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Combattre le sida, c’est d’abord le connaître

[Cameroon] Village in north-west Cameroon. FAO
L'information sur le VIH est encore très peu accessible dans la plupart des zones rurales
Pour Crépin Djemna, les choses sont simples: s’il a remporté «psychologiquement» son combat contre le sida, c’est parce qu’il ne manque jamais une occasion de s’informer sur le virus et que ses connaissances lui évitent de souffrir de la stigmatisation. «Bien connaître l’infection au VIH peut aider à se renforcer psychologiquement», estime ce jeune homme dynamique de 32 ans, au caractère bien trempé. Et comme l’évolution de l’infection au VIH est en partie liée à l’état psychologique du patient, affirme-t-il, «j’ai remporté psychologiquement mon combat contre le VIH». Lorsqu’il apprend à l’occasion d’un don de sang en 1998 qu’il est infecté au VIH, le soutien et les conseils pré et post-test de dépistage ne sont pas encore considérés comme nécessaires. «Tout ce qu’on m’a dit, c’est que je ne pouvais plus donner de sang, c’était à moi de gérer la nouvelle donne», se souvient-il. A l’époque, cela fait déjà plusieurs années qu’il est impliqué dans le monde associatif et qu’il sait ce qu’est le sida. En 1986, alors qu’il était encore élève au lycée, en série biologie, il s’était engagé aux côtés de la Croix rouge camerounaise, en donnant son sang d’abord, puis comme secouriste ensuite, «pour aider les gens». «[Dans les années 80], le sida était considéré comme une affaire de la Croix rouge», raconte-t-il. En 1990, c’est dans le cadre de l’association Sida Alerte-Cameroun, créée en 1982 pour assurer un suivi à domicile des personnes séropositives, que cet activiste avait poursuivi son engagement dans la lutte contre le sida. Au moment où il a appris qu’il était infecté au VIH, il avait mis ses activités associatives entre parenthèses pour se consacrer à ses études, tout en continuant à donner régulièrement son sang. M. Djemna dit avoir géré «très facilement» l’annonce de sa séropositivité. «Je me savais fort, je savais que je pouvais affronter l’infection mais aussi la stigmatisation dont sont victimes les personnes vivant avec le VIH dans la société camerounaise», dit-il. Il attend plus de deux ans avant d’aller refaire un test de dépistage, qui confirme le premier diagnostic. A cette période, il vient de se séparer de sa compagne de l’époque mais elle est enceinte de leur enfant. Il l’informe alors de son statut sérologique pour que cette dernière aille se faire dépister. «Je sais qu’elle a fait le test mais elle ne m’a jamais dit ses résultats. Je ne lui ai jamais demandé non plus», dit M. Djemna. Il sait simplement que leur fils, qui a quatre ans aujourd’hui, n’est pas infecté au VIH. Le monde rural, oublié de la lutte En 2001, M. Djemna rejoint les rangs des frères et soeurs unis pour l’espoir et la solidarité (AFSUPES), une association de personnes vivant avec le VIH au Cameroun. «Quand j’étais membre de la Croix rouge, nous ne voyions que des photos de personnes vivant avec le VIH, je n’en connaissais pas personnellement», dit-il. «Au contraire, avec AFSUPES j’ai rencontré des personnes séropositives, toutes déterminées à rester en vie». En 2002, il décide de passer à l’étape suivante et fait sa première apparition à la télévision camerounaise pour parler de sa séropositivité à visage découvert. Aujourd’hui encore, il est souvent sollicité par les media pour débattre des questions liées à l’infection au VIH. «Beaucoup de personnes ne croient toujours pas que je suis infecté », constate-t-il. «Pour eux, personne ne pourrait parler de sa séropositivité avec autant d’aisance». Il participe dès lors à plusieurs conférences internationales sur le sida. C’est en 2003 à Dakar au Sénégal, à l’occasion de l’une de ces rencontres, sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, qu’il décide d’orienter son action vers la lutte contre le sida en milieu rural. La majorité des unités de prise en charge du VIH au Cameroun sont concentrées en milieu urbain, explique-t-il. Or le mauvais état des routes et l’enclavement de nombreuses régions rendent ces services inaccessibles pour la majorité des personnes vivant avec le VIH dans ces zones isolées, surtout pendant la saison des pluies. Avec l’aide d’une compatriote séropositive rencontrée lors de la conférence de Dakar, M. Djemna met sur pied Kasafro –‘les diminués’ dans l’un des 250 dialectes du Cameroun-, une association d’aide aux personnes séropositives en zone rurale basée dans la province du Littoral au sud-ouest du pays, où se trouve la grande ville portuaire de Douala. Sur les 10 centres de prise en charge du VIH que compte cette province, aucun n’est installé en zone rurale, reconnaissent les autorités sanitaires. La région est pourtant très touchée par l’épidémie, avec un taux de prévalence du VIH de huit pour cent contre une moyenne nationale de 6,8 pour cent, selon les autorités camerounaises. En apportant soins, conseils et soutien à domicile aux habitants des zones rurales qui vivent avec le virus, « Kasafro sert de relais entre l’hôpital et la maison», explique M. Djemna. L’information comme credo Au-delà de ses activités, ce jeune homme énergique ne manque jamais une occasion d’approfondir ses connaissances sur le virus. «Je me documente tout le temps», dit-il. «En ce moment, je suis une formation sur internet dispensée par le Conseil canadien d’accès au traitement», a t-il ajouté. Car M. Djemna en est convaincu : si les personnes séropositives souffrent de stigmatisation et si la propagation de l’épidémie est difficile à endiguer au Cameroun, c’est parce que les populations, y compris les personnes infectées au VIH, ne sont pas assez informées sur l’épidémie. En tant que coordinateur et conseiller psychosocial pour Kasafro, M. Djemna dit avoir constaté à de multiples reprises les effets dévastateurs de la méconnaissance, voire de l’ignorance, des populations sur le VIH. Un constat qui touche même des personnes a priori mieux informées que la moyenne, souligne-t-il, citant le cas d’une infirmière qui, bien que se sachant infectée au VIH, avait accepté d’avoir des relations sexuelles non protégées avec un homme puis suggéré à ce dernier d’aller se faire dépister. «Venant d’une infirmière qui est censée protéger les populations contre l’infection au VIH, c’est très grave», déplore M. Djemna, qui attribue cependant cette «inconscience» à un manque d’information. Ce manque d’information sur le virus ajouté à des lacunes en matière de gestion financière compromettent les résultats obtenus par certaines organisations communautaires de base impliquées dans la lutte contre le sida. «L’argent que les bailleurs envoient aux pays africains n’est déjà pas suffisant, donc mieux [vaut] apprendre à le gérer et à le faire fructifier», ajoute-t-il. Pour ces raisons, les sessions de formation constituent une priorité et une obligation pour tout membre de Kasafro, afin que le niveau d’information soit le même pour tous, explique M. Djemna. Grâce aux connaissances sur le VIH qu’il a acquises au fil des ans, «personne ne peut plus me stigmatiser», affirme M. Djemna, dont l’actuelle compagne est également séropositive. Il veut croire que cette force psychologique gagnée en s’informant explique en partie qu’il n’ait toujours pas besoin d’un traitement antirétroviral (ARV), qui améliore la vie des personnes vivant avec le virus, en dépit d’un mode de vie que ce fumeur et bon vivant reconnaît n’être certainement pas aussi sain qu’il le faudrait. Aujourd’hui, dit-il, «le mal que disent les gens du VIH ne peut plus m’affecter, et les membres de Kasafro savent que ce n’est pas un petit rhume qui me fera garder le lit. Si un jour on me voit couché, c’est parce que ce sera grave».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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