Agée de 43 ans, Thokozile Mdaki fréquente le centre de santé mentale de l’organisation non gouvernementale Ekupholeni à Katorus, une banlieue de Johannesbourg, depuis 1996. Soutenue par des conseillers et son groupe de soutien, elle tente de gérer non seulement sa séropositivité mais aussi le traumatisme d’avoir été violée et endeuillée par le VIH. Elle a raconté son histoire à IRIN/PlusNews.
« Le dernier homme qui m’a violée m’a dit ‘‘je vais aller en prison, mais je te laisse avec le VIH’’. C’était vrai. C’était en 1995, le jour de mon anniversaire. Après le viol, je suis allée voir un médecin pour faire le test de dépistage [du VIH].
« Lorsque je suis revenue chercher les résultats, ils étaient dans une enveloppe cachetée. Je l’ai ouverte et j’ai vu ces lettres. J’avais lu des choses sur le VIH dans un magazine, mais je n’en comprenais pas le sens. Je suis allée aux toilettes, je me suis mise à genoux et j’ai prié.
« Après cela, je suis venue [au centre de santé mentale] d’Ekupholeni. Je n’étais pas angoissée à cause du VIH parce que j’avais demandé à Dieu de m’aider, mais je haïssais les hommes. Je me demandais pourquoi j’étais née, pour être une victime de viols depuis ma plus tendre enfance. Je voulais me venger, je voulais devenir une tueuse en série.
J’ai rejoint le groupe de soutien psychologique pour les personnes endeuillées parce que j’ai perdu ma mère en 1996, puis mon père en 1998 et mon frère en 2003. Je voulais me souvenir de ceux qui étaient décédés avant qu’il n’y ait des traitements. C’était encore très secret à ce moment-là. [Quand quelqu’un mourrait], on disait qu’il était mort de la tuberculose ou d’une pneumonie.
« Mon frère est mort du sida. Il ne l’avait pas dit mais je connaissais les symptômes. Il est mort dans mes bras à l’hôpital de Johannesbourg. Les traitements étaient trop chers à ce moment-là.
« Lorsque j’ai intégré le groupe de soutien, je me suis sentie guérie parce que je pouvais partager ma douleur ; les expériences de mon enfance, les mauvaises expériences sur mon lieu de travail lorsque mon patron abusait de moi. Si tu parles, tu te sens guéri.
« J’ai toujours besoin du groupe parce que mon fils est né séropositif et mon autre enfant, ma fille aînée, est lesbienne. Elle a été violée lorsqu’elle avait cinq ans, c’est pour cela que j’ai beaucoup de haine. Je me sens mieux maintenant, mais quand j’entends parler de viol à la télévision, je pleure parce que je connais cette souffrance.
« Venir ici [au centre] m’aide beaucoup, c’est ici que je me sens chez moi. Par exemple, après avoir été violée, je ne voulais plus fêter mon anniversaire, mais pendant la semaine de mon anniversaire, je vais venir ici et parler avec mon conseiller.
« Beaucoup de gens sont morts, pas à cause du VIH, mais à cause du stress. Tu prends le traitement, ensuite tu rentres chez toi et c’est là que l’angoisse vient. Si cela ne tenait qu’à moi, tout le monde devrait connaître son statut [sérologique], mais les gens sont ignorants et dans l’obscurité, c’est pour cela qu’ils meurent ».
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