On n’en sait pas beaucoup sur les travailleurs du sexe au Swaziland, mais un rapport, publié dernièrement, vient apporter les premiers éclaircissements sur l’industrie du sexe dans ce pays, qui affiche le taux d’infection au VIH le plus élevé du monde.
Cette étude, menée par le Conseil national d’intervention d’urgence pour la lutte contre le VIH et le sida (NERCHA) pour le compte du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), a été motivée par la découverte sinistre, fin septembre, d’une centaine de fœtus, dans un ruisseau utilisé par une communauté périurbaine, au domaine industriel de Matsapha, près de la ville commerciale centrale de Manzini.
L’incident a d’abord été imputé aux travailleuses du sexe, mais plusieurs sources au sein de la police soupçonnaient également les ouvrières des usines de Matsapha qui, sous-payées, offrent leur corps à la demande après le travail, et auraient été susceptibles de faire appel à un faiseur d’anges local, qui se serait ensuite débarrassé des fœtus.
Lorsque la controverse s’est apaisée, les travailleurs de la santé ont voulu évaluer la nature du commerce du sexe, pour concevoir une stratégie visant à aider ce groupe de population extrêmement exposé ; toutefois, il leur a été difficile de trouver des travailleurs du sexe à qui s’adresser, cette pratique étant illégale et passible de peines de prison.
La première phase de recherche consistait en un « sondage snap », dans le cadre duquel 53 femmes âgées de 15 à 39 ans et huit hommes ont été interrogés. Un rapport de suivi est attendu pour le début de l’année 2008, qui couvrira d’autres régions où le commerce du sexe est pratiqué, telles qu’Ezulwini, banlieue de Mbabane, la capitale, où se situent les principaux hôtels touristiques.
Si l’étude montre que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la profession, « il importe de noter que de plus en plus d’hommes rejoignent la tendance », a indiqué Margaret Thwala-Tembe, responsable nationale des programmes de l’UNFPA au Swaziland. Les hommes ont des rapports sexuels avec des femmes riches, propriétaires de petites entreprises ou cadres. « Ce rapport n’est que le début d’un long processus à suivre au cours de la phase deux de l’étude ».
Vendre son corps pour gagner un peu plus
De plus en plus d’ouvrières, sous-payées, ont recours au commerce du sexe, le « service de nuit », pour pouvoir joindre les deux bouts, a expliqué Alfred Mndzebele, chercheur. Pourtant, les délégués qui assistaient à la conférence du Swaziland Partnership Forum on HIV and AIDS [Forum du Swaziland pour le partenariat dans la lutte contre le VIH et le sida], tenue cette semaine, ont souligné que ces femmes ne devraient pas être qualifiées de travailleuses du sexe.
« Ce sont des travailleuses de l’industrie ; ce sont des travailleuses, pas des prostituées. Si elles sont contraintes de se livrer à la prostitution, c’est parce qu’elles ne sont pas assez rémunérées pour subvenir aux besoins de leurs familles. Le prix qu’elles paient, c’est d’être infectées par le VIH, et le prix que le pays dans son ensemble paie, c’est de voir se propager l’épidémie du sida », a prévenu Mathew Myeni, conseiller en VIH à Manzini.
La hausse du nombre de femmes qui se livrent au commerce du sexe a été attribuée à la dégradation des conditions économiques et humanitaires dans le pays.
Plusieurs cas de violence contre les femmes qui se livrent au commerce du sexe ont également été rapportés. « Certaines ont été emmenées dans des buissons et menacées de mort par des clients qui refusaient de payer ; d’autres ont été blessées dans le cadre de leur travail », a expliqué Mme Thwala-Tembe.
Photo: Manoocher Deghati/IRIN |
La hausse du nombre de femmes qui se livrent au commerce du sexe est devenue inquiétante |
Ces deux groupes de femmes n’utilisent pas de préservatifs, devant l’insistance de leurs clients ; les hommes non plus. L’enquête rapporte le cas d’une femme, qui avait directement informé un partenaire potentiel de sa séropositivité ; l’homme, imperturbable, avait malgré tout retenu ses services, déclarant qu’il était lui-même séropositif. Selon les conclusions de la première enquête sur la santé des ménages swazis, menée cette année, un adulte sexuellement actif sur quatre est séropositif.
L’enquête sur le sexe a confirmé que les travailleuses, tombées enceintes à la suite de rapports sexuels rémunérés, s’étaient fait avorter, bien que cette pratique soit illégale.
Depuis la fin des années 1990, le Swaziland attire les fabricants de vêtements asiatiques, qui s’y installent pour tirer profit des accords commerciaux avantageux signés avec l’occident, et notamment de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) conclu avec les Etats-Unis. Néanmoins, les salaires modiques et les plaintes concernant les conditions de travail ont abouti à des tensions chez les travailleurs.
Les usines de vêtements sont opposées à l’adoption d’une nouvelle loi du travail qui prolongerait le congé maternité des femmes et le congé maladie des personnes vivant avec le VIH ou le sida. L’industrie du textile emploie majoritairement des femmes, comme couturières ou ouvrières spécialisées. Ce sont ces travailleuses qui, à Matsapha, se livraient au commerce du sexe et sont vulnérables à l’infection par le VIH.
Leurs clients les plus rémunérateurs étaient des membres du Parlement, des dignitaires religieux, des conférenciers sur le campus de l’université du Swaziland, qui jouxte le domaine industriel de Matsapha, des officiers de police, des hommes d’affaires ou des touristes aisés.
La passe coûte 50 rands (sept dollars) au client moyen, mais peut grimper à 1 000 rands (146 dollars) pour certains pasteurs. Les députés et autres clients riches paieraient près de 3 000 rands (439 dollars) la passe.
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