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Malgré les campagnes, les jeunes restent réfractaires au dépistage du VIH

Map of Senegal IRIN
Ziguinchor, the main city in the Casamance, partially cut off from the rest of Senegal by Gambia
Assis dans une salle de classe de son école, en chemise, cravate et souliers cirés, Lamine, un étudiant en informatique de 25 ans, avoue qu'il ne connaît pas son statut et qu'il n'a pas l'intention de se faire dépister au VIH. «Je ne me suis jamais fait dépister, et je ne pense pas que je vais le faire bientôt», a affirmé ce jeune Dakarois. «Je préfère rester dans l'ignorance, Je veux vivre heureusement, pas avec l'idée en tête que j'ai le sida.» «Je sais que je peux infecter les gens, mais je ne ferai pas le test», a-t-il ajouté. En 2004, selon le ministère sénégalais de la Jeunesse, la majorité des personnes qui sont allées faire le test de dépistage du VIH au Sénégal était des jeunes de moins de 25 ans, mais cette ‘victoire’ est relative, dans la mesure où seules 3 500 personnes se sont fait dépistées. Pourtant, «il y a urgence à dépister les jeunes au Sénégal», a estimé le docteur Papa Amadou Niang Diallo, un pharmacien biologiste responsable de l'équipe de dépistage de la campagne nationale 'Les jeunes optent pour le dépistage'. Lancée le 28 septembre par le Ministère sénégalais de la jeunesse, cette campagne doit prendre fin le 8 octobre. Selon la dernière étude sentinelle publiée en 2004, le taux de prévalence du VIH, calculé sur des femmes enceintes se rendant en consultation prénatale, était de 1,5 pour cent au Sénégal. Les résultats préliminaires de la dernière enquête démographie-santé (EDS) rendus publics en septembre et fondés sur un échantillon plus large de population ont évalué ce taux à 0,7 pour cent. Selon l'EDS, 50 pour cent des nouvelles infections concernaient des jeunes âgés de 15 à 24 ans. Les réticences des jeunes à se faire dépister au VIH sont d'autant plus regrettables que de gros efforts ont été fournis pour faciliter l'accès au dépistage de ceux qui souhaitent connaître leur statut sérologique, a estimé Kankou Coulibaly, la coordinatrice du secteur public du Conseil national de lutte contre le sida (CNLS). Ainsi, l'âge légal du dépistage a été abaissé de 18 à 15 ans, en raison notamment de la précocité des mariages et des premières relations sexuelles, les relations sexuelles étant responsables de 90 pour cent des infections au Sénégal. En dessous de cet âge légal, les personnes voulant se faire dépister doivent être accompagnées de leur tuteur. Le nombre de sites offrant un dépistage anonyme et gratuit a également été augmenté. Actuellement, 65 centres proposent ce service au Sénégal, dont au moins une dizaine à Dakar. Des messages qui font peur Mais pour Alioune Badara Sow, le chargé de programme à l'ANCS, l'Alliance nationale contre le sida, un collectif d'associations impliquées dans la lutte contre le sida, cette peur du dépistage vient de la manière dont le message sur le virus est véhiculé, expliqué et perçu dans le pays. «Dès le début, cette épidémie a été diabolisée, un cortège de stigmatisation l'accompagne», a-t-il expliqué à PlusNews. Les acteurs de la lutte contre le sida «parlent [du VIH/SIDA], certes, mais pas de la bonne manière», a dit Keyti, un rappeur sénégalais qui a participé à 'Africa sans sida', une compilation sortie en 2004 qui réunissait différents artistes d'Afrique de l'Ouest. «Le sida est considéré comme une maladie de la honte car ici, sida rime avec moralité douteuse», a renchéri Keyti. Daouda Diouf, le coordinateur du programme VIH/SIDA d'Enda-santé, une organisation non-gouvernementale qui travaille avec les populations dites 'à risques', notamment les jeunes, a reconnu que les populations n'étaient pas assez bien informées pour comprendre la maladie. «Il s'agit de revoir comment le message est véhiculé, c'est à nous, les acteurs de la lutte contre le sida, de [le faire]», a-t-il admis. «On continue à faire peur au lieu [d'expliquer]». Max, une jeune Sénégalaise de 24 ans qui a été sensibilisée sur le VIH pour la première fois à travers un film projeté au centre culturel de son quartier, partage cet avis. «Ca m'a fait peur, surtout de voir comment se manifestait le sida », a-t-elle raconté, soulignant que depuis, elle prend toutes ses précautions, mais qu'en revanche elle n'a pas encore eu le courage de se renseigner sur le dépistage, ne sachant à qui s'adresser. En effet, a reconnu M. Sow de l'ANCS, «les acteurs de la lutte, jusqu'à présent, n'ont pas mis en place de stratégie efficace pour cerner toutes les questions qui se posent quand on évoque le dépistage», a-t-il affirmé. Ainsi, l'ANCS a mis en place une formation intitulée 'les grandes questions sur le dépistage' destinée aux autorités médicales locales : elle leur donne les moyens de rassurer les populations sur le dépistage, en leur expliquant par exemple comment et où cela se passe, ainsi que les possibilités de traitements, gratuits au Sénégal, en cas de test positif au VIH. Pour Khouman, un autre rappeur impliqué dans la lutte contre le sida, la peur du dépistage vient aussi du fait que peu de personnes au Sénégal savent que «les gens vivant avec le virus peuvent être comme toi et moi». Khouman est l'un des organisateurs de la manifestation musicale ‘12 heures de reggae’ qui a eu lieu le 2 octobre sur une plage de la capitale sénégalaise, et à laquelle les autorités sanitaires sénégalaises ont été associées pour proposer le test de dépistage du VIH aux spectateurs. Une centaine de jeunes s'est faite dépistée à cette occasion. Le pays manque de messages associant les personnes bien portantes à l'épidémie, a dit Lamine, le jeune étudiant, avouant que comme beaucoup de ses amis, il avait du mal à «imaginer un malade [du sida] autrement qu'agonisant sur un lit d'hôpital». Montrer l’exemple est important Selon le rappeur Keyti, contrairement à d'autres pays comme le Mali ou la Côte d'Ivoire où les personnes séropositives sont prêtes à parler à visage découvert en public ou devant la caméra, 'de nombreux Sénégalais n'ont jamais vu de sidéens'. Se montrer à visage découvert permet de véhiculer un message plus positif sur l'épidémie, a-t-il estimé. M. Diouf d'Enda-Santé a regretté que les personnes infectées par le VIH et leurs associations «ne se posent pas encore comme de véritables acteurs de la lutte contre la maladie», avec lesquels le public puisse dialoguer et s'informer. «Les associations de personnes vivant avec le VIH ne jouent pas leur rôle», a estimé M. Diouf d'Enda-Santé. A quelques exceptions près, «leurs membres prennent [rarement] part à des témoignages», a-t-il regretté. Enfin, pour M. Sow de l'ANCS, l'une des raisons pour lesquelles les jeunes sont encore réticents à se faire dépister vient du fait que «les Sénégalais, et spécialement les jeunes, n'ont pas reçu de signal fort de la part de leurs aînés ou de personnes reconnues pour montrer l'exemple». Ni le président de la République, Abdoulaye Wade, ni le célèbre chanteur Youssou N'Dour, ni la star du football El Hadj Diouf ne se sont fait dépister, a-t-il remarqué. Il faut pourtant absolument convaincre les jeunes de faire le dépistage du VIH, a insisté Mariame Sylla Diene, responsable du dépistage volontaire au ministère de la Santé, au point qu’il ne faut pas attendre qu'ils fassent eux-mêmes la démarche. «Comme les populations ne viennent pas spontanément au dépistage du VIH, nous les trouvons là où elles se rassemblent pour les dépister», a-t-elle expliqué lors de la manifestation '12 heures de reggae'. «Si les [jeunes] savent qu'ils sont [séro]négatifs, ils feront tout pour le rester».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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