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L'Egypte veut lever le voile sur les tabous liés au VIH/SIDA

[Egypt] Egyptian women. [Date picture taken: 2003/10/20] IRIN
Women make up 31 percent of the officially measured workforce in Egypt
Souad ne soupçonnait pas à quel point sa vie allait changer lorsqu’il y a quatre ans, le ministère de la Santé et de la population l’a convoquée pour lui faire faire le test de dépistage du VIH. C’est là qu’elle a appris que son mari avait été dépisté positif au VIH deux ans plus tôt. «Il ne m’a jamais rien dit», a t-elle expliqué. «Il a continué à vivre avec moi comme si de rien n’était». Peu de temps après, elle a appris qu’elle était également séropositive. «Au début, je m’examinais dans le miroir pour surveiller [si je notais] des changements dans mon apparence, pensant que je mourrais bientôt», a raconté Souad, qui a demandé à ne pas être identifiée par son vrai nom. «Mais peu à peu, j’ai réalisé que je n’étais pas seule, qu’il y avait beaucoup de personnes en Egypte qui étaient dans le même cas que moi». Depuis 1986, 2 115 cas de VIH/SIDA ont été officiellement recensés par le ministère de la Santé. Mais d’après le Programme commun des Nations unies sur le sida, Onusida, l’épidémie serait beaucoup plus répandue dans ce pays de 77 millions d’habitants, le plus peuplé du monde arabe. Fin 2003, il y avait 12 000 personnes séropositives dans ce pays, selon l’Onusida. Selon un rapport des Nations unies publié en 2005, 64 pour cent des infections au VIH signalées en Egypte seraient causés par des rapports hétérosexuels, tandis que 31 pour cent proviendraient de l’utilisation de sang infecté. Tous les donneurs de sang sont maintenant dépistés au VIH, ce qui a virtuellement éliminé la transfusion sanguine comme source de nouvelle infection. Mais les médecins soupçonnent que de nombreuses personnes sont encore aujourd’hui contaminées par l’utilisation de seringues souillées lors de banales injections. Selon les statistiques officielles, il y a très peu de cas de transmission du virus de la mère à l’enfant et presque aucune infection due à des relations homosexuelles. Peu de femmes dépistées au VIH Environ 80 pour cent des personnes séropositives recensées par le ministère de la Santé sont des hommes. Mais selon les experts, ces statistiques ne sont pas représentatives de la réalité parce qu’elles se fondent sur un échantillon restreint de la société égyptienne et que les femmes sont moins enclines à se faire tester que les hommes. «Ces chiffres ne reflètent pas la réelle prévalence [du VIH] parmi les femmes en Egypte», a déclaré le docteur Ehab Salah, du Programme national de lutte contre le sida (NAP, en anglais) du ministère de la Santé. Selon lui, la plupart des infections au VIH détectées jusqu’à maintenant l’ont été lors de tests effectués sur des donneurs de sang, des candidats à l’obtention d’un permis de travail, ainsi que des étrangers établis dans le pays ou des Egyptiens cherchant à partir travailler hors du pays. «Ce sont surtout des hommes, donc nos chances de pouvoir détecter leur infection au VIH sont plus élevées que pour les femmes», a-t-il noté. Nana Ahlmark, coordinateur sida pour le Programme de développement des Nations unies (PNUD) en Egypte, a souligné que les femmes étaient généralement plus vulnérables à l’infection au VIH que les hommes. «Ce n’est pas uniquement lié à des facteurs biologiques, mais également au fait que les femmes sont plus susceptibles d’être privées de l’accès à l’éducation et aux soins de santé», a-t-elle expliqué. Souad a estimé que les femmes ont en général davantage de réticences à venir volontairement se faire dépister au VIH car la stigmatisation associée au virus en Egypte est plus importante pour les femmes que pour les hommes. «Si une femme a le virus, les gens pensent immédiatement qu’elle l’a contracté lors d’une ‘transgression sexuelle’», a-t-elle expliqué. Toujours pas de plan stratégique Bien que l’Egypte affiche officiellement un taux de prévalence du VIH très faible, de l’ordre de 0,1 pour cent, M. Salah, du NAP, affirme que cela ne justifie pas de se laisser aller. «Le fait que nous ayons un faible taux de prévalence du VIH ne veut pas nécessairement dire que nous sommes à l’abri», a-t-il expliqué. «Si nous ne prenons pas de mesures fermes de prévention, l’épidémie va se propager». Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) estime qu’un cinquième de la population égyptienne –quelque 15 millions de personnes- seraient particulièrement exposées à l’infection à VIH. L’Onusida a également exprimé ses inquiétudes dans son rapport 2004 sur l’Egypte, car le Plan stratégique national de lutte contre le sida n’a toujours pas vu le jour. «L’élaboration d’un plan doit être la priorité en 2005», a estimé l’organisme onusien. M. Salah a reconnu que ce plan était toujours en cours de formulation mais que le NAP avait déjà commencé à s’attaquer au problème du sida sur le terrain. En 2004, le NAP a ouvert son premier Centre de dépistage volontaire et de conseil au Caire, la capitale, où les populations peuvent être dépistées au VIH sans avoir à donner de renseignements personnels. Le NAP gère actuellement cinq centres de dépistage dans le pays et possède neuf unités mobiles, des véhicules équipés qui permettent de proposer le dépistage du VIH aux populations des petites villes ou villages. Selon M. Salah, ces centres encouragent les gens à se faire dépister et ils aident les autorités à établir un profil des groupes à cibler dans les futures campagnes de prévention au VIH. «Nous leur posons des questions sur leur niveau d’éducation et leur âge”, a t-il indiqué. Depuis le début 2005, le NAP fournit gratuitement des traitements antirétroviraux (ARV), ces traitements qui prolongent et améliorent la vie des personnes vivant avec le virus, à une centaine de patients. «Maintenant que les gens sont plus conscients de l’existence de médicaments pour traiter l’infection, ils sont plus disposés à se faire dépister au VIH/SIDA », a expliqué M. Salah. Cependant, les ARV disponibles en vente libre dans les pharmacies peuvent coûter jusqu’à 2 500 dollars par mois, dans un pays où le salaire annuel moyen est de 1 390 dollars. Selon M. Salah, le NAP souhaite que davantage de personnes vivant avec le virus bénéficient de traitements ARV gratuits, mais il n’a pas donné de chiffres concernant le nombre de personnes ciblées. Le NAP, avec le concours d’organisations non-gouvernementales, a produit une série de publications sur le VIH/SIDA et tenter de réduire la stigmatisation généralement associée à l’infection. Une peur et des préjugés fortement enracinés Mais les activistes ont encore un long chemin à parcourir pour vaincre les peurs et les préjugés. «Dans un sondage, plus de 70 pour cent des répondants pensaient que les personnes vivant avec le VIH/SIDA ne devaient pas avoir le droit de continuer à travailler», a dit M. Ahlmark du Pnud. «Une étude menée auprès de lycéens a révélé que 72 pour cent d’entre eux ne s’assiéraient pas à coté d’une personne séropositive». Le docteur Sanni Youssef, un conseiller sida du port méditerranéen d’Alexandrie, a raconté l’histoire d’un commerçant de 24 ans qu’il connaissait et qui a été ruiné lorsque ses clients ont découvert qu’il était séropositif. «Les gens ont arrêté d’acheter dans son magasin, et il a fait faillite», a t-il expliqué. Après avoir été testé positif au VIH/SIDA, les gens sont souvent frappés d’un sentiment de peur et d’isolation. «Au début, je ne connaissais pas grand chose du virus, ou comment vivre avec», se rappelle Souad. «J’avais peur de toucher mes amis et ma famille, de peur de les infecter». Cette année, elle a rejoint un groupe de soutien dirigé par l’organisation catholique Caritas d’Alexandrie. Youssef, qui préside le groupe de soutien Caritas a expliqué que les patients se réunissaient deux fois par mois pour discuter de leurs préoccupations. «A travers ces réunions nous fournissons des conseils et une assistance psychologique pour aider les personnes à accepter leur maladie et vivre une vie normale», a-t-il souligné. En raison du conservatisme religieux de la société musulmane, cependant, certains sujets relatifs à la contraception et à la sexualité restent sensibles. Les préservatifs sont disponibles dans les pharmacies locales, mais leur utilisation n’est pas ouvertement encouragée. «Nous devons être sensibles à l’environnement culturel lorsque nous abordons de tels sujets», a déclaré M. Salah. «Nous vivons dans un pays où la discussion sur les questions sexuelles n’est pas la norme, alors lancer une large campagne sur une sexualité responsable peut créer la panique en exagérant la prévalence du VIH/SIDA», a-t-il expliqué. Depuis que le centre Caritas a ouvert à Alexandrie en 2003, il a aidé une centaine de patients à accepter leur maladie et à se réinsérer dans la société. Youssef a admis que ce chiffre était relativement faible, mais il a souligné que la participation aux sessions de groupe augmentait régulièrement. Aujourd’hui, Caritas projette de lancer une série de nouveaux groupes de soutien dirigés par des personnes vivant avec le VIH/SIDA ayant elles-mêmes bénéficiées d’un soutien. Selon Youssef, l’Egypte n’est pas encore prête à ce que des personnes vivant avec le VIH/SIDA le revendiquent publiquement. «Ils doivent garder [leur statut sérologique] secret», a-t-il dit, estimant qu’il faudrait lancer une large campagne médiatique pour aider à mettre fin à l’ignorance et aux préjugés sociaux qui obligent encore les personnes séropositives à vivre cachées.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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