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Bénédicte et Elise, deux femmes condamnées à se battre

[Cote d'Ivoire] Benedicte (L) and Elise, her mother, are both coinfected with AIDS and tuberculosis. They live in Danane, close to the border with Liberia, in the western part of the war-torn country where Doctors Without Borders take care of the populati PlusNews
Orphans and vulnerable children (OVC) need care and support in Togo
Du haut de ses cinq ans, Bénédicte est une patiente exemplaire, assurent ses médecins : malgré le VIH et la tuberculose, les maux de ventre et la fièvre, la petite fille ne cesse de sourire. “On vient de finir six mois de traitement contre la tuberculose, elle est guérie et elle a pris du poids”, annonce fièrement Elise, sa mère, qui vient de passer des mois à son chevet. Cette femme célibataire de 32 ans, au visage de jeune fille, s'inquiète pourtant. “Son corps chauffe et elle se plaint de douleurs au ventre.” D’aussi loin que se souvienne Elise, Bénédicte n'a jamais cessé d'être malade : toux, diarrhées, paludisme... Sa mère, une paysanne illettrée de Toulepleu, un village de l'ouest ivoirien situé à moins de 20 kilomètres du Liberia, avait recours à l'indigénat, une médecine de proximité, mais dont les résultats étaient plus qu'aléatoires. “Des fois ça marchait, des fois non.” Elise ignorait qu'il s'agissait du VIH jusqu'à son arrivée à l'hôpital de Danané, 100 kilomètres plus au nord, un établissement géré depuis trois ans par l'organisation médicale d'urgence Médecins sans frontières (MSF), venu pallier le départ du personnel de santé après l'irruption d'une rebellion armée, en septembre 2002. La pédiatre Alimata Diakité Sow et le médecin Howard Moore l'ont alors dépistée au VIH, avec l'autorisation de sa mère, avant de l'intégrer dans leur programme gratuit de prise en charge thérapeutique, lancé l'année dernière, qui offre désormais des médicaments antirétroviraux (ARV) à une cinquantaine d'adultes. Depuis, MSF s'approvisionne en ARV pédiatriques, des sirops adaptés à l'âge et à la condition physique des petits patients. Six enfants, âgés entre huit mois et six ans, suivent aujourd'hui ce protocole, le premier à voir le jour en zone rebelle et à l'intérieur de ce pays, pourtant l'un des pays les plus affectés par les pandémies de VIH et de tuberculose d’Afrique de l'Ouest. “MSF [section hollandaise] a bousculé le programme”, estime le docteur Sow. “C'est la première fois que nous avons des enfants sous ARV en Afrique, et même si tout le monde tâtonne, nous devons essayer pour éviter de perdre encore des enfants - trois sont déjà morts.” Bénédicte et Elise ont accueilli avec soulagement l'initiative de MSF : elles sont totalement démunies, et la petite fille a bien du mal à ingérer les comprimés, jusqu'à sept par jour, qu'il lui faut prendre.
MSF gère l’hôpital de Danané, où Bénédicte et sa mère sont soignées gratuitement
“Avec les deux traitements, ça a été difficile. Elle se plaignait que ça la fatiguait, des fois elle ne voulait pas les prendre, ça lui faisait mal au ventre”, explique Elise. “Elle sait depuis tellement de temps qu'elle est malade... mais elle ne sait pas pourquoi, elle me le demande souvent.” A la recherche d'un diagnostic des infections à répétition de sa fille, Elise a été jusqu'à l'amener, à pied et en bus, à Monrovia, la capitale du Liberia, plus accueillante pour ces populations de l’ouest, assimilées aux rebelles, et plus facile d'accès que le sud ivoirien, protégé par une zone dite “de confiance” que surveillent plus de 7 500 Casques bleus des Nations unies. Des solutions à n'importe quel prix, pour la vie En 2003, la bataille de Monrovia bat alors son plein, le président Charles Taylor doit faire face aux rebelles du Lurd, les Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie. Il quittera le pays en août de cette même année, sur pression de la communauté internationale. La fille et la mère, elles, vivront jusqu'en 2005 dans la capitale libérienne, chez une tante d'abord puis dans un abri de fortune, sans eau ni électricité, prêté par un homme qu'a rencontré Elise et qui lui promet de l'aider. Mais il l'abandonne quand elle tombe enceinte, arguant que le bébé à venir sera malade comme Bénédicte. “Il savait ce qu'elle avait”, souffle Elise, qui se retrouve seule et sans un sou. Sharbelle, la troisième fille d'Elise, naît à Monrovia en février 2005, avant le retour de la famille à Toulepleu. Un premier test au VIH, effectué par MSF à Danané a révélé un statut négatif, qu'il faudra confirmer à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, dans le sud du pays, quand le bébé aura atteint 18 mois.
Danané se situe à 80 kilomètres à l’ouest de Man, une région instable où circulent armes et combattants
Sa mère dit refuser de se réjouir : “La petite est très mince, elle a souvent des diarrhées. Ma mère qui la garde au village depuis que je suis à l'hôpital dit qu'elle est malade en ce moment.” Surtout, informée au jour le jour par les médecins de l'évolution de la santé de Bénédicte, Elise n'a pas tardé à réaliser qu'elle aussi devait être surveillée, et dépistée au VIH. Sa séropositivité lui a été annoncée début janvier mais elle n'a jamais cessé de nourrir Sharbelle au sein, une voie de transmission du virus de la mère à l'enfant. Et elle qui se languit de son nourrisson ne pourra pas le voir de sitôt : les médecins viennent de diagnostiquer une tuberculose, qui l'oblige en principe à se tenir éloignée de ses enfants pendant les deux premiers mois de son traitement, afin d'éviter la contagion. Des sanglots dans la voix, elle explique “n'avoir rien dit à personne, sauf à ma maman. Au village, s'ils savent que c'est le VIH, personne ne viendra à côté de moi. Même ceux qui ont la tuberculose, ils disent que c'est le sida. Au village, on ne connaît rien”. Mais ce qui la désole, avant tout, c'est l'état de santé de ses filles, pour l'instant bien entourées par les équipes de MSF. “Il faut que je regarde devant, ou la vie de mes enfants va être difficile. Je me garde de trop penser, je ne sais pas comment je vais faire, comment il faut vivre : c'est moi qui aidais ma mère, elle est handicapée. Avec la guerre, il n'y a pas de crédit, pas d'argent, pas de travail. Et Bénédicte a 'mangé' tout l'argent à l'hôpital.” Elise, qui a longtemps été domestique, a bien pensé à “aller avec les garçons”, mais elle s'interroge désormais sur les risques qu'elle prendrait à s'exposer davantage. “Est-ce que je ne vais pas tomber malade si je vais avec des garçons ? Est-ce que la vie ne sera pas plus difficile si les garçons vont et viennent ?” Les yeux dans le vague, Bénédicte endormie sur ses genoux, les mains dans les siennes, la jeune femme ne peut s'empêcher d'imaginer l'avenir. “Je vais protéger mes filles, je vais les surveiller moi-même, les conseiller. Il ne faut pas qu'elles s'approchent des garçons, il ne faut pas que quelqu'un les touche ou les viole. Il ne faudra pas jouer avec leur âme.”

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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