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Des ONG remettent en question la politique de lutte contre le sida

[Senegal] Three talibes make the most of the traffic lights being on red - 
Children begging on the streets of Dakar. IRIN
Talibes make the most of the traffic lights being on red
Un collectif d’organisations de lutte contre le VIH/SIDA s’alarme d’une possible explosion de l’épidémie au Sénégal, un pays pionnier dans le combat contre le virus en Afrique de l’ouest, si les autorités ne font pas un meilleur usage des millions de dollars mis à leur disposition par les organismes internationaux jusqu’en 2006. «Il faut que les fonds soient utilisés de façon rationnelle. Or nous avons beaucoup d’inquiétudes à ce sujet», a dit Daouda Diouf, de l’organisation internationale Enda Tiers-Monde basée à Dakar. A l’occasion d’une conférence de presse dans la capitale sénégalaise, cinq organisations, membres de l’Observatoire de la réponse au VIH/SIDA, ont fustigé l’absence de programmes visant les orphelins et les prostituées, les dysfonctionnements en matière de décentralisation des programmes de prévention et de prise en charge ainsi que le manque de centres de dépistage, notamment dans les régions du pays les plus exposées à l’infection au VIH. «Maintenant que nous avons beaucoup plus de ressources, on peut se demander si les stratégies nationales sont pertinentes pour lutter contre le sida», a t-il dit au cours d’une conférence de presse dans la capitale sénégalaise mardi. «Le Sénégal n’est pas à l’abri d’une explosion de l’épidémie, il nous faut rapidement des objectifs clairs et des projets ciblés sur les orphelins, les prostituées, les populations vulnérables… » Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la Banque mondiale, les Etats-Unis, l’Union européenne et la France ont mis 36,5 milliards de francs CFA (74 millions de dollars) à la disposition des autorités sénégalaises pour lutter contre le VIH/SIDA jusqu’en 2006. Ces financements doivent permettre d’élargir les domaines d’intervention et la prise en charge des personnes vivant avec le virus. «Ces programmes en sont à leur début», a expliqué à PlusNews le secrétaire exécutif du Comité national de lutte contre le sida, CNLS. «Nous avons commis des erreurs parce que nous voulions aller vite. Nous nous sommes en train de les rectifier, il faut nous laisser un peu plus de temps», a dit Ibrahim Ndoye. L’étude sentinelle menée en 2003 à partir d’échantillons prélevés sur des femmes enceintes a révélé une stabilisation de l’épidémie autour de 1,5 pour cent de la population, avec des taux frôlant les trois pour cent dans certaines régions. Selon le CNLS, qui a publié ces résultats en décembre, l’infection au VIH ne devrait pourtant pas dépasser trois pour cent en 2006. L’Association nationale de lutte contre le sida (ANCS), Enda, Sida Service, Synergie pour l’enfance et Africa Consultance International (ACI) ont estimé que cet objectif ne pourra être atteint si les autorités en charge de la lutte contre l’épidémie n’améliorent pas la qualité des actions qu’elles coordonnent sur le terrain. «Un taux de prévalence moyen de 1,5 pour cent ne veut rien dire si l’épidémie flambe dans les régions», a expliqué Baba Goumbala de l’ANCS, une organisation internationale basée à Dakar. Selon l’étude sentinelle, huit régions sur 12 connaissent des taux d’infection supérieurs ou égaux à deux pour cent. La région de Kolda, dans le sud du pays frontalier avec la Guinée Bissau, est la plus affectée par l’épidémie, avec un taux de prévalence de 2,8 pour cent. A Tambacounda, la grande ville commerciale sur la route du Mali, 2,6 pour cent des femmes enceintes étaient séropositives en 2003 contre 0,8 pour cent un an auparavant. «Ces tendances et la manière dont les programmes sont mis en œuvre nous rendent pessimistes sur l’évolution de la pandémie au Sénégal», a t-il poursuivi. Le CNLS a reconnu que des régions au Sénégal étaient plus exposées que d’autres à l’infection au VIH, en raison de leur proximité avec les grandes routes commerçantes et des pays en conflit comme la Guinée Bissau. Mais ses responsables ont affirmé à PlusNews qu’un programme de décentralisation des politiques de lutte contre le virus avait démarré en janvier 2004 pour tenir compte de ces réalités. Les premiers pas de la décentralisation Des comités régionaux, composés d’élus, de médecins et de techniciens, ont été mis en place il y a plus de dix ans. Réactivés en avril 2003 pour répondre au besoin de décentralisation, ils sont censés coordonner et initier des programmes de sensibilisation et de prise en charge des populations vulnérables et encadrer les communautés locales. Quelque 608 associations communautaires ont été financées en 2004, mais le CNLS estime qu’environ un tiers d’entre elles cessera ses activités cette année. «On est allé très vite, c’est vrai, et on est obligé de trébucher… L’arrivée de nouveaux acteurs de la lutte est nécessaire et le risque zéro n’existe pas», a expliqué Ndoye. Un audit a été mené fin 2004 sur les structures associatives qui ont été financées, a t-il dit. Les résultats ont été soumis à la Banque mondiale, qui appuie la mise en œuvre des projets et qui a demandé une réorientation des politiques de décentralisation pour tenir compte des défaillances constatées. «Qu’on nous laisse le temps de les responsabiliser, de les encadrer, de coordonner leurs activités et de préparer le suivi des actions sur le terrain !», a t-il ajouté. Pour les associations membres de l’observatoire, cette politique de décentralisation initiée par le CNLS est inefficace et dangereuse. «On a favorisé l’entrée de nouveaux acteurs, souvent peu imprégnés des questions relatives au VIH/SIDA et qui ne bénéficient d’aucun appui technique, d’aucun accompagnement», a dit Goumbala. «C’est de l’argent que l’on jette par les fenêtres et c’est dangereux, la quantité se fait au détriment de la qualité.» Pour Daouda Diouf, d’Enda, peu de programmes ont été initiés dans les régions qui ciblent les orphelins du sida, les travailleurs du sexe, les migrants ou les homosexuels. «Trois milliards de francs CFA (six millions de dollars) ont été dépensés en un an et seulement trois projets ciblent les prostituées», a expliqué Diouf. «On a vu toute sorte de groupements sur le terrain recevoir des millions… La médiocrité va se payer cash en terme de vies humaines», a t-il poursuivi.
Huit régions sur 12 connaissent des taux d’infection supérieurs ou égaux à deux pour cent, notamment Kolda, Ziguinchor et Tambacounda
Les taux de prévalence parmi les travailleurs du sexe s’établissaient entre 10 et 30 pour cent en 2003. Le niveau d’infection le plus élevé était observé à Ziguinchor, la capitale de la Casamance, à l’extrême sud du pays. Pourtant, a dit Diouf, les acteurs de la lutte contre le VIH doivent travailler avec les populations vulnérables et poursuivre le travail de prévention sur le terrain. «Le programme du gouvernement n’est autre que du pilotage à vue : c’est comme si on était 20 ans en arrière, on ne tire pas les leçons de notre expérience et de ce qui se fait autour de nous», a t-il dit. Pour nombre d’observateurs, le succès relatif du Sénégal dans la lutte contre le sida s’explique par la cohérence et le suivi de la politique menée depuis 1985 et la mise en place des premiers programmes de dépistage et de lutte contre le virus. Le dépistage, les orphelins délaissés Mais pour Diouf et les membres du collectif, le nombre de centres de dépistage à travers le pays est encore largement insuffisant si l’on veut développer la prise en charge et améliorer les conditions de vie des personnes qui vivent avec le sida. «Nous n’avons pas eu de financements pour développer les centres de dépistage, or le pays en a les moyens et la majorité des Sénégalais ne connaît pas son statut sérologique», a dit Paul Sagna qui dirige Sida Service, une association sénégalaise qui gère six centres de dépistage à travers le pays. «Il n’y aura pas de prise en charge correcte si la porte d’entrée aux traitements est fermée et ce n’est pas acceptable !», a t-il dit. Quelque 20 centres de dépistage volontaire existe à travers le pays, selon le secrétaire exécutif du CNLS, dont une dizaine dans la capitale. D’ici fin 2005, au moins deux centres de conseil et de dépistage devraient être ouverts dans chacune des 12 régions du pays, selon les objectifs fixés par le Fonds mondial. «On doit commencer par le départ : s’il n’y a pas d’infirmières, il n’y aura pas de centres de dépistage. C’est un ensemble qu’on est en train de bâtir», a dit Ndoye. Pour le secrétariat exécutif du CNLS, toutes les critiques formulées par l’observatoire ne visent qu’une chose : mettre la main sur les millions de dollars. «Ils veulent l’argent !», s’est insurgé Ndoye. «Ces ONG souhaiteraient que nous leur donnions tous les financements.» Selon le CNLS, il manque 28 millions de dollars au Sénégal pour approfondir et améliorer les programmes de prise en charge des personnes vulnérables. Faute de financements, les programmes concernant les orphelins du sida et les activités génératrices de revenus ont été suspendus. Le nombre d’enfants ayant perdu un ou leur deux parents à cause du sida s’établissait à 18 600 en 2003. Ils seront 40 000 orphelins de moins de 15 ans en 2010, selon les projections de l’étude sentinelle. Néanmoins, le Sénégal compte prendre en charge d’ici 2006 7 000 personnes qui ont besoin des médicaments antirétroviraux, des traitements onéreux pour les populations démunies d’Afrique de l’Ouest mais qui améliorent considérablement leurs conditions de vie. Grâce à l’initiative nationale d’accès aux antirétroviraux (ISAARV) mise en place en 1998, 2 700 personnes reçoivent des traitements gratuits au Sénégal, un pays qui fait désormais figure d’exemple en matière de politiques de prise en charge des personnes infectées. Fatim Dia, d’ACI, n’est pourtant pas de cet avis. «Les programmes ISAARV et la prévention de la transmission mère-enfant ont connu d’énormes difficultés au cours de cette année, liées notamment à des ruptures de médicaments et à des retards dans le processus de décentralisation», a t-elle expliqué. «Nous perdons des gens parce que nous ne pouvons pas les prendre en charge», a renchéri le docteur Ngagne Mbaye, qui dirige Synergie pour l’enfance, une association qui prend en charge les enfants vulnérables. «C’est un problème de management des fonds et ce n’est pas tolérable car les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui seront multipliés par dix l’année prochaine.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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