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Des secrets trop lourds à garder

En Angola, par crainte d’être stigmatisés, les malades vivant avec le VIH/SIDA se cachent. Ainsi, les personnes qui sont prêtes à proposer leurs services ont des difficultés à trouver des patients à qui apporter assistance.

«Les gens préfèrent se taire et mourir en silence», a déclaré Ambrósio Cabral, coordonnateur du programme VIH/SIDA de la Croix-Rouge angolaise.

Cabinda, une enclave riche en pétrole, située dans le nord de l’Angola, compte 350 000 habitants et affiche un taux de prévalence du VIH/SIDA de 3,2 pour cent. Sur les 16 personnes de la province à avoir reçu, en 2006, une formation pour pouvoir prodiguer des soins à domicile, seules cinq ont du travail et s’occupent d’une douzaine de personnes au total.

Lorsque ces personnes se rendent au domicile des patients, elles ne portent pas les chemises ni les casquettes de la Croix-Rouge afin de ne pas éveiller les soupçons du voisinage.

«La plus grande honte que puisse connaître un Angolais est celle de perdre l’un des membres de sa famille d’une maladie liée au sida, car le virus est associé à la sexualité et à la sorcellerie», a expliqué Lucas Kanica, coordonnateur du volet VIH/SIDA de la Croix-Rouge à Cabinda.

Un poids psychologique

Sur les 10 patients dont José Cuabi N'Zau s’est occupé au cours des 12 derniers mois, dans la ville de Cabinda, seuls deux avaient révélé leur statut sérologique à leur famille.

Certains cachent leurs médicaments antirétroviraux (ARV) dans une valise, d’autres les prennent en cachette. La plupart des malades mentent à leurs amis et aux membres de leur famille et tous espèrent que les personnes qui les soignent les aideront à garder le secret.

Certaines familles demandent aux personnes qui leur viennent en aide de leur révéler le statut sérologique des membres de leur famille. Par exemple, une des patientes de José Cuabi cache à son mari qu’elle et sa fille sont séropositives.

«D’un point de vue éthique, il m’est difficile de ne pas en parler au mari», a-t-il confié.

Les patients étant tiraillés par la crainte et le secret, les personnes qui leur viennent en aide doivent assumer un lourd poids psychologique. En effet, elles sont les seules à connaître la vérité.

Et comme les malades ne peuvent se confier à leur famille ou à leurs amis, ils les appellent à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et leur demandent de leur apporter de la nourriture, de les amener à l’hôpital, d’être à leurs côtés lorsqu’ils sont déprimés ou tout simplement de leur tenir compagnie.

Les personnes qui s’occupent des malades séropositifs reçoivent 30 dollars américains par mois et prennent en charge une dizaine de patients.

«Il s’agit d’une lourde charge de travail et beaucoup de responsabilités», a rappelé Lucas Kanica.

Créé en 2005, le programme de soins à domicile de Cabinda vise à mettre en commun le travail accompli par les centres de conseil et de dépistage volontaire, l’hôpital central et les Eglises catholique et méthodiste dans l’espoir que ces dernières encouragent les personnes vivant avec le VIH/SIDA à se faire soigner.

«L’église est un endroit où les Angolais se sentent en sécurité, où ils peuvent parler des choses qu’ils ne partagent généralement pas avec leur famille», a expliqué Cabral.

Kwanza Norte

A Ndalatando, la capitale de la province de Kwanza Norte, la situation est semblable à celle que connaît Cabinda: 16 personnes ont reçu une formation et aucun malade séropositif ne fait appel à leurs services.

Aucune personne séropositive habitant dans cette province, située dans le nord du pays, n’a révélé son statut sérologique à son entourage.

«Dans ces régions, les personnes porteuses du virus se cachent», a souligné Salvador João Zimba, secrétaire provincial de la Croix-Rouge. «Notre préoccupation est de trouver les gens qui vivent avec le virus.»

Le premier centre de conseil et de dépistage volontaire de Ndalatando a ouvert ses portes il y a deux mois et les habitants ont toujours peur de parler du VIH/SIDA.

A environ 180 kilomètres de Ndalatando, dans la province de Dondo, la situation est de nouveau la même : des personnes sont prêtes à venir en aide aux patients, mais les malades séropositifs refusent de se dévoiler.

Dans la province de Dondo, le taux de prévalence est inférieur à un pour cent alors que la moyenne nationale avoisine les quatre pour cent. Selon les estimations du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (Onusida), sur les 14 millions d’habitants que compte l’Angola, entre 100 000 et 600 000 vivent avec le virus.

De nouvelles initiatives

Les services de soins à domicile viennent tout juste d’être mis en place en Angola et s’inscrivent dans les initiatives de lutte contre l’épidémie qui se sont multipliées à partir de 2002, à la fin des 37 années de guerre civile.

Alors que l’épidémie a fait son apparition tardivement en Angola et que le taux de prévalence est relativement bas, de plus en plus de personnes tombent malades et les hôpitaux commencent à être submergés de travail.

En octobre dernier, à Luanda, la capitale angolaise, IRIN/PlusNews a rencontré une malade en phase terminale du sida, qui avait passé 24 heures, assise sur une chaise roulante, sous perfusion, à attendre qu’un lit se libère dans le service VIH/SIDA de l’hôpital Américo Boavista.

Elle travaillait comme domestique et sa patronne lui a payé ses traitements, sérums, antibiotiques, vitamines, médicaments antipaludéens. Malgré cette aide, elle est morte trois semaines plus tard.

«Le médecin n’a jamais parlé de la maladie avec la famille de la patiente. Elle était juste un autre ‘animal’ dans un lit d’hôpital», a déploré l’ancienne patronne, sous le couvert de l’anonymat.

En 2007, la Croix-Rouge prévoit d’étendre ses programmes d’aide à domicile à l’ensemble des 18 provinces de l’Angola et de former 200 personnes afin de prendre en charge 2 000 malades porteurs du virus et 14 000 membres de leur famille.

En 2006, le Réseau angolais des organisations contre le sida (Anaso), avec le soutien du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a organisé deux séminaires dans les différentes provinces du territoire et a formé au total 85 personnes. Un troisième séminaire est prévu pour le mois de janvier.

Anaso compte «créer une nouvelle dynamique afin de lutter contre la stigmatisation au sein des communautés pour que les gens puissent annoncer leur maladie à leur famille et accepter leurs conditions», a déclaré António Coelho, le secrétaire général du réseau.

Mais tant que cette dynamique n’est pas créée, de lourds secrets devront être gardés.

[Article réalisé en collaboration avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : www.ifrc.org]

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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