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Les réfugiés urbains, seuls face au sida et à la honte

[Mauritania] Prostitute or sex workers keep their work secret in Mauritania - not this is a staged photograph as all women wanted their identities concealed. IRIN
Women prostitutes work from darkened brothels
Dans l’attente d’une consultation, ils sont nombreux à se presser sur les bancs alignés dans le couloir, au premier étage du centre social de Rebeuss, la seule structure médicale de référence pour les personnes réfugiées à Dakar, la capitale sénégalaise. Mais à raison de 20 rendez-vous par jour, Assana Diouf, l’unique médecin de cet établissement démuni, en plein cœur de la métropole, avoue son désarroi face aux problèmes qu’il rencontre au quotidien. «Les réfugiés urbains sont extrêmement vulnérables, particulièrement en ce qui concerne le VIH/SIDA», explique-t-il à PlusNews. «Ils ont davantage besoin de prévention, de soins et d’accompagnement psychologique [que les autres], mais leur situation est difficile». Fuyant les conflits civils du Liberia et de la Sierra Leone, puis de la Côte d’Ivoire, de la Guinée ou de Mauritanie, des milliers de personnes, surtout des femmes et des enfants, sont venus se réfugier au Sénégal, pensant trouver, dans ce pays sahélien, une sécurité et un travail qu’offrent de moins en moins de pays en Afrique de l’Ouest. Ils «se disent que c’est mieux ici, que le pays est en paix et que l’assistance sera bonne», confirme Assana Diouf. «Ils sont vite désillusionnés.» Selon les dernières statistiques du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Sénégal comptait environ 23 000 réfugiés et demandeurs d’asile en 2003 ; près de 20 000 d’entre eux vivaient en milieu rural, 3 000 en milieu urbain, principalement Dakar. Plus de 2 200 personnes sont considérées comme demandeuses d’asile par le HCR et ne possèdent pas encore de documents officiels du gouvernement sénégalais attestant de leur statut - elles peuvent quelquefois attendre plusieurs années avant de l’obtenir, ou pas. En outre, de nombreux réfugiés mauritaniens sont venus grossir les rangs des ‘sans-papiers’ à Dakar depuis l’arrêt, en décembre 1995, du programme d’assistance du HCR et du Programme alimentaire mondial (Pam) dans les camps du nord du Sénégal, installés à la frontière avec la Mauritanie. Mais la poussiéreuse capitale du Sénégal est loin d’être l’eldorado dans lequel tous aspirent à vivre en attendant de retourner dans leur pays d’origine. Ainsi, pour obtenir une assistance médicale, scolaire et professionnelle au Sénégal, les personnes réfugiées doivent en avoir officiellement le statut, de plus en plus difficile à obtenir de la part des autorités sénégalaises. Pour ceux qui sont en attente de la décision, la prise en charge médicale est assurée par le HCR, mais l’agence onusienne a de moins en moins les moyens de ses ambitions en raison de la diminution constante de ses budgets depuis trois ans, explique-t-elle. Or, signale le médecin généraliste Diouf, «en milieu urbain 90 pour cent des réfugiés et des demandeurs d’asiles n’ont pas d’activité, aucun revenu et ils vivent dans des conditions difficiles, ce qui les expose plus que tout au VIH/SIDA». Se prostituer pour survivre Selon Assana Diouf, beaucoup de ces personnes réfugiées sont des femmes seules avec leurs enfants, qui ont perdu leur mari pendant la guerre ou qui ont été abandonnées à la suite d’un viol. «Pour survivre, elles font du petit commerce», explique Saran Kaba, qui dirige le comité des femmes réfugiées et demandeuses d’asile au Sénégal. Elle ajoute que, décidément, ces femmes parviennent difficilement à en vivre. «Il faut payer une chambre, aider les enfants à aller à l’école. Comment elles font pour vivre ? Il faut être réaliste : elles se prostituent». Au Sénégal, le taux de prévalence au VIH est l’un des plus bas d’Afrique de l’Ouest, à 0,7 pour cent de la population. Néanmoins, l’épidémie se féminise : d’après la dernière étude démographique et de santé (EDS), menée en 2005, 2,25 femmes sont infectées au VIH pour un homme. Le taux d’infection des travailleuses du sexe officiellement recensées est estimé entre 15 et 25 pour cent, un groupe à risque qui n’est pas suffisamment pris en compte par les autorités en charge de la lutte contre le VIH, selon les acteurs de la société civile. Or, ces femmes et ces jeunes filles multiplient les comportements dangereux pour leur santé et celle de leur entourage, faute de mieux. «Il y a celles qui négocient avec les gardiens de maison en construction pour avoir un toit une ou deux nuits», poursuit Saran Kaba. «Et puis il y a les autres filles, surtout les jeunes qui sont sur la corniche [la route passante qui longe la mer] la nuit, dans les boîtes ou les maquis [les restaurants à ciel ouvert]». Sophie (un nom d’emprunt) est l’une d’entre elles : cette Ivoirienne d’à peine 20 ans, couturière de formation, a fui son pays il y a deux ans pour venir s’installer à Dakar. Elle raconte que, faute d’obtenir une place dans un atelier, elle est devenue… serveuse. Cette jolie jeune fille, qui travaille dans un des nombreux bars de nuit du centre-ville animé de Dakar, assure n’avoir jamais de relation sexuelle avec les clients. Mais Saran Kaba n’a aucun doute : «C’est de la prostitution cachée, elles ne l’avoueront jamais mais c’est un fléau». Le VIH, un ennemi mal connu Ces femmes violées, abusées, prostituées souvent, ne sont pas ou peu informées des risques qu’elles courent au quotidien, s’inquiète le docteur Diouf. Les hommes aussi, comme les femmes qu’ils fréquentent, méconnaissent le sida et les moyens de s’en protéger. Avec le petit budget alloué par le bureau régional du HCR à la lutte contre le VIH/SIDA, Mahoua Bamba-Parums, l’administratrice régionale principale de la protection a organisé deux rencontres d’information et de sensibilisation au Bureau d’orientation sociale (BOS), géré par l’agence dans un quartier résidentiel de la capitale. «Il n’y a pas beaucoup de personnes qui se sont déplacées», constate-t-elle. La faute en revient à la stigmatisation, à la peur de se montrer, de sortir de son abri, de se faire arrêter par les forces de l’ordre, sans papiers, tente d’expliquer le docteur Diouf. «C’est toujours assez difficile de parler [du VIH], surtout avec les femmes car cela fait référence au viol, qui est très mal vu : la femme préfère s’isoler avec son sentiment de honte, plutôt que d’y repenser», dit-il. Dès que le médecin suspecte un cas de VIH chez un patient, il le réfère au centre de dépistage volontaire de l’institut d’hygiène sociale, au coeur de la ville. Là, il n’est pas nécessaire d’avoir de papiers d’identité, ni de révéler son statut de demandeur d’asile : le dépistage est gratuit et l’accueil identique pour tous. Ensuite, le patient qui aurait besoin d’une prise en charge thérapeutique peut s’adresser au centre de traitement ambulatoire du centre hospitalier universitaire de Fann, où les médicaments et les examens biologiques sont gratuits. Depuis janvier 2004, le dépistage et l’accès aux traitements antirétroviraux sont gratuits pour toute personne résidant sur le sol sénégalais, qu’elle soit migrante économique, réfugiée ou demandeuse d’asile. Mais rien n’y fait, constate le docteur Diouf. «Ils sont extrêmement réticents et peu veulent le faire. Pourtant, certains sont dans un mauvais état de santé». Pour Saran Kaba, cette hésitation à se faire dépister tient aussi au sentiment d’abandon et de solitude qu’éprouvent les demandeurs d’asile. «Les formalités prennent des années et parfois pour rien, si bien que les gens sont découragés, ils ne veulent pas savoir [leur statut] car de toute façon, ils n’auront jamais les moyens de payer le transport et la consultation», déplore-t-elle. Leur vulnérabilité face au VIH et leur fragilité psychologique ne font aucun doute aux yeux des acteurs de la lutte contre le sida au Sénégal. «Il y a tout un environnement qui ne répond pas aux conditions de soins idéales : imaginez quelqu’un qui n’a même pas de quoi payer le transport, qui doit aller chercher des analyses, qui ne sait pas où loger», énumère le docteur Sambou, de l’ONG Sida Service. «Plus que tous les autres, ils ont besoins d’un suivi psychologique.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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