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Adapter le message du Vatican pour sauver des vies

Pope. UN DPI
Le pape Jean-Paul II a toujours prôné l’abstinence et la fidélité en 27 ans de pontificat
L’abstinence et la fidélité prônées par le pape Jean-Paul II ont compliqué la tâche des acteurs de la lutte contre le sida en Afrique qui n’ont cessé, durant 27 années de pontificat, d’adapter les messages pour permettre aux populations d’utiliser tous les moyens de prévention possibles, dont les préservatifs. “Cette prise de position (du pape) nous a gêné dans le sens où on ne pouvait pas parler librement de tous les moyens de prévention possibles”, a analysé Isabelle Assouan, directrice de l’association Ruban rouge en Côte d’Ivoire, un pays d’Afrique de l’ouest lourdement touché par la pandémie où 570 000 personnes vivaient avec le virus fin 2003. “Au début on ne pouvait pas parler du préservatif à des catholiques lors des campagnes de sensibilisation, il fallait trouver des moyens plus subtils pour en parler indirectement”, a-t-elle ajouté. “J’espère que le prochain pape laissera les gens libres de leur choix”. C’est durant le ponficat de Jean-Paul II, décédé samedi, que le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH) a été découvert et que l’épidémie de sida s’est propagée au point que les Nations Unies annonçaient en 2004 le chiffre de près de 40 millions de personnes infectées dans le monde dont 25 millions en Afrique. Depuis, la position de l’église catholique romaine n’a guère varié. “La chasteté est l’unique manière sûre et vertueuse pour mettre fin à cette plaie tragique”, déclarait le pape en 1993 lors d’un voyage en Ouganda, à l’époque l’un des pays africains les plus affectés par l’épidémie de sida. En 1989, tout en prenant soin d’éviter de prononcer le mot ‘préservatif”, Jean-Paul II avait estimé “blessant pour la dignité humaine et donc moralement illicite de développer la prévention par des moyens qui violent le sens authentiquement humain de la sexualité”. Considéré pourtant comme l’un des moyens les plus sûrs de se protéger contre le VIH quand il est transmis par voie sexuelle, le préservatif est occulté par le Vatican qui n’en parle que pour le condamner ou remettre en cause ses qualités préventives. Pour les activistes d’Act Up, basés à Paris, ses positions “dogmatiques sur l’utilisation du préservatif ont rendu directement (le pape) responsable de la mort de millions d’hommes, de femmes et d’enfants”. “On ne lui demandait pas de prôner le préservatif : on lui demandait de ne pas l’empêcher”, a nuancé Arnaud Marty-Lavauzelle, ancien président de l’association Aides, cité par le quotidien français Libération. “Dans bon nombre de pays, l’attitude des Eglises s’est révélée catastrophique”. Pour Baba Goumbala, le président de l’Alliance nationale contre le sida au Sénégal, un pays pourtant à majorité musulmane, le message du pape, repris par des organisations internationales, a eu des conséquences indirectes sur certains programmes, notamment ceux à destination des homosexuels et des drogués. Sur le continent africain, où le poids des responsables religieux et des leaders d’opinion est important, les acteurs de la lutte ont dès lors dû interpréter le discours de l’église pour mener à bien des programmes de prévention largement fondés sur l’usage du préservatif. “Jean Paul II a prôné le synchrétisme, c’est-à-dire un compromis entre le respect des valeurs africaines et de la chrétienté… Il faut s’adapter aux réalités, au contexte”, a estimé Bayomboe Bationo, coordinateur du réseau africain des jeunes contre le sida au Burkina Faso. “Le message aujourd’hui consiste à dire qu’il faut prendre ses dispositions pour se protéger, en fonction de ses convictions mais aussi des réalités”, a-t-il ajouté. Pour en arriver là, beaucoup d’efforts ont été consentis par les gouvernements, la société civile et les communautés religieuses pour bâtir des politiques nationales de lutte qui ne choquent personne et touchent toutes les catégories de population, urbaines comme rurales, jeunes ou vieilles, croyantes ou athées. “Au départ nous avons connu beaucoup de résistance de la part des chrétiens et des membres de l'église”, a dit Mohammed Farouk, secrétaire exécutif de l'Alliance contre le sida au Nigeria, le troisième pays le plus affecté au monde par la pandémie. “Mais ces trois dernières années, ils ont été plus réceptifs à nos messages” a-t-il dit à PlusNews depuis Lagos, une ville de près de 20 millions d’habitants, la plus peuplée d’Afrique. Ambroise Able Ekissi, du ministère de la Lutte contre le sida en Côte d’Ivoire, confirme que la position des chefs religieux, notamment catholiques, a évolué au cours de la dernière décennie. “Aujourd’hui, les religieux sont d’accord pour dire qu’il y a l’idéal mais aussi la réalité qu’on ne peut pas voiler. On a vu par exemple des religieux mourir du sida”, a-t-il expliqué à PlusNews. En Côte d’Ivoire, un pays où toutes les religions se pratiquent mais où le pouvoir politique est aux mains de chrétiens fervents, le ministère de la Lutte contre le sida prône d’abord l’abstinence et la fidélité. “Mais nous disons que quand ce n’est pas possible il y a toujours le préservatif”, a précisé Able Ekissi. “On parle tous le même langage et les religieux sont associés au programme national de lutte contre le sida.” Afin de contourner la controverse autour du préservatif, de plus en plus de responsables religieux et d’hommes d’Eglise sur le continent africain parlent désormais de “sexualité responsable”. “On doit informer scientifiquement les populations sur les voies de transmission et de non transmission, le respect de soi et d’autrui, la solidarité dans le contexte de l’épidémie”, a expliqué le père Francois Sedgo, président du comité national catholique de lutte contre le sida au Burkina Faso. Après, a-t-il ajouté, “c’est une question de responsabilité de chacun en matière de comportement sexuel”. A Lagos, Mohammed Farouk n’explique pas autre chose aux fidèles que son association se fait un devoir de convaincre. “Nous allons à la porte de l'église pour faire comprendre aux chrétiens qu'ils ont d'autres options : s’ils ne peuvent pas s'abstenir ou retarder leur premier rapport sexuel, ils doivent utiliser les préservatifs”. Pour Bationo, qui lutte contre l’épidémie au Burkina Faso depuis 12 ans, la situation n’a cessé d’évoluer en faveur d’une meilleure perception des messages et d’une prévention plus adaptée aux sensibilités individuelles. Selon lui, il y a encore quelques années certains religieux s’opposaient à ce que les acteurs de la lutte parlent du préservatif dans leurs établissements. Mais, a-t-il dit, “ils ont compris : ils ne parlent jamais ouvertement de cette possibilité mais ils sont diplomates, ils le font comprendre autrement”.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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