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Des migrants trop démunis pour se payer des médicaments antirétroviraux

[Burkina Faso] Returning Burkinabe migrants who fled Cote d'Ivoire. January 2005.
Claire Soares/IRIN
Une fois rentrés au pays, certains migrants ont une double préoccupation : refaire leur vie, mais surtout rester en vie
Il y a deux ans, Moumoumi Guira quittait la Côte d’Ivoire pour échapper à la guerre civile et aux attaques dirigées contre certains groupes ethniques. Ayant tout abandonné dans sa fuite pour rejoindre Bobo-Dioulasso, sa ville natale située au sud-ouest du Burkina Faso, il découvre qu’il est séropositif, mais n’a pas les moyens de se payer les médicaments antirétroviraux (ARV) dont il a tant besoin pour se soigner. "Nous n’avons plus rien. Nous n’avons pas rien pu emporter avec nous dans le camion qui nous a conduit à Bobo-Dioulasso. Nourrir toute ma famille est déjà assez compliqué et trouver de l’argent pour mes médicaments l’est tout autant. C’est impossible," a-t-il déclaré à IRIN. A 47 ans et père de 10 enfants, Moumoumi Guira s’est adressé à REVS+, une association locale créée pour venir en aide aux personnes atteintes du sida. L’association distribue gratuitement des ARV à près de 80 personnes. Mais 700 autres personnes sont déjà inscrites sur la liste d’attente, et Guira, pas découragé, entend bien faire de même. "Il n’arrêtait pas d’aller et venir, frappait à la porte pour demander qu’on lui vienne en aide," se souvient Martine Somda, la directrice de REVS+. "Il n’avait vraiment plus rien et nous avons fini par lui proposer de faire quelques petits travaux de mécanique." Ancien ouvrier agricole dans une plantation de cacao en Côte d’Ivoire, Guira reconnaît volontiers qu’il n’a pas la bosse du commerce. Mais il sait réparer les bicyclettes qu’on lui confie et essaie ainsi de s’en sortir. Pendant les périodes fastes, il lui arrive de gagner 10 000 CFA (20 dollars) par mois, mais il consacre la moitié de cette somme à l’achat des ARV subventionnés. En périodes creuses, il doit compte sur la bonne volonté de ses amis et de sa famille pour l’aider, mais parfois l’argent fait vraiment défaut. Guira fait partie de ces 365 000 migrants burkinabé qui ont choisi de rentrer chez eux après le début de la guerre civile en Côte d’Ivoire en septembre 2002 et les accusations portées contre les ressortissants burkinabé, considérés comme des sympathisants des rebelles qui occupaient la région nord du pays. De nombreux migrants ont fuit la Côte d'Ivoire, le moteur économique de la région, et sont rentrés au Burkina Faso, le troisième pays le plus pauvre au monde selon l’indice de développement de facteur humain du Programme de développement des Nations unies (PNUD). "Les migrants sont venus avec rien du tout. Comment peuvent-ils avoir accès maintenant au traitement ?" a indiqué Somda. Guira fait partie des plus chanceux. Bon nombre de malades ne peuvent même pas envisager d’acheter ces médicaments qui coûtent très cher. Par ailleurs, de plus en plus de personnes développent des maladies opportunistes telles que la tuberculose et la pneumonie. "Les maladies opportunistes remontent en force, empêchant les gens de s’occuper de leurs enfants," a déploré Somda. DES TAUX DE PREVALENCE EN HAUSSE Ce qui préoccupe aussi les travailleurs humanitaire, c’est que l’afflux massif de nouveaux arrivants de la Côte d'Ivoire, un pays où le taux de prévalence de VIH et le plus élevé de l’Afrique de l’ouest, pourrait faire remonter le taux de prévalence au Burkina Faso, alors qu’il était en baisse. "C’est un problème très sérieux de transmission du VIH," a dit à IRIN Mamadou Sakho, le coordonnateur du programme des Nations unies sur le VIH/SIDA (Onusida) au Burkina Faso. "On ne peut pas nier qu’il y ait une possibilité de contamination due aux mouvements de population à partir des zones à forte prévalence de VIH." En Côte d'Ivoire, les dernières statistiques officielles établissaient le taux de prévalence de VIH à 9,5 pour cent. Mais selon les travailleurs humanitaires, ce taux serait plutôt proche de 11 pour cent, en particulier dans les zones tenues par les rebelles. Pour l’Onusida, le taux de prévalence au Burkina Faso en 2003 avait été ramené à 4,2 pour cent, contre 6,5 pour cent en 2001. A Bobo Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso distante de 120 km de la frontière ivoirienne, Somda a remarqué que le nombre de personnes qui viennent en consultation dans son dispensaire à fortement augmenté depuis le début de la guerre civile en Côte d’Ivoire. "Les associations ont remarqué une forte augmentation du nombre de personnes qui viennent à nos portes. Nous avions 300 patients il y a deux ans. Aujourd’hui on en compte 1 075," a-t-elle confié à IRIN. Selon les estimations du Bureau des Nations unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), plus de 600 000 migrants ressortissants d’autres états de l’Afrique de l’ouest ont fui la Côte d’Ivoire et sont rentrés dans leur pays d’origine. Et le Burkina Faso, pays enclavé situé au Nord-Est de la Côte d’Ivoire, n’est pas le seul état de la région où l’on se préoccupe des répercussions de ces mouvements de personnes sur la santé des populations. Au Mali, où le taux de prévalence au HIV est actuellement de 1,9 pour cent, certains experts sont aussi préoccupés par le retour massif de plus de 100 000 migrants. "Compte tenu du taux de prévalence en Côte d'Ivoire, on peut craindre qu'un pourcentage équivalent de ces migrants sont rentrés chez eux avec le virus," a dit le docteur Jean-Louis Ledecq, qui coordonne les activités de l'Onusida à Bamako. "Nous ne savons pas où ils sont allés et c’est un réel problème parce que ce sont des gens très vulnérables," s’est-il plaint. "Ils sont un poids pour les familles qui les ont accueillis car ils sont mobiles et susceptibles d’avoir des comportements à risque." Un travailleur humanitaire se souvient avoir entendu un groupe de jeunes filles burkinabé se marrer de la manière dont elles avaient mis “en quarantaine” un séduisant jeune homme ivoirien pour voir s’il était en bonne santé. Ce jeune homme n’ayant présenté aucun signe de maladie le premier mois, une des filles a jugé qu’elle pouvait avoir des rapports sexuels avec lui en toute sécurité. Alors que les femmes veuves venant de Côte d’Ivoire sont souvent contraintes par leur belle-famille à se soumettre au test de dépistage du VIH avant d’épouser le frère de leur mari défunt, conformément à la tradition locale, les hommes, eux, n’ont pas cette obligation. Même le Comité national de lutte contre le sida (CNLS) reconnaît que les migrants posent un réel problème, tout en admettant qu’il s’agit d’un problème bien compliqué à résoudre. "Nous savons que ces migrants de retour ont été plus exposés que les autres, mais nous ne voulons pas initier d'actions spécifiques qui reviendrait à les montrer du doigt ou à stigmatiser un pays", a expliqué Didier Dakouan, du CNLS au Burkina Faso. Selon les estimations du CNLS, près de 300 000 personnes sur les 12 millions d’habitants que compte le Burkina Faso sont infectées par le VIH, une infection qu’on dénomme déjà souvent la "maladie de la Côte d'Ivoire". Pour Somda, la solution consiste à organiser des campagnes d’éducation et à améliorer l’accès au traitement dans tout le pays. Par exemple, il n’y a que 50 centres de dépistage du VIH au Burkina Faso. "Si nous continuons à améliorer les campagnes de dépistage au niveau national, cela aura un impact sur les migrants sans les cibler," a conclu Somda.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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