De nouveaux centres de dépistage du VIH/SIDA et d’accompagnement des personnes infectées verront le jour en 2005 au Sénégal, un pays qui tente aujourd’hui de décentraliser les moyens de lutte contre l’épidémie, selon le Comité national de lutte contre le sida (CNLS).
«La politique de décentralisation est aujourd’hui en bonne voie», a dit à PlusNews Gabrielle Coll, en charge de ce dossier au CNLS. «Nous comptons utiliser les lieux de vie existant dans les régions pour offrir un dépistage et des informations sur le VIH/SIDA», a-t-elle dit mardi.
Financés par les agences de coopération nippone (Jica) et américaine (USAID) ainsi que le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), huit premiers services de dépistage et d'accompagnement des personnes vivant avec le VIH/SIDA seront ouverts aux jeunes au cours de l’année 2005, selon Barbara Sow, directrice de l’organisation américaine Family Health International (FHI) au Sénégal.
FHI apporte l’appui technique indispensable au projet de développement des centres de dépistage anonyme et d’accompagnement (CDVAA), qui associe le ministère de la Jeunesse et les autorités de la lutte contre l’épidémie.
Un premier CDVAA a vu le jour il y a deux ans à Pikine-Guediawaye dans la banlieue de Dakar, la capitale sénégalaise. Situé au cœur du centre de conseils pour adolescents, il offre un suivi médical, psychosocial et nutritionnel aux personnes infectées par le virus, a dit Sow.
Huit autres centres ont été créés entre 2000 et mars 2004 grâce à des financements de l’USAID, a-t-elle ajouté.
Le centre de dépistage propose également un accompagnement qui inclut l'alimentation, les frais de scolarisation et la résolution des conflits au sein des familles des personnes infectées.
«La réflexion des autorités sénégalaises concernant le dépistage a évolué», a dit Sow. «On se demande désormais comment intégrer les services de dépistage au sein des structures existantes. C’est une problématique qui est en train de se développer et qui intéresse beaucoup le Fonds mondial.»
Cette formule originale, qui intègre le centre de dépistage dans un lieu où se rencontrent les personnes à risque, est née du refus des autorités de la lutte contre le sida au Sénégal de stigmatiser ceux qui veulent connaître leur statut, a dit Gabrielle Coll.
Selon les acteurs de la lutte contre l’épidémie au Sénégal, le déni du virus et les clichés sur l’infection et les personnes vivant avec le VIH sont les principaux obstacles qu’ils doivent franchir, dans ce pays musulman relativement épargné par le VIH/SIDA avec 1,5 pour cent de la population infectée en 2003.
Intégrer les services de dépistage dans les lieux de vie
Pour les acteurs de la lutte contre le sida au Sénégal, ce succès relatif s’explique par la cohérence et le suivi de la politique menée par les autorités sénégalaises depuis 1985 et la mise en place des premiers programmes de dépistage et de lutte contre le virus.
«On pense que cette formule est une bonne chose», a confirmé Coll. «Il est préférable d’intégrer les services de dépistage au sein des lieux de vie afin d’éviter la stigmatisation des personnes qui viennent se faire dépister», a-t-elle dit.
«Nous espérons en outre associer les parents, qui jugent aujourd’hui les centres de conseils (pour adolescents) comme des lieux de dévergondage», a dit Coll.
Selon Barbara Sow, 12 centres de conseils adolescents existent au Sénégal et connaissent un certain succès auprès de la jeunesse locale.
FHI se chargera de les équiper pour dépister le VIH/SIDA et de former le personnel en charge des tests, a dit Sow. L’organisation en fera la promotion auprès des communautés, qu’elle sensibilisera à la pandémie et à la nécessité de s’y attaquer avec les jeunes.
«FHI apportera son appui technique pour la mise en place de quatre CDVAA d’ici deux mois et quatre autres vers la fin de l'année», a dit Sow, qui a précisé qu’un séminaire de formation sera organisé en mai pour les responsables des CDVAA.
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Le taux de séroprévalence est beaucoup plus élevé dans les régions frontalières |
«Un assistant social va rencontrer les jeunes et les dirigeants pour comprendre leurs craintes, leurs soucis, leur intérêt vis-à-vis du dépistage pour s'assurer que l'activité répond à leurs préoccupations et qu'elle n'est pas en contradiction avec ce que souhaite la communauté», a-t-elle dit.
Gabrielle Coll a expliqué que le CNLS et les ministères de tutelle souhaitaient en outre redynamiser les ‘cases foyers’, des lieux de rencontre pour les femmes et y installer, sur le même modèle que les centres de conseil pour les adolescents, des services de dépistage.
Selon Sow, les CDVAA s’inspireront de l’exemple du centre de Ziguinchor, la plus grande ville de Casamance, dans le sud du pays, qui a initié des campagnes de dépistage dans les villages environnants.
«Nous allons aussi intégrer cet aspect pour que le dépistage aille vers les populations locales si c'est nécessaire», a dit Sow.
Des services de dépistage dans les régions les plus affectées
Selon Barbara Sow, les quatre premiers CDVAA verront le jour au mois de juin dans les centres de conseil pour adolescents de Tambacounda et de Kedougou, une région proche du Mali et de la Guinée, de Rufisque, à 30 kilomètres de Dakar, et de Louga, au centre du pays, une ville qui a connu un fort taux d'émigration ces dernières années.
Avant la fin de l'année suivront les villes de Bakel, au nord-est du pays vers la frontière avec la Mauritanie, Mbacké, où se regroupent chaque année des milliers de jeunes pour le pèlerinage de Touba, Kaolack et Parcelles Assainies, dans la banlieue de Dakar.
Selon la dernière étude sentinelle, menée en 2003 auprès d’échantillons de populations à risque, 93 000 personnes sont infectés par le VIH au Sénégal et plus de 150 000 le seront en 2010.
Pour Ndeye Fatou Ngom Gueye, médecin coordinatrice du centre de traitement ambulatoire de Dakar, «plus de 90 pour cent de la population sénégalaise ne connaissent pas leur statut sérologique».
Pourtant, chacun des 65 districts sanitaires du Sénégal possède un laboratoire pour le dépistage anonyme, volontaire et gratuit du VIH, selon Gabrielle Coll qui a précisé qu’ils n’étaient pas tous ‘opérationnels’ pour le moment.
Quelque 20 centres de dépistage volontaire existent à travers le pays, selon le CNLS.
D’ici fin 2005, au moins deux centres de conseil et de dépistage devraient être ouverts dans chacun des 12 sites sentinelles du pays, selon les objectifs fixés par le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Huit sites sur 12 connaissent des taux d’infection supérieurs ou égaux à deux pour cent, a révélé l’étude sentinelle. La région de Kolda, dans le sud du pays frontalier avec la Guinée Bissau, est la plus affectée par l’épidémie, avec un taux de prévalence de 2,8 pour cent. A Tambacounda, la grande ville commerciale sur la route du Mali, 2,6 pour cent des femmes enceintes étaient séropositives en 2003 contre 0,8 pour cent un an auparavant.
Le Sénégal a initié un programme de décentralisation des politiques de lutte contre le virus en janvier 2004 pour tenir compte de ces réalités. En avril 2003, des comités régionaux composés d’élus, de médecins et de techniciens et mis en place il y a plus de dix ans ont été réactivés pour répondre à ce besoin de décentralisation.
Ils sont censés coordonner et initier des programmes de sensibilisation et de prise en charge des populations vulnérables ainsi qu’encadrer les communautés locales. En outre, 608 associations communautaires ont été financées par le CNLS en 2004.