1. Accueil
  2. East Africa
  3. Somalia
  • News

Sida et tuberculose, un seul combat

[Sierra Leone] Liberian refugees in Gerihun camp, Nov 2004. IRIN
Seul un Sierra Léonais sur dix utilise des préservatifs
L’Organisation mondiale de la santé préconise une coordination des efforts pour contenir les épidémies de VIH/SIDA et de tuberculose, notamment en Afrique de l’Ouest, l’une des régions du monde où les cas de co-infection sont en constante augmentation. “Nous ne pourrons pas vaincre le sida si nous ne nous attaquons pas aussi à la tuberculose et il est grand temps de passer de la parole aux actes en Afrique et de lutter conjointement contre les deux épidémies”, a estimé l’OMS dans un communiqué jeudi. Alors que la prévalence mondiale de la tuberculose a reculé de plus de 20 pour cent depuis 1990 et qu’elle est en baisse ou stable dans cinq des six régions du monde, la situation sur le continent africain est en revanche “alarmante”, a noté l’OMS. “Les taux d'incidence de la tuberculose ont triplé depuis 1990 dans les pays où la prévalence du VIH est élevée et continuent de progresser sur l'ensemble du continent à un rythme annuel de trois à quatre pour cent”, a ajouté l’OMS. Le Nigeria, quatrième pays le plus touché de la planète en nombre de malades de la tuberculose, est celui qui enregistre le plus grand nombre de nouveaux cas d’infection chaque année en Afrique. L’OMS estime à 27 pour cent le nombre de tuberculeux également infectés au VIH. En 2003, plus de 300 000 nouveaux cas ont été détectés dans ce pays de 126 millions d’habitants, où plus de six millions de personnes vivent avec le VIH. En Côte d’Ivoire, près de 20 500 nouveaux cas ont été enregistrés en 2004, soit 13 pour cent de plus qu’en 2003, a dit à PlusNews le ministre de la Santé et de la Population Albert Mabri Toikeuse. En zone rurale, un tiers des malades de la tuberculose est co-infecté au VIH et cette proportion s’élève à 45 pour cent en milieu urbain, selon les premiers résultats d’une étude menée par le programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT). Selon l’OMS, dans les régions les plus touchées du continent, 75 pour cent des malades de la tuberculose sont également infectés au VIH, tandis que près de la moitié des personnes séropositives développent cette maladie, la première des infections opportunistes liées au sida. “La lutte contre la tuberculose n’a jamais été dotée de très gros moyens et les centres anti-tuberculeux sont vite saturés”, a constaté Philippe Msellati, chercheur sur le VIH/SIDA chez la femme et l’enfant à l’Institut de recherche et de développement (IRD) et basé à Bobo Dioulasso, au Burkina Faso. Pour atteindre l'objectif affiché par l’OMS de réduire de moitié le nombre de cas de tuberculose d'ici 2015, la plupart des acteurs de la lutte contre les grandes épidémies préconisent aujourd’hui de coordonner les programmes de lutte et de traiter conjointement les infections. “Il faut arriver à une prise en charge correcte de ces deux épidémies”, a dit Msellati, expliquant qu’il serait ainsi pertinent de s’appuyer sur les structures existantes de lutte contre la tuberculose pour lutter contre le sida. “Peu de pays d’Afrique de l’Ouest ont développé des programmes conjoints de lutte, mais les programmes nationaux contre la tuberculose, souvent anciens, fonctionnent assez bien.” Dans de nombreux pays du continent où le délabrement des services sanitaires et le manque de personnels de santé ne facilitent pas la mise en oeuvre de cette stratégie, l’une des solutions consiste à s’appuyer sur les structures existantes de lutte contre la tuberculose pour prendre en charge le sida, a estimé Msellati. Il a souligné que la principale difficulté pour les patients séropositifs qui développent la tuberculose est de prendre leurs traitements sur la durée, soit au moins six mois pour la tuberculose et à vie pour le sida. “Les personnes séropositives guérissent de la tuberculose aussi bien que les autres”, a dit Msellati. “Le problème est l’interruption des traitements, qui peuvent être abandonnés quand les patients se sentent mieux et même s’ils ne sont pas guéris. Cela peut entraîner de multiples résistances qu’on ne peut combattre qu’avec des médicaments de deuxième génération, plus lourds, plus chers et plus toxiques.” En effet, les traitements, pour la tuberculose comme pour le sida, ne sont efficaces que si le malade prend régulièrement ses médicaments. Or l’absence de suivi ou l’arrêt prématuré de la prise de médicaments sont les raisons majeures de l’échec des traitements, selon les spécialistes de la santé. Le patient prend alors le risque de développer des multi-résistances. «La faute incombe en partie aux médecins parce qu’ils ne donnent pas suffisamment de conseils», a estimé Cheick Seck, coordinateur du programme national de lutte contre la Tuberculose (PNT) au Sénégal. «Dans le cas de la tuberculose, le traitement d’une infection coûte 11 dollars au Sénégal contre 2 000 dollars pour une infection multi-résistante qu’on n’est même pas certain de pouvoir guérir», a-t-il dit. “Le problème est aussi qu’on ne s’intéresse à la tuberculose que pour limiter la contagion”, a souligné Msellati. “Une fois que le patient n’est plus contagieux, on abandonne souvent le traitement”. La stratégie du ‘traitement court observé’ (DOTS, en anglais), qui consiste à suivre le patient jusqu’à la fin de son traitement, a été mise en place il y a neuf ans et a permis d’augmenter les taux de guérison des malades, s’est félicité l’OMS. Mais selon Msellati, DOTS n’est pas une solution pour les personnes infectées par le VIH qui doivent prendre leur traitement à vie. Dans les pays les plus touchés comme le Nigeria, faute de suivi des traitements, le taux de réussite ne dépasse pas 60 pour cent, a reconnu l’organisation. Selon les spécialistes de la santé, un programme est considéré comme ‘bon’ si plus de 80 pour cent des patients suivent les traitements jusqu’à leur terme. Néanmoins, certains pays ont pris très tôt conscience de la nécessité de coordonner les programmes de lutte contre le sida et la tuberculose. La Côte d’Ivoire, l’un des pays les plus affecté par l’épidémie de VIH en Afrique de l’Ouest, est pionnière en la matière. Un programme commun de lutte contre la tuberculose et le VIH a été ainsi mis en place dès la fin des années 80 et trois centres anti-tuberculeux (CAT) distribuent des traitements antirétroviraux (ARV) pour les personnes vivant avec le sida depuis 1998. “La progression de l’épidémie de tuberculose dans notre pays s’explique en partie par la progression parallèle de l’épidémie de sida”, a dit à PlusNews le docteur Moïse San Koffi, directeur coordonateur du PNLT en Côte d’Ivoire. “Mais on ne peut pas non plus ignorer les effets de la crise économique et politique que traverse notre pays. Plusieurs programmes de dépistage et de prise en charge ont été interrompus et certaines zones sont aujourd’hui difficiles d’accès”, a-t-il ajouté. La Côte d’Ivoire est coupé en deux depuis la tentative de coup d’Etat de septembre 2002 par une rébellion armée qui occupe toujours le nord du pays, ce qui nuit à la restauration des structures de santé et au retour du personnel médical dans des zones aujourd’hui sinistrées. “Et puis beaucoup d’Ivoiriens n’ont pas tout de suite recours au système de santé classique lorsqu’ils sont malades”, a souligné Koffi en précisant qu’une étude menée à Abengourou, dans l’est du pays, avait montré qu’en milieu rural, 80 pour cent des malades s’adressent d’abord à un tradipraticien avant de se rendre dans une structure de santé. “Il y a d’autres facteurs comme la forte croissance de la population urbaine qui favorise la promiscuité et donc la propagation de cette maladie très contagieuse”, a ajouté Koffi. D’autres spécialistes ont souligné que la tuberculose trouve en Afrique de l’Ouest un terreau propice où s’épanouir. Depuis le déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, la région s’est considérablement appauvrie et le crime prospère dans des pays qui vivent des crises économiques majeures, des guerres ou des situations de post-conflit. “La tuberculose ne peut que prospérer dans des situations de conflit comme en République démocratique du Congo ou au Liberia. Quant au Nigeria, c’est une sorte de bombe, compte tenu des retards pris dès les débuts de la lutte”, a dit Msellati. Néanmoins, il s’est dit rassuré que la communauté internationale soit désormais consciente de la nécessité de programme commun de prise en charge des deux épidémies. “L’existence du Fonds global (financé depuis 2001 par la communauté internationale pour lutter contre la tuberculose, le paludisme et le sida) est déjà une bonne chose”, a-t-il dit. “Nous sommes déjà au coeur de la catastrophe, ça peut difficilement être pire.”

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join