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Quand les media soutiennent les objectifs de l'UNGASS

[Nigeria] Rolake Odetoyinbo, a 35 year-old lady living with HIV, writes a column titled In Moments Like This- Living with HIV in the Sunday Punch newspapers, Nigeria's largest circulating weekly, and runs a Television version every Saturday on the nationa Lekan Otufodunrin/IRIN
Vous pensez que je n’ai pas de désir sexuel ? s’interroge Rolake Odetoyinbo à la télévision.

Alors qu’elle animait il y a quelques jours une émission en direct sur une radio populaire de Lagos, la grande ville portuaire du sud du Nigeria, la journaliste Cordelia Okpei a bondi en entendant son confrère chargé de la revue de presse parler «des séropositifs».

«Il n’y a pas ‘des séropositifs’, il y a ‘des personnes vivant avec le VIH’», a-t-elle rectifié, sous le regard incrédule de son confrère. «Pourquoi faudrait-il parler ‘des séropositifs’ alors qu’on ne dit pas ‘des paludéens’ ou ‘des cancéreux’ ? Ce sont simplement des personnes qui vivent avec un virus que l’ont peut aujourd’hui contrôler grâce à des traitements.»

Parce qu’elle utilise la moindre occasion pour éduquer ses auditeurs sur la nécessité d’éviter tout ce qui peut stigmatiser les personnes vivant avec le VIH/SIDA, Cordelia Okpei, à l’image de nombreux professionnels des media au Nigeria, est aujourd’hui considérée comme l’une des journalistes ayant contribué à l’amélioration, tant quantitative que qualitative, de la couverture médiatique du VIH/SIDA et de la réponse à l’épidémie.

Une contribution reconnue récemment par un rapport national d’évaluation des progrès réalisés par le Nigeria pour atteindre les objectifs fixés en 2001 lors de la Session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies (UNGASS, en anglais) sur le VIH/SIDA.

«Bien que des reportages ‘à sensation’ continuent à être diffusés occasionnellement, les articles sont de moins en moins stigmatisants et utilisent un langage approprié», a souligné ce rapport, rédigé en prévision de l’UNGASS sur le VIH/SIDA qui se tient du 31 mai au 2 juin à New-York, au siège des Nations unies.

Cette importante réunion a pour but d’évaluer les progrès et les échecs de la lutte contre le sida dans le monde, cinq ans après la «Déclaration d’engagement sur le VIH/SIDA» de l’UNGASS prise par les pays membres dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement, qui dans le cas du sida prévoit l’accès universel au traitement d’ici 2010, et l’inversion de la propagation de l’épidémie à l’horizon 2015.

Le rapport a noté que «les responsables de media [s’étaient] engagés comme partenaires dans la campagne [de lutte contre le sida] et des réseaux de journalistes [avaient] été formés pour promouvoir des thèmes spécifiques comme la prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant.»

Les media, un «outil majeur» de la lutte

Le professeur Babatunde Osotimehin, président du Comité national de lutte contre le sida (NACA, en anglais), a estimé que l’engagement des media dans la lutte contre l’épidémie avait contribué à faire baisser le taux national de séroprévalence.

Selon la dernière étude sentinelle rendue publique par les autorités en avril, le taux de prévalence du VIH au Nigeria en 2005 était de 4,4 pour cent, contre cinq pour cent en 2004 et 5,8 pour cent l’année précédente. La réduction du taux d’infection fait partie des objectifs fixés par l’UNGASS.

«Les media ont été un outil majeur pour parvenir à cette réduction à travers la publicité faite pour promouvoir les actions des ONG, des organisations confessionnelles et de la société civile», a noté M. Osotimehin, lors de la publication de l’étude sentinelle.

D’autre part, le soutien apporté par les media aux campagnes nationales de sensibilisation sur le VIH/SIDA, telles que «Le sida est réel» ou «Ferme ta braguette», a indéniablement contribué à augmenter la prise de conscience des Nigérians, a-t-il estimé.

«Les études montrent que 95 pour cent des Nigérians ont entendu parler du virus, et bon nombre d’entre eux ont appliqué les messages de prévention en changeant de comportement, comme le prouve l’âge plus tardif auquel les jeunes nigérians ont aujourd’hui leur première expérience sexuelle, la diminution du nombre de partenaires sexuels et la hausse de l’utilisation du préservatif», a dit le président du NACA.

«Nous devons remercier les media pour cela, parce que sans eux il aurait été très difficile d’atteindre la majorité de la population», a-t-il poursuivi.

C’est à 1986, date de la découverte du premier cas de VIH/SIDA au Nigeria, que remontent les premiers articles des media sur l’épidémie. Mais à cette époque, la presse nigériane avait des connaissances très limitées de la maladie : les premiers reportages étaient donc plutôt «sensationnalistes», admettent aujourd’hui les professionnels des media.

La pression médiatique a contribué à obtenir la gratuité des traitements contre le sida

Une couverture médiatique réalisée à l’époque en toute bonne foi, tempèrent ces professionnels, car l’idée qui prévalait était que pour attirer l’attention des populations sur la gravité de la situation, il fallait leur faire peur.

le «sensationnel» contre-productif dans la lutte

Prenant conscience au fil des ans de l’effet contre-productif d’une telle approche et de l’absence de formation adéquate des journalistes sur les moyens de couvrir l’épidémie, inquiets des répercussions que ces lacunes pourraient entraîner, des journalistes décident en 1996 de fonder une ONG dédiée aux media et au sida, Medianet.

Plusieurs initiatives similaires ont été créées dans les années qui ont suivi, telles que Journalist against AIDS (Jaaids) et Development Communication (Devnet). D’autres organisations ont également vu le jour pour se consacrer à des sujets plus spécifiques, tels que l’Alliance des journalistes pour la prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant.

L’intérêt suscité par ces initiatives ne s’est pas démenti avec le temps et des ateliers, des séminaires et des débats sont organisés régulièrement par les ONG de media locales et internationales, qui mettent également à disposition des journalistes de la documentation pour aider la presse à améliorer sa couverture de l’épidémie.

La création du ‘Red ribbon media award’, une récompense remise chaque année aux meilleurs reportages sur le thème du sida, a aussi encouragé les media à parler régulièrement de ce problème.

Résultat, de simples vecteurs d’informations sur le VIH/SIDA, certains journalistes sont devenus de véritables acteurs de la lutte contre l’épidémie. La quasi-totalité des media, audiovisuels et écrits, accordent aujourd’hui davantage de temps et d’espace à l’information sur le VIH/SIDA qu’il y a quelques années, avec des émissions ou des chroniques entièrement dédiées au VIH.

Comme le système de surveillance des media mis en place par Jaaids l’a montré ces derniers mois, les reportages sensationnalistes sont de plus en plus rares et les mots utilisés dans les reportages sont plus appropriés qu’auparavant.

Les media ont également diversifié leur couverture, qui, au-delà de la sensibilisation et de la prévention, inclut désormais des thèmes tels que le soutien aux personnes vivant avec le VIH, les traitements, et la surveillance de la gestion des fonds alloués à la lutte –des thèmes cités dans la «Déclaration d’engagement» de l’UNGASS en 2001.

Grâce aux nombreuses sessions de formation organisées à l’intention des journalistes, les reportages sont de plus en plus nombreux et précis, ont constaté les organisations professionnelles.

Et les efforts de plaidoyer ont porté leurs fruits, l’influence des media dans certains domaines, comme la lutte contre la stigmatisation, l’accélération de l’accès aux traitements du sida ou encore l’élaboration de politiques nationales de lutte contre l’épidémie, étant aujourd’hui saluée.

Contre la stigmatisation et pour l’accès aux traitements

Relayant avec insistance les revendications de mouvements d’activistes en faveur de l’accès gratuit aux antirétroviraux (ARV) et faisant pression auprès des autorités, les media ont certainement contribué à amener le gouvernement à annoncer la gratuité de ces ARV en vigueur depuis le 1 janvier 2006, ont affirmé certains de ces activistes.

Frederick Adegboye, un étudiant de l’Institut nigérian de journalisme (NIJ) basé à Lagos, peut également témoigner du rôle que les media ont joué lorsqu’en mai 2004, il s’était vu annuler son inscription au NIJ, en dépit de sa qualification reconnue et du paiement de ses droits de scolarité, après avoir révélé sa séropositivité aux responsables de l’établissement.

La presse nigériane avait sévèrement condamné cet «acte discriminatoire» et lancé une très large campagne médiatique pour défendre les droits du jeune étudiant, mobilisant autour de lui de nombreux activistes et membres de la société civile.

Les manifestations organisées pour Frederick Adegboye ont finalement poussé le NIJ à le réintégrer
En dépit du silence du NACA, la forte pression médiatique a finalement contraint la direction du NIJ à réintégrer M. Adegboye.

Pourtant, malgré ces succès, les media nigérians ne peuvent que constater que leurs pays est loin d’avoir atteint les objectifs fixés en 2001, notamment en matière d’accès aux traitements, de réduction des nouvelles infections chez les jeunes et de la vulnérabilité des femmes.

D’autre part, les efforts de formation des journalistes doivent encore être intensifiés car ils restent limités aux grandes zones urbaines, ont reconnu les organisations professionnelles.

Selon Jumai Danuk, directrice de programme pour l’ONG Diellat Foundation basée à Jos, dans le centre du pays, si la presse peut être reconnue pour la qualité de son travail en tant que groupe, en revanche à titre individuel, les media basés hors de Lagos ou d’Ibadan, dans le sud-ouest, ou encore d’Abuja la capitale, ont un besoin crucial d’être formés sur le VIH/SIDA.

Car si les taux d’infection en zone urbaine sont plus élevés qu’en milieu rural –respectivement 4,6 pour cent et 3,9 pour cent selon la dernière étude sentinelle-, le taux d’infection au VIH des populations rurales est inquiétant et justifie que ces populations bénéficient du même degré d’information que les citadins.

«Ceux en dehors de Lagos, Ibadan et Abuja doivent vraiment se réveiller parce qu’ils ne font pas assez actuellement, pas comme le travail qui est fait [par leurs confrères] dans les villes où se concentrent les media», a dit Mme Danuk, une avocate qui vit avec le VIH.

Même s’il ne «faut pas les blâmer parce que la majorité des journalistes dans ces zones n’ont pas accès à des formations sur la couverture du VIH/SIDA, comme l’ont leurs confrères à Lagos et Abuja», un effort sur ce plan est nécessaire, a-t-elle estimé.

Mme Danuk a par ailleurs exhorté les journalistes à ne pas toujours compter sur l’agenda officiel pour parler du VIH/SIDA et à prendre l’initiative de reportages qui pourrait donner une image plus réelle de la situation, particulièrement dans les zones rurales.

Le rapport du Nigeria pour l'UNGASS 2006 (en anglais)



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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