les briques en deux et donner à chaque partie quelque chose à emporter », a-t-il ajouté.

« Les fondements d’une relation constructive dans un environnement post-référendaire sont encore à jeter », a mis en garde un nouveau rapport de l’International Crisis Group (ICG) ajoutant que, jusqu’ici, le rythme des négociations était « la cause d’inquiétudes ».

Ces derniers mois, de hauts responsables du Parti national du Congrès (PNC) au pouvoir à Khartoum, et le Mouvement de libération du peuple soudanais (MLPS), qui est à la tête du gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan, se sont rencontrés pour aborder des questions cruciales telles que la citoyenneté et la nationalité ; la gestion des ressources naturelles ; la monnaie ; les actifs et les passifs ; la sécurité ; et les traités internationaux.

Une autre série de rencontres, dont l’objectif sera de trouver un accord sur un plan de négociations de base portant sur ces questions, doit débuter cette semaine à Khartoum ou à Addis Abeba.

« Négliger les fondements de relations post-référendaires positives ne serait pas raisonnable et pourrait raviver les conflits », indique l’ICG.

Selon un rapport commandé par Aegis Trust, une organisation caritative londonienne, une nouvelle guerre au Soudan pourrait causer des pertes économiques de 100 milliards de dollars au pays et à ses voisins, mais aussi entraîner un besoin d’aide humanitaire et de maintien de la paix.

Une guerre a opposé l’Éthiopie à l’Érythrée de 1998 à 2000. Si le conflit a été déclenché par un différend frontalier, il est intervenu après plusieurs années de tensions liées à des problèmes économiques et politiques irrésolus ainsi qu’à une détérioration des relations entre les dirigeants des deux pays, qui étaient d’anciens frères d’armes. On ne décèle pour l’instant aucun signe de détente.

Au Soudan, la crainte de voir un nouveau conflit éclater n’est pas sans fondements. Le 25 novembre, l’armée du Sud-Soudan (Armée de libération du peuple soudanais, SPLA) a accusé les Forces armées du Soudan d’avoir orchestré une attaque armée de deux positions de la SPLA dans l’État de Bahr El-Ghazal, dans le nord du pays.

Un porte-parole de la SPLA a dit que l’incident présumé, démenti par Khartoum, ne constituait qu’une des nombreuses « provocations ouvertes…. Destinées à ramener la guerre au Soudan pour justifier l’impossibilité d’organiser le référendum ».

Accord négocié

M. Yokoju, professeur à Juba, donne un exemple des questions qui doivent être abordées : « Le Sud-Soudan a du pétrole, mais le Nord-Soudan dispose des pipelines pour le vendre. Le Sud et le Nord doivent donc engager des négociations. Le Sud pourrait peut-être louer les pipelines et donner au Nord quelque chose en retour ».

Outre ses relations avec Khartoum, le Sud-Soudan doit également mettre de l’ordre dans ses affaires de politique intérieure.

« Si le Sud-Soudan vote en faveur de la sécession, nous devrons apprendre à être une nation… Mais le premier défi à relever sera celui du leadership. Un nouveau système démocratique, dans lequel chacun aura un rôle à jouer, doit être mis en place », a dit M. Yokoju, en faisant allusion aux personnes qui se plaignent que le MLPS a la mainmise sur le pouvoir.

Jok Madut Jok, sous-secrétaire au ministère sud-soudanais de la Culture et de l’Héritage, a indiqué que son gouvernement devrait travailler dur pour répondre aux attentes de ses citoyens.

« Les attentes de notre peuple, et notamment celles des personnes rapatriées, sont immenses, et le gouvernement est en mesure de répondre à certaines de ces attentes. Les personnes rapatriées sont tout particulièrement confrontées au défi de trouver un logement, des services sociaux et de la nourriture », a-t-il dit à IRIN.

« Si la population vote en faveur de la sécession, nous prévoyons de donner la priorité à la sécurité et à l’autorité de la loi. Nous nous occuperons également du développement économique, et notamment des infrastructures, du développement social et humain comme la santé, l’éducation et le développement du capital, et nous travaillerons à encourager les investissements étrangers », a-t-il dit.

Southern Sudanese demonstrate in the southern capital Juba in support of full independence for the south in the upcoming referendum slated for 9 January 2011
Photo: Peter Martell/IRIN
La majorité des Sud-Soudanais sont favorables à l’indépendance (photo d’archives)
« Certains projets tangibles nécessitent des investissements financiers importants. Malheureusement, la capacité du gouvernement à les réaliser est limitée. Il nous faudra donc gérer les attentes », a-t-il ajouté.

Responsabilité

Préférant garder l’anonymat, un observateur présent à Juba a dit qu’en cas de sécession, un gouvernement d’union devrait être formé afin de préparer des élections au Sud-Soudan.

« Le CPA [Accord de paix global de 2005 qui a mis fin à la guerre civile au Soudan] expirera le 9 juillet 2011 », a-t-il dit.

« C’est la date à laquelle le résultat du référendum sera mis en application. Après le 9 janvier [la date du référendum], des formalités constitutives seront entreprises et une motion sera proposée au parlement de Khartoum pour la dissolution du gouvernement d’unité nationale ».

« Ensuite, les structures du CPA devront être dissolues avant juillet, notamment le Conseil de défense conjoint, le Conseil des hydrocarbures et le gouvernement de Salva Kiir [président du Sud-Soudan]. Récemment, plus de 20 partis politiques du Sud-Soudan se sont rencontrés pour évoquer différentes possibilités », a-t-il indiqué.

Un diplomate occidental présent à Juba a dit que le gouvernement du Sud-Soudan devra, en cas de sécession, améliorer sa capacité à gouverner et à gérer les conflits localisés entre les communautés. Il devra également renforcer ses mécanismes de responsabilité, faire appel à des personnes de la diaspora sud-soudanaise plus qualifiées pour participer à la direction du pays et encourager les investissements privés.

« Le gouvernement devra tout d’abord établir des institutions de base dans le Sud », a-t-il dit à IRIN. « De nombreuses personnes rapatriées, par exemple, ont vu leurs enfants profiter d’une éducation et de soins de santé gratuits dans le Nord-Soudan. Maintenant qu’ils sont revenus, ils trouvent un système scolaire en ruines. Qu’est-ce qui empêcherait ces personnes de repartir vers le Nord » ?

Risque de violence

Selon le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), les violences intercommunautaires se sont atténuées cette année. Les razzias de bétail et les conflits liés aux pâturages et à l’eau ont diminué à l’occasion des récentes pluies. Mais les tensions politiques et ethniques restent élevées dans certaines régions.

Entre juillet et septembre, plus de 150 personnes ont trouvé la mort au cours de divers incidents et plus de 25 000 personnes ont été déplacées dans l’ensemble du Sud-Soudan. Ces incidents ont élevé le nombre total de nouveaux Sud-Soudanais déplacés en 2010 à plus de 212 000.

« En dépit de ces résultats, l’inquiétude est grande concernant les conséquences humanitaires du référendum. Le risque de voir des conflits éclater dans des régions contestées, et plus particulièrement le long de la frontière Nord-Sud, reste très élevé », a noté la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR).

Un autre observateur, qui a demandé à garder l’anonymat, a dit que le Nord ressentirait les conséquences de la sécession si celle-ci était votée. « Le parti au pouvoir devra trouver une solution pour gouverner aux côtés d’un nouveau pays créé sur son propre territoire. Et le Nord-Soudan sait que les Sud-Soudanais désapprouvent fortement la manière dont ils ont été traités ces 40 dernières années. Le président Omar el-Béchir devra gérer la situation avec intelligence ».

« Khartoum aime jeter de l’huile sur le feu, mais elle ne partira pas en guerre contre le Sud cette fois-ci. Les deux camps connaissent le prix de la guerre. Le Nord peut en revanche essayer de déstabiliser le Sud par le biais de personnes présentes sur place afin de donner l’impression que le Sud ne peut pas se gouverner », a-t-il ajouté.

Le résultat du référendum, a ajouté l’observateur, pèserait également sur la situation au Darfour et dans l’est du Soudan. « Au Darfour, cela pourrait encourager des velléités sécessionnistes ou permettre de libérer des ressources que Khartoum pourrait employer pour résoudre ce problème », a-t-il dit.

Un analyste de l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud suggère que les difficultés que connaît le Soudan témoignent d’un problème plus vaste relevant de la gouvernance.

D’après Nompumelelo Sibalukhulu : « La tâche fondamentale du Soudan est de surmonter les échecs du gouvernement depuis l’indépendance et de faire du Soudan un pays égalitaire et pluraliste en répartissant les richesses et en partageant les bénéfices du pouvoir politique ».

eo/am/mw/gd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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