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Les femmes migrantes ont besoin d’informations pour se protéger du VIH

[Guinea] Liberian refugees sell goods at the Laine camp, Forest Region, June 16, 2004. IRIN
Laine camp has its own market, run for and by refugees
Plus vulnérables que les hommes, peu informées sur les risques qu’elles courent, les femmes qui voyagent sont plus exposées au VIH/SIDA, mais les acteurs de la lutte peinent à les identifier, à les connaître pour mieux les protéger. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les femmes représentent près de la moitié des 185 millions de migrants dans le monde. Ces déplacements leur offrent une certaine autonomie et de meilleures perspectives économiques, mais ils les exposent à diverses formes d’exploitation, notamment sexuelle, qui favorise la transmission du VIH/SIDA, note l’OIM. “Le problème n’est pas le phénomène migratoire en lui-même mais les conditions dans lesquelles ces mouvements de population s’effectuent”, a expliqué Armand Rousselot, représentant régional de l’OIM à Dakar. Les migrants sont considérés comme un groupe particulièrement exposé au VIH/SIDA, dans la mesure où ils vivent loin de leurs familles et ont souvent des relations sexuelles non protégées dans leur pays d’accueil. “Il faut aussi distinguer les migrations volontaires de celles liées à l’éclatement d’un conflit”, a dit Rousselot. Par définition, il est très difficile d’identifier les populations mobiles. “C’est encore plus vrai pour les femmes qui, pour des raisons socio-culturelles, n’ont souvent pas voix au chapitre”, a-t-il ajouté. “Elles ne sont pas chefs de famille et ne prennent pas les décisions, elles n’ont donc pas non plus accès à l’information, encore moins au conseil, ce qui renforce leur vulnérabilité”. En Afrique sub-saharienne, 13 femmes contre 10 hommes étaient infectées par le virus en 2003, selon le dernier rapport de l’Onusida, le programme conjoint des Nations Unies contre le VIH/SIDA. La différence est encore plus forte en ville, où l’on estime que 14 femmes sont porteuses du VIH contre 10 hommes (contre un rapport de 12 sur 10 en milieu rural). Une étude du Centre français d'études et de recherche sur la population pour le développement (Cerpod) indique que, depuis une vingtaine d'années, des modèles de migrations de longue durée se développeraient en Afrique de l’Ouest et de plus en plus de femmes et de jeunes filles seraient en situation de précarité économique et de vulnérabilité sexuelle. Ce qu'a confirmé Martine Somda, qui dirige l’association REVS+ (Responsabilité, espoir, vie, solidarité) basée à Bobo Dioulasso dans le sud-ouest du Burkina Faso, une région frontalière avec la Côte d’Ivoire, un pays en guerre depuis deux ans, et la plus affectée par la pandémie avec un taux de prévalence bien au-dessus de la moyenne nationale, estimée à 2,5 pour cent. En Côte d’Ivoire, le taux d’infection au VIH est officiellement estimé à 7,5 pour cent, mais les agences humanitaires estiment qu’il pourrait dépasser 11 pour cent dans certaines régions, notamment celles tenues par les rebelles et qui longent le Burkina Faso, le Mali, le Ghana et la Guinée. Dans ces pays, les taux de prévalence oscillent entre deux et trois pour cent. “Malgré les problèmes ivoiriens, de plus en plus de jeunes filles partent dans les grands centres urbains et dans les pays voisins pour être employées comme bonnes à tout faire”, a t-elle expliqué. “Elles gagnent au mieux 5 000 francs CFA (10 dollars) par mois et sont surexploitées par leurs employeurs, qui les logent et bien souvent les violentent.” Le commerce, un métier à risque pour les femmes Sur l’axe routier qui relie la Côte d’Ivoire au Nigeria, les femmes commerçantes représentent l’essentiel de la population migrante, selon un rapport du Corridor Lagos-Abidjan. Ce projet de quatre ans a été lancé en décembre 2003 à partir d’un financement de 16 millions de dollars de la Banque mondiale pour renforcer la lutte et la coopération régionale contre le VIH aux frontières et dans les capitales traversées par les flux de migrants. “Ce sont des femmes qui font du petit commerce, de chaussures, de vêtements ou autres”, a expliqué Justin Koffi, le secrétaire exécutif du projet. “Chaque mois, on observe des mouvements par vague, des femmes qui viennent s’approvisionner sur les marchés de la région ou y vendre leurs produits.” Selon Koffi, le corridor représente 63 pour cent du volume commercial des 15 pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao). Un rapport de l’organisation estime que plus de trois millions de personnes empruntent cet axe chaque année. “Les femmes font plus souvent l’objet de tracasseries que les hommes lorsqu’elles se déplacent”, constate Koffi: “Elles sont plus faciles à duper ou à exploiter, par exemple en ce qui concerne les documents, passeports ou autres, nécessaires pour franchir les frontières.” Les acteurs de la lutte contre le sida rapportent que les femmes sont parfois obligées “d’accorder leurs faveurs” aux forces de sécurité au cours de leur voyage, par manque d’information ou par manque d’argent. “Nous n’avons pas encore de statistiques à ce sujet”, a reconnu Koffi, “mais nous sommes en train de mettre en place un observatoire, pour recueillir des données et permettre aux femmes de porter plainte en cas de problème”. Le taux de prévalence moyen en Afrique de l’Ouest est estimé à environ cinq pour cent avec des disparités importantes selon les pays, de moins d’un pour cent en Mauritanie à plus de 11 pour cent en Côte d’Ivoire, selon les agences humanitaires. Oussman est béninois. Pendant des années, il a accompagné sa mère dans ses tournées entre le Bénin et le Ghana. “Elle m’a choisi parmi mes neuf frères et soeurs parce que j’étais le plus fort, pour dissuader les hommes de la tourmenter pendant le voyage”, s'est-il souvenu. Oussman travaille aujourd’hui au Ghana. “Ce problème de l’exploitation des femmes est un sujet dont les Etats n’aiment pas trop parler”, a expliqué Rousselot. Surtout lorsque cela implique des membres des agences de sécurité. Selon Koffi, le projet Corridor a commencé à sensibiliser les “corps habillés” (le nom commun donné en Afrique de l’Ouest aux porteurs d’uniformes) et les chauffeurs de camions et de bus qui font parfois halte pendant des jours dans les gares routières. Une exposition permanente à l'infection au VIH Selon un rapport de l’OIM, publié en octobre 2002, les femmes migrantes peuvent être exposées au VIH avant, pendant ou après la migration. L’isolement et l’anonymat liés à la migration, la séparation du partenaire sexuel régulier et l’absence d’accès à l’information et aux structures de santé sont des facteurs qui accentuent leur vulnérabilité face au virus, selon ce rapport. En France, le centre Ikambere en région parisienne accueille des femmes séropositives venues de pays en voie de développement, dont 29 pays d’Afrique subsaharienne. Certaines, se sachant infectées, sont venues se faire soigner. Mais “la plupart ont découvert leur séropositivité ici”, a expliqué Bernadette Rwegera, fondatrice et directrice du centre Ikambere. Aimée Antsimba, l’une des animatrices du centre, a souligné le double bouleversement causé par la migration et la révélation de l’infection au VIH. “Elles sont parfois accusées du pire, traitées de prostituées et même renvoyées chez elles, d’autres continuent à être exploitées en échange d’un toit”. Pour certaines femmes, la connaissance de leur statut a lieu au moment du voyage vers un pays qui exige un test de dépistage à l’entrée. L’Onusida et l’OIM, dans un document conjoint publié en juin 2004, ont regretté que des pays utilisent le VIH/SIDA pour limiter l’entrée de nouveaux migrants. Selon une étude du programme allemand de lutte contre le sida (DAH) en 1999 citée par l’Onusida et l’OIM, 101 pays sur les 164 étudiés au moment de l’enquête imposaient des formes de restriction de voyage liées au virus. Pour limiter l’exploitation des femmes migrantes et leur exposition au VIH/SIDA, les organismes de lutte contre l’épidémie insiste sur la nécessité de les informer et de les conseiller sur la conduite à adopter. “Il faut cibler les zones de migration transfrontalières”, a estimé Rousselot de l’OIM à Dakar. L’OIM a lancé un projet pilote d’information et de conseil sur le VIH à Kolda, au Sénégal, carrefour de passage entre la Guinée, la Guinée Bissau, la Gambie et le Mali. “Nous essayons d’agir auprès des populations potentiellement concernées, par exemple les jeunes filles déscolarisées, parce que le risque de prostitution est grand près d’un lieu de passage”, a expliqué Justin Koffi, du projet Corridor. “Enfin, il faut promouvoir ‘à outrance’ le préservatif féminin, au même titre que le masculin”.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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