Linda Mbiko*, une veuve zimbabwéenne de 36 ans, a traversé la frontière entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, cachée à l’arrière d’un camion. Elle fuyait la pauvreté et un système de santé public qui avait échoué à aider sa fille séropositive.
A Johannesbourg, elle pensait pouvoir gagner assez d’argent pour en envoyer chez elle et trouver des traitements pour elle-même et son enfant, mais sans papiers d’identité, elle a ressenti cette ville comme un lieu hostile. Elle a raconté son histoire à IRIN/PlusNews.
« Après la mort de mon mari, je n’avais plus personne sur qui compter, je n’avais rien à manger. Quand il travaillait, le peu d’argent qu’il gagnait avait de l’importance pour nous. J’habitais en zone rurale et la vie n’était pas facile là-bas. J’avais deux enfants dont je devais m’occuper et je n’avais même pas de parents. Parfois, je devais dormir sans manger parce que je n’avais pas d’argent, et même quand j’en avais un peu, ce n’était pas facile d’acheter de la nourriture car il n’y en avait pas dans les magasins.
« En plus de cela, j’étais tout le temps malade et mon enfant aussi, mais je n’étais pas sûre de ce que ça pouvait être et c’était difficile parce que si tu n’as pas d’argent, tu ne peux rien obtenir. Seuls les gens qui ont beaucoup d’argent peuvent avoir accès à des traitements.
« A l’hôpital, ils ont décidé de dépister mon enfant et elle était séropositive. J’avais peur de l’être aussi, mais je ne voulais pas le croire. Il n’y avait pas de traitement donc j’ai utilisé un remède provenant des feuilles d’un arbre, que l’on appelle Muringa – si tu les réduis en poudre et l’incorpore au porridge, les gens disent que ça aide. C’était de ce remède dont nous dépendions.
« Quand je suis venue en Afrique du Sud, j’espérais trouver un travail et prendre soin de mes enfants, particulièrement celle qui est atteinte de la maladie mortelle. J’espérais aussi pouvoir trouver quelque chose qui me permette de vivre plus longtemps parce que j’étais vraiment malade. Je pensais : je vais aller à Johannesbourg parce que c’est un lieu d’or, mais ce n’est pas facile de trouver cet or, même en creusant, creusant, tu ne le trouveras pas.
« C’était différent de ce à quoi je m’attendais. J’espérais un emploi, une vie meilleure, de meilleures conditions de logement, mais quand je suis arrivée ici, ce n’était pas facile. J’ai dû passer beaucoup de temps dans le parc. Tu restes dans le parc parce que tu n’as aucun endroit où aller et où dormir.
« Un jour, j’ai rencontré un homme qui a offert de m’aider, mais à la fin, il m’a utilisée pour avoir des relations sexuelles. Parfois, il m’enfermait dans sa chambre, je suis restée chez lui pendant une semaine et je me suis enfuie, j’étais donc de retour dans la rue.
« Je suis tombée malade et je suis allée à la clinique à Braamfontein [un quartier de Johannesbourg] pour être dépistée. J’ai dû attendre les résultats pendant deux semaines et je n’ai eu aucun conseil. L’infirmière qui m’a donné mes résultats m’a dit ‘‘ voilà tes résultats, tu es séropositive, tu peux partir et mourir. Tu n’as pas de papiers, nous ne pouvons pas t’aider’’.
« D’autres patients m’ont parlé d’un asile [refuge], et là-bas j’ai entendu parler d’un groupe de soutien. On m’a référée à la Maison de Nazareth [une mission catholique de Johannesbourg] où j’ai obtenu des conseils et des ARV [antirétroviraux], et ils ne m’ont jamais demandé de papiers.
« Je vis toujours au refuge, je ne travaille toujours pas. Je n’ai pas beaucoup de contacts avec ma famille parce qu’elle vit en zone rurale. Je ne sais pas comment elle survit.
« Le groupe de soutien m’a beaucoup aidée, juste pour parler et se donner mutuellement des conseils. Beaucoup d’entre eux [les membres du groupe] viennent du Zimbabwe et ont des expériences similaires ».
*Un nom d'emprunt
ks/ail
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