1. Accueil
  2. West Africa
  3. Côte d’Ivoire
  • News

Le désir sexuel, une clé négligée par les campagnes de prévention

[Nigeria] Rolake Odetoyinbo, a 35 year-old lady living with HIV, writes a column titled In Moments Like This- Living with HIV in the Sunday Punch newspapers, Nigeria's largest circulating weekly, and runs a Television version every Saturday on the nationa Lekan Otufodunrin/IRIN
Vous pensez que je n’ai pas de désir sexuel ? s’interroge Rolake Odetoyinbo à la télévision.
Comment utiliser le préservatif tout en préservant le désir et le plaisir sexuel ? Tant que cette question ne sera pas débattue, les campagnes de prévention ont peu de chances de freiner la propagation du sida au Nigeria. Responsable de l’ONG Action positive pour l’accès au traitement, Rolake Odetoyinbo a dit à PlusNews, dans une entrevue réalisée à Lagos, la capitale économique du Nigeria, qu’il était désormais impératif que les désirs sexuels des gens, qu’ils soient ou non infectés par le VIH, soient pris en compte dans les programmes de sensibilisation. “Nous devons être ouverts et réalistes vis-à-vis de ces questions”, a dit Mme Odetoyinbo, une militante de la lutte contre l’épidémie qui a eu l’occasion d’observer combien les campagnes de prévention restaient évasives lorsqu’il s’agissait d’aborder le facteur plaisir dans les relations sexuelles. Cette jeune activiste est surtout connue au Nigeria à travers la chronique «Dans des moments comme ça – Vivre avec le VIH» qu’elle écrit chaque semaine dans l’hebdomadaire à gros tirage Sunday Punch, et pour la version télévisée de cette chronique qu’elle anime sur la télévision nationale avec un franc-parler qui a fait sa réputation. “Je suis une femme de 35 ans, célibataire, qui vit avec le VIH. Parce que je suis seule et séropositive, vous pensez que je n’ai pas de désir sexuel”, a expliqué Mme Odetoyinbo. “Pourtant n’oubliez pas que la sexualité ne s’arrête pas aux relations sexuelles. Ainsi, la sexualité est une partie de moi-même”, a-t-elle ajouté. “Qui a pensé à aborder cette question ?”, s’est interrogée Mme Odetoyinbo. “Il est possible de parler des préservatifs aux gens qui ont des relations sexuelles épisodiques. Mais combien d’entre nous peuvent assumer le fait d’utiliser des préservatifs pour le reste de leur vie avec leur conjoint ?” “Regardons au-delà de l’acte sexuel, intéressons-nous à la question de l’amour, du compagnonage et du sentiment d’appartenir à quelqu’un”, a-t-elle poursuivi. Avec ou sans préservatif, quelles émotions veut-on vivre ? Ces exigences lui conviennent assez bien car, a-t-elle confié, il lui est difficile de comparer les relations sexuelles avec préservatif et le ‘vrai sexe’. Rolake Odetoyinbo préfère en effet s’abstenir plutôt que d’avoir à utiliser un préservatif. “Sincèrement… quand je veux faire l’amour, je veux tout, pas seulement une partie de jambes en l’air, un coup vite fait... Oui, le préservatif protège votre partenaire mais il est difficile de l’oublier, de s’oublier.” Elle a expliqué “qu’à un moment donné, l’homme doit se lever pour attraper un préservatif. Si le préservatif se casse, je vais vraiment être furieuse de devoir vivre avec la peur morbide d’avoir infecté mon partenaire.” Ainsi, dès que l’homme a éjaculé, il sort de la femme. “Les préliminaires, les mots que l’on se dit sur le sexe et après l’amour, les moments que l’on passe ensemble ne peuvent avoir lieu.” “Avec les préservatifs, cela doit se passer immédiatement, le préservatif est retiré et le contact entre les corps est rompu. Le sexe devient mécanique”, a-t-elle affirmé. Pourtant, Mme Odetoyinbo a reconnu que le sexe était très important pour les êtres humains, parce que “nous en avons besoin pour nous revaloriser”. Pour cette raison, a-t-elle dit, les questions morales deviennent parfaitement inutiles. “Comment vous vous sentez le matin quand vous venez de bien faire l’amour ? Votre pas est plus léger parce que, d’une façon ou d’une autre, on vous a fait comprendre que vous étiez un être humain.” L’incapacité des personnes vivant avec le virus à exprimer leurs désirs sexuels est, selon Mme Odetoyinbo, une contrainte de plus qu’elles s’imposent et qui vient s’ajouter à l’auto-flagellation, l’auto-stigmatisation et aux égos piétinés, fréquemment évoqués par les individus infectés. “Nous devons aborder la sexualité des femmes et des hommes qui vivent avec le VIH parce que cela dépasse la question des relations sexuelles, c’est lié à notre éthique, à notre morale et à notre religion.” Pour ces raisons, l’activiste a fustigé l’importance donnée à l’abstinence dans les campagnes de sensibilisation, une notion qui laisse entendre que les désirs sexuels peuvent facilement être supprimés, effacés de la vie des gens. “Où sont les gens qui pratiquent l’abstinence ? Je ne les ai jamais vu ! Je me demande s’ils remontent leur braguette avant ou après les rapports”, a-t-elle ironisé. Apprendre la sexualité pour un comportement éclairé Rolake Odetoyinbo s’est surtout inquiétée de l’impact que peuvent avoir ces thèmes de campagne sur la jeunesse du Nigeria, particulièrement exposée à l’infection au VIH, selon la dernière étude sentinelle, rendue publique en mai 2004. Selon cette étude conduite par les autorités nigérianes sur la base de prélèvements sanguins sur des femmes enceintes de moins de 49 ans, les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont les plus fragiles par rapport au VIH et les plus à même d’être infectés par le virus au cours des prochaines années. “Le Nigeria est au seuil d’une croissance exponentielle de l’épidémie”, a affirmé le rapport qui a conclu à un taux national de prévalence de cinq pour cent -- ce qui place le Nigeria au troisième rang des pays les plus affectés au monde en terme de nombre de gens vivant avec le virus. “Lorsque nous nous adressons aux jeunes, nous devrions leur demander de retarder leur premier rapport sexuel, pas de s’abstenir ! En parlant d’abstinence, nous brouillons les cartes parce que les jeunes finiront par nous demander jusqu’à quand ils devront s’abstenir”, a expliqué Mme Odetoyinbo. “Quand vous insistez sur l’abstinence, vous parlez comme quelqu’un qui a réponse à tout, qui sait ce qui est bien. Mais cela ne fait qu’affaiblir ceux qui sont déjà sexuellement actifs…. Comment réagissent-ils lorsqu’ils s’aperçoivent que l’on dénigre ce en quoi ils croient ?” Selon elle, il est dommage de ruiner “beaucoup d’effort et d’argent pour amener les gens à parler et à discuter des préservatifs” pour finir, “du jour au lendemain”, par enterrer le débat. De nombreuses campagnes de sensibilisation des populations africaines, financées pour la plupart par des organisations ou des programmes publics américains, mettent aujourd’hui l’accent sur l’abstinence comme mode de prévention privilégié. Au Nigeria, ce choix trouve un certain écho parmi les nombreuses communautés religieuses, pour qui le préservatif ne trouve sa place que dans l’intimité conjugale, en cas d’infections. Mme Odetoyinbo a affirmé que pour convaincre les gens qui ne croyaient pas en Dieu de s’abstenir de relations sexuelles, il était nécessaire de parler aux jeunes via de vastes campagnes d’éducation sur la sexualité – ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Elle a ainsi expliqué que pour s’abstenir, il fallait d’abord comprendre ce qu’était la sexualité. Quant aux personnes qui souhaitent continuer à avoir une vie sexuelle malgré l’infection, il était temps pour elles d’explorer d’autres voies d’échanges amoureux. “Il faut changer d’état d’esprit : nous devons aider les gens à canaliser et à redécouvrir de nouveaux moyens de faire l’amour. Peut-être conviendrait-il d’explorer d’autres options au-delà du préservatif, comme le sexe oral ou les câlins.”

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join