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Quand l’homophobie alimente la propagation du VIH

La persistance, voire la recrudescence, des violences à l’encontre des membres de la communauté gay en Afrique menace les efforts déployés pour lutter contre le VIH non seulement au sein de ce groupe, mais aussi de la population générale, ont averti des activistes lors d’une récente rencontre à Limbé, au Cameroun.

Au cours de cette rencontre, qui a réuni début juillet de nombreux activistes de la lutte contre le sida dans les pays d’Afrique francophone dans le sud-ouest du Cameroun, à l'initiative de l'organisation non gouvernementale française AIDES et de ses partenaires africains, l’extrême vulnérabilité des membres de la communauté gay face au VIH sur le continent a été soulignée par les participants.

En moyenne, d’après les estimations, les taux d’infection au VIH sont quatre à cinq fois supérieurs chez les MSM (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, en anglais) qu’au sein de la population générale, avec des pics dans certaines zones.

A Bamako, la capitale malienne, des tests de dépistages effectués auprès de quelques centaines de MSM ont révélé un taux d’infection d’environ 37 pour cent, selon ARCAD-SIDA, une association malienne de soutien aux personnes vivant avec le VIH/SIDA. Les données officielles établissent le taux national d’infection de la population à 1,3 pour cent.

Au Sénégal, une enquête menée en 2005 a montré que 21,5 pour cent des MSM de la capitale, Dakar, étaient infectés au VIH, comparé à un taux national de prévalence estimé par les autorités à 0,7 pour cent.

Pourtant, a rappelé le rapport « Off the map » de l’International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC), une organisation américaine de défense des droits des homosexuels, réalisé en 2007, « la vulnérabilité des hommes et femmes ayant des relations sexuelles avec des personnes du même sexe n’est due à aucune prédisposition biologique, mais est le résultat d’un ensemble de violations des droits [humains] et d’inégalités sociales qui augmentent le risque d’infection au VIH ».

L’homosexualité criminalisée

Selon l’IGLHRC, 38 pays, sur les 53 que compte l’Afrique, considèrent toujours l’homosexualité comme un délit, passible de peines allant jusqu’à l’emprisonnement.

C’est notamment le cas au Cameroun, où 11 personnes ont été emprisonnées en 2007 pour pratiques homosexuelles, selon le rapport 2008 de l’organisation de défense des droits humains Amnesty international. Faute de soins, l’un des hommes incarcérés est mort d’une infection liée au VIH/SIDA quelques jours après sa libération.

Pour le docteur Steave Nemande, médecin et président d’Alternatives Cameroun, une association de défense des droits humains, la criminalisation de l’homosexualité a pour conséquence de « légitimer l’homophobie sociale et [de] renforcer la peur chez les MSM, qui prennent davantage de risque en vivant une sexualité clandestine ».

Au Sénégal, où l’homosexualité reste illégale bien que les MSM aient été intégrés en 2005 dans les programmes de lutte contre le sida, la ‘chasse à l’homme’ et les arrestations qui ont eu lieu ces derniers mois, suite à la publication dans la presse locale de photos d’une fête gay, ont contraint certains membres de la communauté MSM à s’exiler, et d’autres, y compris ceux infectés au VIH, à se cacher –et donc à renoncer aux soins.


Photo: Reinnier Kaze/IRIN
L'ONG Alternatives Cameroun à Douala fournit aux MSM des informations et une prise en charge gratuite du VIH/SIDA
Même dans les pays où la législation est muette sur la question de l’homosexualité, comme en Côte d’Ivoire, les MSM sont loin de pouvoir revendiquer leurs droits, a noté Hervé Beuté, membre d’Arc-en-ciel+, une association ivoirienne de prévention du VIH/SIDA chez les MSM. « Nous en sommes encore à nous battre pour [que les MSM aient] accès aux centres de santé ».

Des membres de la communauté sont décédés du VIH/SIDA sans avoir bénéficié de soins après avoir été rejetés de certaines formations sanitaires, a-t-il affirmé, ajoutant que lui-même avait « quelques fois [été] victime d’agression » au cours de campagnes de prévention en faveur des MSM.

Des communautés peu informées

« Sur le continent, les MSM sont de plus en plus nombreux à organiser des campagnes de prévention, mais celles-ci ne peuvent pas être efficaces tant qu’ils sont pourchassés et/ou emprisonnés, ou encore exclus des stratégies officielles de lutte contre cette pandémie », a dit David Monvoisin, membre d’Africa Gay –un groupe de lutte contre le sida au sein des communautés homosexuelles- et chargé de mission pour l’ONG française de lutte contre le sida AIDES.

Philippe, suivi par un centre d’information et de prise en charge gratuite des MSM ouvert tout récemment par l’association Alternative Cameroun à Douala, le grand port commercial camerounais, a malgré tout décidé, comme une poignée d’autres, de prendre le risque de révéler son orientation sexuelle et sa séropositivité, « dans l’espoir que cela servirait d’exemple à d’autres pour qu’il y ait plus d’échanges sur la maladie autant chez les [MSM] que chez les professionnels de la santé ».

Ces initiatives sont indispensables, car de nombreux MSM « ne sont pas instruits et ignorent tout ou presque des méthodes de prévention », a dit Aboubakar Dabo, membre d’ARCAD-SIDA au Mali. Selon une enquête menée en 2006 par cette organisation, 77 pour cent des MSM interrogés avaient des rapports non protégés.

« Plusieurs MSM nous ont dit qu’ils étaient convaincus que la pénétration anale ne présentait pas de risque de contamination », a dit Yves Jong, coordonnateur de la cellule santé sexuelle et prévention d’Alternatives Cameroun.

Une clandestinité dangereuse

Même lorsque les MSM sont sensibilisés, leur exclusion de la plupart des politiques de santé sur le continent fait qu’il est difficile pour eux de se procurer de quoi se protéger de l’infection, le problème le plus récurrent étant celui de l’accès aux gels lubrifiants, a expliqué M. Monvoisin. « Beaucoup [de MSM] utilisent du beurre ou de l’huile, ce qui malheureusement abîme le préservatif ».

La clandestinité dans laquelle sont contraints de se réfugier les communautés gays expose non seulement ces personnes au risque VIH, mais également le reste de la population : de nombreux MSM, ne pouvant vivre ouvertement leur orientation, ont aussi des relations sexuelles avec des femmes, ou sont même mariés, ont rappelé des activistes.

Au Mali, « la plupart des homosexuels -88 pour cent, selon une étude- sont des bisexuels, ce qui favorise la propagation de la maladie », a dit M. Dabo.

Les gouvernements africains doivent donc réagir au plus vite et protéger ces groupes vulnérables, dans l’intérêt de l’ensemble de la population, ont plaidé des participants à la rencontre du Cameroun.

« Tant que les [MSM] seront ignorés, tous les efforts menés dans le monde pour lutter contre le sida seront voués à l’échec », a résumé Joël Nana, du bureau Afrique de l’IGLHRC.

rk/ail/vj


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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