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Après 20 ans de lutte contre le VIH, la société civile exige plus de l’Etat

[Senegal] Civil society gets mobilised against human right violations, Dakar, July 2004. IRIN
Pour les organisations de lutte, l'Etat doit davantage s'impliquer dans le combat contre l'épidémie
Pour les associations qui, depuis vingt ans, combattent le VIH/SIDA au Sénégal, la lutte consiste désormais à convaincre les autorités de l’importance de protéger les plus vulnérables, homosexuels, orphelins ou prostituées. «Il est impossible de gagner le combat contre le VIH si les couches les plus vulnérables ne sont pas prises en charge», a dit Alioune Badara Sow, chargé de programme auprès de la branche sénégalaise de l’organisation internationale Alliance nationale contre le sida, ANCS. «Il y a encore du chemin à faire surtout en ce qui concerne la prise en charge des populations spécifiques telles que les homosexuels, les travailleuses de sexe et les usagers de drogue», a dit Sow à PlusNews. Sow travaille pour l’une des plus anciennes organisations non-gouvernementales de lutte contre le sida au Sénégal. Créée en 1995, l’ANCS a, avec quatre autres associations, mis en place un observatoire de la réponse au VIH/SIDA destiné à orienter l’action publique vers des programmes plus efficaces et mieux ciblés. Au Sénégal, la mobilisation civile s’est organisée dès 1986 avec l’apparition des premiers cas d’infection au VIH. Deux décennies plus tard, 93 000 personnes sont infectés par le VIH et plus de 150 000 le seront en 2010 dans un pays où le taux de prévalence, de l’ordre de 1,5 pour cent, est l’un des plus bas d’Afrique, selon la dernière étude sentinelle conduite en 2003. Pour les observateurs de la lutte contre l’épidémie au Sénégal, ce succès relatif s’explique par la cohérence et le suivi de la politique menée par les autorités et les ONG depuis 1985 et la mise en place des premiers programmes de dépistage et de lutte contre le virus. Pourtant, a nuancé Sow de l’ANCS, la mobilisation n’était pas aussi forte et structurée qu’aujourd’hui. «Il y a dix ans de cela la lutte contre le sida en était à ses balbutiements», a dit Alioune Fall du collectif Hope for African Children Initiative (HACI) au Sénégal. «La lutte contre le sida n’était pas formalisée dans des programmes d’intervention à moyen ou long terme.» Selon l’un des responsables d’Enda Tiers-Monde, une organisation internationale basée à Dakar, la capitale sénégalaise, le déni du virus et les clichés sur l’infection et les personnes vivant avec le VIH ont été les principaux obstacles qu’ont du franchir les premiers acteurs de la lutte.
Les homosexuels, organisés en association depuis 2000, viennent à peine d’être entendus par le CNLS, qui envisagerait de financer une partie de leurs activités de prévention
«Seuls les Américains, les homosexuels et les drogués pouvaient avoir le sida, croyait-on au Sénégal. Le grand public se disait que le sida, c’était l’affaire des autres ou qu’il n’existait pas. Bref, personne ne se sentait concerné», a dit à PlusNews Abdel Kader Bacha, responsable des programmes Santé communautaire à Enda et l’un des fondateurs de l’ANCS. Pour Bacha, le sida était considéré par les autorités sénégalaises comme un problème médical, géré uniquement par des professionnels de la santé. «Même au niveau international, le programme mené par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), n’accordait pas toute l’attention qu’il fallait à la dimension communautaire». «Je me rappelle que nous n’étions que trois personnes séropositives dans la salle lors de l’assemblée générale de l’ANCS en 1995», a dit Babacar Wade, l’un des membres du conseil d’administration de l’Alliance. «Quand j’ai levé la main pour parler au nom des séropositifs, tout le monde me regardait avec stupéfaction». La stigmatisation est toujours très présente dans ce pays d’Afrique de l’Ouest bien qu’elle ait beaucoup reculé, a dit Wade. «En février 1994, j’étais invité à la radio pour une émission en direct. Mais arrivé dans mon quartier, j’avais l’impression d’être un monstre», a-t-il raconté. «J’ai été obligé d’aller me réfugier dans un village à plus de 200 kilomètres de Dakar». Les programmes de prévention et de prise en charge menés par Enda Tiers-Monde au Sénégal ont été lancés dès 1987, en même temps que la mise en place d’un premier programme de lutte contre le sida par l’Etat. Leur crédo est alors que le sida ne doit pas être vu sous le seul angle médical mais comme un problème de développement. A cette époque, l’environnement juridique et institutionnel ne permettait pas d’avancer sur le front de la lutte, a souligné Alioune Sow, ajoutant que ce n’est que grâce à la mobilisation de la société civile et des ONG que les choses ont pu évoluer. Les homosexuels, les orphelins et les prostituées, parents pauvres de la lutte «Aujourd’hui si l’on arrive à parler de la prise en charge des homosexuels ou des travailleurs du sexe, c’est grâce à la mobilisation de la société civile, grâce aux avancées systématiques que nous avons obtenues», a-t-il dit. En 1992, lorsque se créé le Conseil international de lutte contre le sida (ICASO), seulement 12 structures de lutte rejoignent ce réseau d’associations basé au Canada. En 1995, elles étaient 40 à rejoindre l’ANCS. Avant le passage au 21e siècle, l’ANCS regroupait 125 associations de lutte contre l’épidémie. Aujourd’hui, l’ANCS soutient 178 associations communautaires et au moins 15 associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA. Plus de 1 200 organisations ont reçu un appui pour améliorer la gestion, l’accompagnement et la prise en charge des femmes infectées par le VIH, grâce à des fonds du programme des Nations Unies pour les femmes (Unifem). Ainsi, la société civile a obtenu pour la première fois en février dernier du Conseil national de lutte contre le sida, CNLS, qu’un programme puisse prendre en charge les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (MSM), une revendication constante des activistes. Le CNLS a dit vouloir travailler avec la branche santé d’Enda. «Le problème des MSM est réel, il faut s’en occuper rapidement», a dit Alioune Fall de HACI, insistant «sur la mise en place des programmes qui prennent en charge les populations passerelles, les populations par lesquelles passe l’épidémie pour se diffuser dans la société». Selon le docteur Bacha, des financements de l’organisation américaine Family Health International (FHI), de la Banque mondiale et du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose permettent désormais à l’ANCS de soutenir des milliers d’associations et de groupements communautaires, dont les homosexuels, les prostituées, les usagers de drogue et les orphelins du sida. «Les moyens financiers sont devenus conséquents et leur origine est beaucoup plus diversifiée», a dit Fall, de HACI. Ainsi, le Sénégal a pu mettre en place dès 1998 une Initiative nationale d’accès aux antirétroviraux (ISAARV) grâce à laquelle 2 700 personnes reçoivent des traitements gratuits dans un pays qui fait désormais figure d’exemple en matière de politiques de prise en charge des personnes infectées. Pourtant, l’OMS estime à 12 000 le nombre de personnes qui devraient bénéficier d’un traitement antirétroviral au Sénégal. “L’absence de prise en charge des examens biologiques est un problème récurrent et majeur dans notre pays,” a dit Seynabou Mbodj, porte-parole de l’ANCS. “C’est bien d’avoir des médicaments gratuits mais il faut désormais aller dans le sens d’une prise en charge des bilans pré-traitements et des maladies opportunistes si l’on veut traiter tout le monde.”
Les milliers d’enfants vulnérables qui mendient dans les rues des grandes villes sénégalaises ne sont pas pris en charge par l’Etat, qui laisse cette responsabilité aux organisations de protection de l’enfance
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la Banque mondiale, les Etats-Unis, l’Union européenne et la France ont mis 36,5 milliards de francs CFA (74 millions de dollars) à la disposition du Sénégal pour lutter contre le virus jusqu’en 2006, des financements qui doivent permettre d’élargir les domaines d’intervention et la prise en charge des personnes infectées. Les ONG fustigent des objectifs peu ambitieux Fortes de ce soutien international, les organisations de lutte sont désormais en mesure de demander davantage à l’Etat et aux structures publiques de coordination, d’autant qu’elles s’inquiètent d’une possible explosion de l’épidémie si les autorités ne font pas un meilleur usage des millions de dollars mis à leur disposition. «Il faut que les fonds soient utilisés de façon rationnelle. Or nous avons beaucoup d’inquiétudes à ce sujet», a dit Daouda Diouf, d’Enda. Les organisations de lutte contre le sida fustigent notamment l’objectif que s’est fixé le CNLS de ne pas dépasser un taux de prévalence de trois pour cent en 2006, tandis que l’épidémie s’est stabilisée autour de 1,5 pour cent de la population -- avec des taux frôlant les trois pour cent dans certaines régions, selon les statistiques nationales. “Ce n’est pas ambitieux !», a dit Alioune Sow. «Aujourd’hui la question doit être comment faire pour ne pas arriver à un taux de trois pour cent», a dit Sow, ajoutant que le défi est d’inverser la tendance pour avoir un taux de prévalence de 0,5 pour cent en 2006. «Ce 1,5 pour cent devrait être un signal pour plus de vigilance et plus de moyens consacrés à la lutte contre le sida», s’est alarmé Sow, rejoint par le docteur Bacha qui craint que cela ne cache un autre chiffre, beaucoup plus alarmant. «Plus de 100 000 familles, plus de 100 000 personnes sont touchées par l’épidémie et pourtant seules 10 pour cent de ces personnes connaissent leur statut sérologique», a-t-il dit. «La qualité de la prévention exige la prise en charge des couches qui sont plus exposées au VIH/SIDA», a expliqué Bacha. «Un concert peut être utile s’il est couplé à des activités de proximité où les adolescents parlent du sida entre eux. Il faut faire en sorte que les anciens parlent aussi du sida dans leur propre langage». Ainsi, Enda Santé offre des conseils et des soins aux prostituées clandestines la nuit. L’ANCS et les consultants internationaux d’Afrique Consultant International (ACI) prennent en charge les homosexuels et les usagers de drogue. L’information et la sensibilisation doivent être multipliées, a estimé Babacar Wade, de l’ANCS. «Des manuels scolaires ont été conçus pour sensibiliser les élèves dans les écoles privées catholiques…. Je crois que le ministère de l’Education devrait mettre ces manuels à la disposition de toute les écoles sénégalaises».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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