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Scènes de violence et exode de centaines de togolais : Bob-Akitani s’autoproclame Président

[Togo] Barricades burn in the opposition stronghold of Be in the capital, Lome. Togolese youths have clashed with security forces. February 2005.
IRIN
Pneus incendiés dans le quartier de Bé, en février
Après l’annonce de la victoire de Faure Gnassingbe aux élections présidentielles du 24 avril, des centaines de personnes ont fui le Togo mercredi pour échapper aux combats de rue meurtriers qui opposent depuis deux jours des militants de l’opposition aux forces de sécurité.

D’énormes nuages de fumée s’échappaient des barricades en flamme érigées à plusieurs endroits de la capitale Lomé, alors que des résidents apeurés quittaient précipitamment la ville pour se diriger vers les régions de l’intérieur du pays ou vers les frontières du Bénin ou du Ghana voisins, emportant dans leur fuite tout ce qu’ils pouvaient prendre.

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), quelque 1 200 personnes ont déjà traversé les frontières du Togo, soit pour fuir les brutalités policières dont elles ont été victimes, soit par crainte tout simplement de voir le pays sombrer dans le chaos.

De sources hospitalières, au moins six personnes ont été tuées à Lomé, dans la journée de mardi. L’opposition, pour sa part, a affirmé avoir vu au moins 12 morts mercredi, et qu’une cinquantaine de corps se trouveraient dans les hôpitaux de la capitale.

Selon le Comité International de la Croix Rouge (CICR), leurs ambulances ont évacué mardi au moins 100 blessés vers les différents centres hospitaliers de Lomé.

Alors que des jeunes en colère continuaient de s’opposer aux forces gouvernementales, se retranchant derrière des voitures et de troncs d’arbre en flamme, Emmanuel Bob-Akitani, le candidat malheureux du scrutin de dimanche, refusait de reconnaître sa défaite malgré l’annonce des résultats officiels et s’autoproclamait Président de la République du Togo.

“Togolaises, Togolais, votre Président vous parle. Oui votre Président, car nous n’avons pas perdu cette élection présidentielle du 24 avril 2005”, a-t-il déclaré devant la presse à Lomé, dans une maison dont l’adresse a été tenue secrète.

Emmanuel Bob-Akitani
"Au prix de notre vie, nous devons nous opposer à l’arbitraire…et contraindre ceux-là qui croient bénéficier d’un droit divin sur notre peuple à entendre raison,” a-t-il ajouté.

La violence gagne d’autres villes du pays

Bob-Akitani a été déclaré deuxième à l’issue du scrutin remporté par Faure Gnassingbe, fils de Gnassingbe Eyadema qui a dirigé ce pays d’Afrique de l’ouest pendant 38 ans, malgré les accusations d’irrégularités et de fraudes massives.

Aussitôt les résultats connus, les militants de l’opposition, qui attendaient patiemment de tourner la page de quarante années de règne de la famille Eyadema, ont envahi les rues de Lomé pour protester contre le transfert du pouvoir de père en fils.

Il est impossible de savoir si l’appel à la résistance lancé par Bob-Akitani a été perçu par les cinq millions de citoyens togolais, puisque la plupart des stations de radio privées, y compris Radio France internationale, ne peuvent plus émettre et que le réseau des téléphones mobiles a été brouillé.

Difficile également d’établir le nombre exact des victimes des deux jours d’émeutes qui ont secoué la capitale et d’autres villes du pays.

“On ne connaîtra jamais le nombre exact des morts”, a fait remarquer un diplomate occidental en poste à Lomé. “Mais le chaos gagne tout le pays et la communauté internationale doit agir maintenant”.

A Aneho, ville côtière située à 45 km à l’est de Lomé, des habitants joints au téléphone ont indiqué que les combats de rue mardi ont fait sept morts et une cinquantaine de blessés, lorsque que des manifestants ont incendié des maisons de militants du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti de Gnassingbe.

Mercredi, la plupart des manifestants avaient déserté les rues lorsque des commandos de l’armée sont arrivés, tirant des coups de feu en l’air et jetant des grenades lacrymogènes, ont indiqué des habitants.

De sources hospitalières à Kpalimé, une ville située à 120 km au Nord de Lomé près de la frontière ghanéenne, sept blessés ont été admis à l’hôpital après les affrontements avec les forces de l’ordre.


Rassemblement des militants de l’opposition avant le scrutin du 24 avril
Les manifestants s’en prennent aux étrangers

A Lomé, les étrangers sont aussi la cible des émeutiers. Selon certains diplomates, des jeunes révoltés ont attaqué des maisons et entreprises de ressortissants libanais et français et pillé des magasins et supermarchés.

200 à 300 membres de la communauté libanaise se sont réfugiés dans un hôtel de la ville. C’est le cas d’Hassan, 40 ans, qui a réussi à échapper à une bande de pilleurs en se réfugiant chez une vieille dame.

“Si je suis en vie aujourd’hui, c’est grâce à une vieille dame chez qui j’ai pu me réfugier" a-t-il déclaré à IRIN. “Notre maison a été pillée et détruite complètement. Ma femme, mon enfant et moi avions escaladé le mur de la maison pour nous enfuir”.

En milieu d’après-midi, on entendait encore résonner des coups de feu et des éclats de grenades lacrymogènes dans les quartiers situés en bord de mer.

"Nous sommes très inquiets et restons cloîtrés chez nous", a confié à IRIN un habitant de Bé, le fief de l’opposition.

"Les jeunes saccagent les maisons, brisent les fenêtres et mettent le feu à tout ce qu’il y a à l’intérieur. Ils creusent des trous de près de deux mètres sur les routes pour empêcher les véhicules des forces de sécurité de passer. Ils crient qu’ils sont prêts à mourir, qu’ils veulent résoudre ce problème et n’ont rien à perdre".

"Je comprends pourquoi ces jeunes sont si remontés” a-t-il déclaré, alors que des coups de feu se faisaient encore entendre. “Il est évident que le parti au pouvoir a truqué les élections. Nous avons vu des militaires dérober des urnes et s’enfuir avec. Mais la violence n’est pas une solution durable".

D’après les résultats provisoires annoncés mardi par la Commission électorale, le candidat du parti au pouvoir, Gnassingbe, a obtenu 60 pour cent des voix aux élections de dimanche, contre 38 pour cent pour le candidat de la coalition des partis de l’opposition. Ces résultats doivent encore être confirmés par le Conseil constitutionnel et ne tiennent pas compte de ceux des bureaux de vote dont les urnes ont été détruites, a indiqué la Commission.

Appel à la résistance

Jean-Pierre Fabre, le porte-parole du principal parti d’opposition, l’Union des forces de changement (UFC), a qualifié le scrutin de “mascarade” et indiqué que les citoyens n’avaient pas d’autre choix que de résister et de dénoncer la fraude.

"Lorsque vous gagnez une élection, vous êtes appelé à gouverner. C’est pour cette raison que M. Bob-Akitani doit être Président de la République ou qu’on doit organiser de nouvelles élections dans de meilleures conditions", a-t-il précisé à IRIN.

"Tout le monde doit descendre dans la rue jusqu’à ce que la situation change”, a-t-il ajouté. “On ne peut pas laisser gouverner des fraudeurs notoires".

Fabre a repris les critiques de l’opposition à l’encontre de la communauté internationale qu’il accuse d’être en partie responsable des troubles de cette semaine et de n’avoir pas pu garantir des élections libres et justes au Togo.

Ces élections ont été convoquées après la disparition le 5 février du président Eyadema, mort dans l’exercice de ses fonctions. Après 38 ans de pouvoir, il était devenu le doyen des chef d’Etat africain. A sa mort, son fils Faure Gnassingbe s’était vu confier le pouvoir par l’armée, mais sous la pression de la communauté internationale, il accepta de démissionner et de se présenter aux élections.

Le scrutin présidentiel a été organisé hâtivement sous la supervision d’une délégation de trois représentants de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Aucun observateur de l’Union européenne n’était présent, celle-ci ayant jugé le temps trop court pour dépêcher une équipe; seuls 150 observateurs de la CEDEAO ont été envoyés au Togo pour superviser le scrutin de dimanche dernier.

A l’issue du scrutin, la CEDEAO et la France, ancienne puissance coloniale, ont déclaré qu’il était globalement crédible, même si elles reconnaissent qu’il a été entaché de quelques irrégularités.

“L’attitude de la communauté internationale est devenue ridicule et grotesque”, a indiqué à IRIN Jean-Pierre Fabre.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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