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Les faux ARV, une menace pour la vie des patients séropositifs

Au Zimbabwe, le coût élevé des médicaments antirétroviraux (ARV) et l’inefficacité des services de contrôle sont à l’origine d’un commerce prospère de faux ARV qui enrichit des vendeurs illégaux, ont signalé des activistes de la lutte contre le sida.

L’Agence de contrôle des médicaments du Zimbabwe (MCAZ) a récemment publié un communiqué pour prévenir le public que des trafiquants importaient et vendaient des ARV contrefaits à des personnes séropositives ayant besoin de ces médicaments qui prolongent l’espérance de vie.

Les faux médicaments étaient vendus dans des points de vente non autorisés et insalubres, tels que des marchés ou des salons de coiffure. Cela soulève des inquiétudes sur la santé des patients, qui risquent en plus de développer des résistances aux vrais traitements.

« C’est une pratique dangereuse parce que les médicaments ont peut-être été stockés dans de mauvaises conditions, altérant ainsi la qualité et l’efficacité du médicament. Ces médicaments pourraient être des produits contrefaits, adultérés et contaminés, ce qui les rendrait inefficaces et parfois dangereux » a prévenu le MCAZ.

Boom du marché des faux ARV

Le marché des faux médicaments serait extrêmement rentable. Selon The Financial Gazette, un hebdomadaire indépendant local qui cite les propos de David Parirenyatwa, le gouvernement aurait fait procéder à une évaluation de l’étendue des ventes des médicaments de contrefaçon.

Chitiga Mbanje, coordinateur et formateur à The Centre, une organisation non -gouvernementale (ONG) qui vient en aide aux personnes vivant avec le VIH/SIDA, a affirmé que son organisation réunissait également des preuves attestant de la vente d’ARV contrefaits.

« De nombreux rapports font état de la vente de faux ARV, mais le plus important pour les parties concernées est de réunir suffisamment de preuves matérielles pour déterminer la provenance de ces médicaments, les lieux de vente, les quantités et les personnes impliquées dans ce commerce, afin d’élaborer et d’adopter toute une série de mesures » a dit M. Mbanje à IRIN/PlusNews.

« Nous sommes, bien entendu, préoccupés par les témoignages de personnes qui ont acheté des faux ARV, mais nous avons besoin d’un nombre important de rapports anecdotiques pour pouvoir agir de manière conséquente », a affirmé Tapiwa Bwakura, secrétaire général de l’Association médicale du Zimbabwe (ZIMA).

« Dans cette affaire, le risque de verser dans le sensationnalisme est réel. Si nous nous contentons de crier sur les toits qu’il existe de faux ARV, sans pouvoir apporter les preuves de nos affirmations, nous n’aurons pas réussi à rassurer les patients », a-t-il ajouté.

John Madzima a 32 ans et vit à Harare, la capitale ; pour lui, ce sont les nombreux cabinets médicaux clandestins qui sont responsables du commerce des médicaments de contrefaçon. Il y a cinq ans, John a été diagnostiqué séropositif et a commencé un traitement ARV deux années plus tard.

« Les ARV sont de plus en plus difficiles à trouver, alors j’ai été, moi aussi, victime de ces personnes malhonnêtes qui vendent des médicaments dans des cabinets médicaux clandestins », a dit M. Madzima, un ancien militaire mis à la retraite pour raisons médicales.

Il s’était procuré des médicaments dans un cabinet médical tenu par un jeune médecin qui avait été radié pour avoir volé des médicaments à un dispensaire public.
« Je n’avais aucune raison de soupçonner que les ARV en vente pouvaient être des faux parce que tout me paraissait normal dans le cabinet médical et le docteur semblait savoir ce qu’il faisait ; j’ai sauté sur l’occasion quand j’ai su qu’il avait des médicaments en stock », a dit M. Madzima, qui se fournissait auparavant en ARV auprès du dispensaire de l’armée.

Lorsqu’il s’est rendu au cabinet médical, le « médecin » lui a fait comprendre qu’il ne disposait pas de l’ARV qui lui avait été prescrit et il avait persuadé M. Madzima d’acheter un autre type ARV, qui s’était révélé être une contrefaçon.

Peu après, son état de santé a commencé à se détériorer ; M. Madzima a consulté un conseiller sida de l’armée, à Harare, qui lui a alors recommandé de déposer une plainte auprès de la police. Ayant eu vent de son arrestation imminente, l’escroc s’est empressé de fermer le cabinet médical qu’il louait à un médecin installé en Afrique du Sud, et s’est enfui.

Selon certaines estimations, plus de 300 000 Zimbabwéens ont besoin d’ARV, mais très peu de patients parviennent à s’en procurer. En 2006, le gouvernement avait annoncé que son objectif était de mettre 300 000 personnes sous traitement ARV avant la fin 2010, mais selon les chiffres du ministère de la Santé environ 40 000 patients bénéficiaient de ce traitement à la fin de l’année 2006.

D’après Human Rights Watch (HRW), une ONG internationale de défense des droits humains, au deuxième semestre de l’année 2006, « seuls quelque 23 000 personnes séropositives, sur les 350 000 Zimbabwéens qui ont besoin d’un traitement antirétroviral, recevaient des ARV ».

Au cours de l’ouverture de la récente session parlementaire, le président Robert Mugabe avait affirmé que le nombre de bénéficiaires du programme de distribution d’ARV était passé à 62 000, et que le gouvernement envisageait de doubler ce nombre d’ici la fin de l’année.

Un secteur médical en déliquescence

Le congrès des syndicats zimbabwéens (ZCTU), la centrale syndicale représentant des milliers de travailleurs et qui fait pression pour qu’un nombre plus important de ses membres puissent accéder aux ARV, a qualifié la vente de faux de « grave problème contre lequel est urgent d’agir ».

« Selon nos évaluations la vente de faux ARV est très répandue, et nous sommes préoccupés par le fait que des milliers de personnes infectées ont pu mourir ou mourront à cause des conséquences mortelles de la prise de médicaments contrefaits », a dit Lovemore Matombo le président de la ZCTU.

Il a accusé les services de l’immigration, le système de sécurité du pays et les autorités sanitaires de n’avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour arrêter l’importation de faux médicaments. « Il est clair que les services de contrôle sont déliquescents et c’est la raison pour laquelle les trafiquants parviennent à faire entrer clandestinement de telles quantités de médicaments dans le pays », a déploré M. Matombo.

« Nous pensons que le système de surveillance est gangréné par la corruption. La distribution de médicaments est censée être supervisée par des services de contrôle qualité, et le fait que les patients parviennent toute de même à se procurer des faux médicaments sur la place publique reste un mystère », a dit M. Matombo.

L’inflation galopante et la pénurie de devises étrangères ont affaibli le secteur de la santé en créant des pénuries de médicaments, d’équipement médical et même de personnel médical, qui a quitté le pays en quête de meilleurs salaires et conditions de vie.

Dans les pharmacies d’Etat, un cocktail d’ARV peut coûter jusqu’à 500 000 dollars zimbabwéens, un prix inabordable pour la plupart des patients, dont la majorité gagne moins de 3 dollars zimbabwéens par mois, ou est sans emploi.

Dans les pharmacies privées, les médicaments peuvent coûter jusqu’à quatre fois le prix de ceux fournis par les dispensaires subventionnés. Selon HRW, « la plupart des Zimbabwéens qui se procuraient des ARV dans le secteur privé s’adressent désormais au secteur public pour avoir accès aux programmes de traitement subventionnés par le gouvernement, car ils n’ont plus les moyens d’acheter les médicaments dans les structures privées ».

A en croire HRW, des ONG leur auraient rapporté que l’émigration massive du personnel de santé qualifié expliquerait « les faibles ressources dont disposent les services de santé pour assurer un suivi médical adéquat des très nombreux patients séropositifs.

En outre, le prix élevé des ARV a contribué à faire des patients séropositifs des proies faciles pour les trafiquants illégaux qui vendent leurs contrefaçons à des prix très bas ; et par désespoir, certaines personnes séropositives ont même recours à des médicaments qui ne leur ont pas été prescrits, a souligné M. Matombo.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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